HISTOIRE DE MENTET

 

 

 

 

 

 

 

Chronique d'un village de Conflent

 

 

 

 

 

 

 

 

Mentet ...fa anys i panys

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean RIGOLI

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

        A Mantet, la mort même mourait.

 

                                           Armand Lanoux

 

                                    Le Berger des abeilles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                            à Louis,

 

                                 à Nadège et à Marc,

 

                                 à Mathieu, à Paul et à Jean,

 

                                 à tous les enfants du renouveau de Mentet,

 

                                 en héritage de leur passé.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Juin 2007

  - Reproduction interdite -

  revue et mise à jour, juin 2007

 

 


 

 

 

 


AVERTISSEMENT

 

 

 

 

 

         En 1977, j'avais confié aux presses de l'Imprimerie de Cerdagne, à Font-Romeu, le soin de publier une petite plaquette intitulée "Mantet" et qualifiée d'"essai historique sommaire". C'est cette première édition, revue, corrigée et augmentée, selon la formule consacrée, qui est à la base du travail d'amateur présenté aujourd'hui, à la faveur du temps retrouvé de la retraite.

 

         Cette étude a bénéficié, en large part, des recherches entreprises pour la rédaction de la récente "Toponymie de Mentet" dont elle constitue la suite logique. Néanmoins, il reste encore beaucoup à découvrir dans l'avenir pour tenter de combler les lacunes d'une chronologie toujours incomplète et qui laisse le chercheur toujours insatisfait.

 

         Les spécialistes voudront bien pardonner l'aspect trop prétentieux d'une introduction prolixe se rapportant aux temps d'avant l'histoire. Mon excuse est d'avoir voulu situer le récit historique dans la perspective la plus large possible pour essayer de rendre accessible au plus grand nombre les origines et, parfois, les raisons de l'évolution des événements.

 

         Bien entendu, il ne s'agit point ici d'une étude savante à vocation universitaire, mais de la modeste contribution d'un amoureux d'une terre d'oubli désireux de sauvegarder les trop rares traces de sa vie passée.

 

         Que le lecteur veuille bien fermer les yeux devant les imperfections de l'ouvrage et éprouve quelque plaisir à emprunter avec nous, pendant quelques instants, cette machine brinqueballante à remonter le temps ... et les hautes vallées du Ressec et de l'Alemany.

 

 

 

 

Jean RIGOLI - Mentet - Eté 1995


 

 

 

 

PREFACE

 

 

 

 

 

 

               On parle beaucoup d'environnement aujourd'hui. Certes, nous sommes faits pour la contemplation et nous avons besoin du spectacle de la nature aux multiples beautés géographiques, climatiques, végétales et autres.

 

                   Mais la contemplation des connaissances historiques ou scientifiques dues aux recherches de notre intelligence s'impose aussi à tout homme normal. Si nous sommes conditionnés par tout ce qui nous entoure maintenant, nous le sommes déjà par les événements et les circonstances qui nous ont précédés et que nous désirons savoir ; le présent est la suite du passé. Etablir sa généalogie, n'est-ce pas une occupation de plus en plus courante ? Il n'y a jamais eu de nigaud pour croire à la génération spontanée.

 

                   Et notre village, d'où vient-il ? Son nom, son emplacement, sa population, ses caractéristiques, son rôle autrefois, qu'ont-ils été et que sont-ils ? Il y a eu des événements, des aventures, des accidents, des incidents, des personnages éminents, d'autres disgracieux, des constructions qui subsistent encore même ruinées, des œuvres d'art…

 

                   Tout  village mérite qu'on décrive son histoire.  C'est l'avantage dont Mentet jouit maintenant, grâce à la bienheureuse curiosité de Jean Rigoli. Aidé par de vastes connaissances de toutes sortes, notre mentetaire d'immigration nous présente son village dans tout son environnement depuis la création jusqu'aujourd'hui. Il nous donne presque envie d'aller y habiter.

 

                   Si les philosophes ont su résumer la sagesse dans cette maxime : "Connais-toi toi-même" ! nous pouvons et devons exiger de chacun de nos villages qu'il dise : "Voilà qui je suis, je me connais moi-même" !

 

                   Cet ouvrage sur Mentet nous permet aussi de connaître Jean Rigoli dont le style est limpide et coulant, je dirais même gracieux, comme l'eau des roches dont parle également son livre.

 

 

                                                                                        Abbé Albert CAZES

 

                                                                  Villefranche-de-Conflent - 11 décembre 2002

 

 


 

 

PRESENTATION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            Isolé dans son cadre montagneux du Haut Conflent, entre les massifs du Costabonne, du Géant et du Canigou, abrité du monde extérieur par des cols de 1760 et 2412 mètres d'altitude, le site de MENTET peut faire penser à quelque principauté pyrénéenne en miniature.

 

            Au sud, la Portella de Mentet (2412 m.), à cheval sur la frontière franco-espagnole, met en communication Ripollès et Conflent, grâce au chemin de Camprodon à Villefranche qui la franchit pour relier les vallées du Ter et de la Tet. La ligne de crête sépare Mentet de Prats-de-Molló entre les pics de la Mort de l'Escolà (2463 m) et de Roc Colom (2507 m.), puis sert de limite frontalière avec Setcases, en passant par le Puig de la Llosa (2456 m.), le pic de Coma Armada (2504 m.) et le pic de la Dona (2702 m.).

 

            A l'ouest, entre le pic de Serra Gallinera (2663 m.) et le pic de l'Orri (2040 m.), le col del Pal (2294 m.) permet de descendre dans la vallée de la Carança.

 

            A l'est, la séparation avec le territoire de Pi s'effectue par Pomerola (2456 m.), le Pla Segala (2250 m.) et le Moscalló surplombant le col de Mentet (1760 m.) qui met en relation la vallée de Mentet et la vallée de la Rojà.

 

            Au nord, la rivière de Mentet s'engouffre dans le défilé qui la conduit vers les gorges de Nyer par delà Pocaroba (1575 m.) et la Farga Vella (1400 m.).

 

            Les vallées de Caret, de l'Alemany et du Ressec convergent en éventail vers le pied du col de Mentet où s'est établi le petit village aux maisons frustes et rustaudes.

 

            En amont, les grands plateaux d'altitude (Pla de Campmagre, Pla de Coma Armada, Pla Segala) et les anciens cirques glaciaires (Coma de la Portella, Coma de la Dona, Coma de Bassibès) constituent le vaste domaine des troupeaux à l'estive.

 

 

            A la fin du printemps, le sang des rhododendrons répond, côté bac, à l'or des genêts, côté solà. Blottis à l'ombre de la forêt de pin, les plants de myrtille tapissent le sous-bois tandis que les framboisiers escaladent hardiment le chaos des éboulis. Dans les hautes herbes, au bord des ruisseaux, pousse le coscoll qui frise les salades rustiques et, dans les prairies, les larges feuilles des gentianes ne parviennent pas à masquer les grelots bleu-nuit des aconits. Çà et là, au dévers d'un rocher, éclate le soleil d'une grande carline. Au bord du chemin, les petits oeillets piquettent la verdure de leur blanc-rose délicat.

 

 

                                                                                                                                         

 


 

 

            Mais l'homme a cessé de participer à l'élan vital de cette nature.

 

            Maintenant, au-dessus des torrents, accrochées au flanc de la montagne, les feixes où se cultivaient seigle et pommes de terre sont abandonnées. Nulle main ne relève plus leurs murettes écroulées. Le mât des pallers ne se dresse plus au milieu des prés où l'herbe ne se couche plus sous la morsure de la faux. L'eau ne court plus dans les canaux asséchés et envahis par les ronces.

 

            Les cortals des alpages sont tombés en ruines. Le défaut d'entretien a donné un caractère âpre et sauvage à ces pentes où les randonneurs sont presque les seuls à suivre les sentiers d'antan.

 

 

            Avec l'arrivée de la route, un repeuplement néo-rural a pu cependant se réaliser au village. Un jour, peut-être, le tourisme réussira-t-il à prendre le relais d'une économie jusque-là essentiellement pastorale.

 

 

            MENTET, "dernier village de France", est désormais doté des équipements essentiels en matière de voirie, eau, égouts, électricité...télévision. Ainsi pourrait mourir la légende qu'entretenaient jadis les gens de la plaine. Ils parlaient alors d'un hameau perdu là-haut dans la montagne, enclavé entre des monts de plus de deux mille mètres, où ne pouvaient parvenir que chèvres et mulets pratiquant un affreux sentier bordé de précipices, où les maisons, bâties sur un fumier millénaire, abritaient une race de contrebandiers sales et sauvages menant leur fragile existence parmi les aigles, les isards et les sangliers.

 

 

            C'est à la recherche des ancêtres de ces temps-là que nous vous convions.




 

 


 

 

 

INTRODUCTION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            C'était il y a plus d'un million d'années. A l'occident, majestueux, trônait le Canigou, tranchant l'azur profond du ciel de la blancheur étincelante de ses neiges éternelles.

 

            Au pied de la falaise d'argile bleue qu'elle avait profondément entaillée, la rivière grondait. Dans ses flots boueux roulaient les innombrables débris arrachés, là-haut, aux contreforts de la montagne. Ouvrière inlassable, elle les déposait sur les fonds du golfe de la mer pliocène qu'elle comblait peu à peu.

 

            Au delà, sautant par dessus les flaques de ses étangs, la steppe fuyait vers l'Albère proche, frémissant au vent froid et sec soufflant en bourrasques violentes venues du nord des Corbières. Çà et là, en troupeaux épars, pâturaient aurochs, bisons et chevaux.

 

            Un vieux mâle, inquiet, cessa la quête lente de sa nourriture et leva son mufle puissant. A travers la poussière courant au ras du sol, l'ancêtre de la tramontane apportait à son naseau humide des effluves étrangères. Bientôt, la bête put déceler, au bord de la rivière, l'origine de cette odeur inconnue.

 

            Précédant à courte distance un petit groupe de congénères, un étrange bipède tressautait sur les galets de la rive.

 

 

            Ainsi apparût, à l'aube des temps, le premier homme sur cette terre de Roussillon.

 

 

            Bien plus tard, on l'affublerait du curieux nom d' Homo erectus : "l'homme qui se tient debout". Il succédait, dans l'évolution de l'espèce, à son aïeul, l' Homo habilis, qu'il avait laissé dans son Afrique natale, il y avait 500.000 ans de ça, pour venir peupler l'Asie et l'Europe, au cours d'une longue errance ralentie par les rigueurs climatiques des débuts de la période de glaciation du Günz.

 

            Il nous faudra faire un bond de plus de 700.000 ans après cette première apparition pour faire la connaissance de son descendant de la Cauna de l'Aragó, l' Homme de Tautavel.

 

            Quittant les berges de nos rivières et sa fragile hutte de branchages pour le confort relatif et la plus grande sécurité des grottes et cavernes, ce chasseur du Paléolithique ancien s'établit dans ce vaste abri naturel creusé dans le calcaire des Corbières. Ignorant encore le feu, parlant une langue rudimentaire, il vivait en petits groupes capables de s'organiser pour la chasse en battues où, à l'aide d'épieux de bois et de pièges primitifs, il traquait daims, cerfs, rennes, aurochs, bisons, boeufs musqués, chevaux, panthères, lions, ours, rhinocéros et même éléphants antiques. Ce gros gibier ne lui faisait pas mépriser, pour autant, la petite faune, tout aussi abondante, des chats et chèvres sauvages, renards, loups, mouflons, chamois, lièvres, lapins et autres petits rongeurs, sans oublier toutes les espèces d'oiseaux : pigeons, perdrix, grives, canards, gypaètes et aigles royaux.

            Notre amateur de chair crue d'il y a 350.000 ans ne manquait donc pas de quoi satisfaire son appétit de robuste sportif, aiguisé par les longues courses à travers les herbes de la plaine.

            Une nette amélioration allait être bientôt apportée à son alimentation, à son confort et à sa sécurité par la découverte du feu domestique permettant la cuisson de ses aliments, le chauffage de son logis et l'éloignement des fauves prédateurs.

 

            Ce mode de vie ne va guère changer lorsque l'Homme de Neandertal va succéder à l'Homme de Tautavel. Cent mille ans avant notre ère, en effet, le dernier Homo erectus cède la place au premier Homo sapiens.

            Le climat reste très froid. Mammouths et rhinocéros laineux recherchent leur pâture dans la steppe qui recouvre la plaine tandis que nos chasseurs néandertaliens se déplacent en petits groupes nomades. Ils parviennent en Conflent où leur présence est attestée à la Cova del Mig de Corneilla, il y a plus de 50.000 ans.

            Au cours des grands froids de la glaciation du Würm, cet abri servait de simple halte de chasse saisonnière à nos ancêtres venus traquer en ces parages bouquetin, cerf, cheval, ours et boeuf sauvage ainsi que le plus modeste lapin, comme nous le révèlent les restes retrouvés dans de petits foyers aménagés.

 

            Un radoucissement relatif du climat de ces temps glaciaires permet à l'homme de s'aventurer jusqu'au pied même du Canigou. On retrouve sa présence, il y a 16.000 ans environ, dans la grotte d'Embulla, toujours à Corneilla-de-Conflent. Il s'agit maintenant de l'Homme de Cro-Magnon, parvenu là, à la limite des neiges éternelles, à 500 mètres d'altitude à peine.

 

            Le climat continue de s'améliorer avec la fin des grandes glaciations. Mais il faudra attendre la fin de la dernière période glaciaire, le Würm IV, il y a environ dix mille ans, pour que ce réchauffement climatique permette à l’homme d’accéder aux vallées enfin découvertes de leurs anciens glaciers. Il va profiter de cette période tempérée, plus humide, qui a favorisé le développement de la forêt, pour aller y chasser le bouquetin, le cerf, le cheval et le renne.

 

            Nous ne saurons probablement jamais qui fut le premier être humain à franchir le Col de Mentet.

 

            Un chasseur de la fin du paléolithique, lancé à la poursuite de quelque bouquetin venu se réfugier aux confins des derniers glaciers du pléistocène ?

 

            Ou un berger du chalcolithique suivant sagement un troupeau de premiers transhumants attirés par la promesse de nouveaux pâturages ?

 

                Car les premiers chasseurs vont être suivis, à l’époque du bronze ancien (1800-1500 av. J.C.), par les premiers bergers, les pasteurs transhumants, que certains appellent aussi pasteurs nomades et d’autres pasteurs guerriers. Loin de s’établir de manière durable sur ce territoire, ceux-ci pratiquaient, avec leurs troupeaux de brebis et de chèvres, une transhumance hivernale rendue nécessaire par les rigueurs du climat de ces temps et qui les faisait descendre vers des terres plus clémentes à l’issue de la belle saison.

 

          Ce n’est que plus tard, au bronze moyen (1500-1200 av. J.C.), qu’ils troquent leurs abris temporaires d’été contre des habitats sédentaires et qu’ils se fixent de manière plus définitive sur cette haute terre. Ils vont y pratiquer l’élevage mais aussi cultiver les premiers champs de blé, de seigle et d’avoine. Ils parlent une langue bien articulée, commune à toute la culture pyrénéenne, langage primitif que les spécialistes baptiseront plus tard "proto-basque" ou "basque archaïque". Cette langue antique, loin de se cantonner dans les seules Pyrénées, est, alors, la langue la plus usitée au sud de notre continent. On en a même retrouvé des traces jusqu'au nord de l'Ecosse. Avec le finnois, parlé dans tous les pays du nord, ils constituent les deux plus vieux langages connus en Europe. Ce sont, toutes deux, des langues agglutinantes, c'est-à-dire constituées de bases composées d'une ou deux syllabes pouvant se juxtaposer pour former un mot nouveau, d'où leur très grande richesse d'expression.

 

             C’est donc dans ce basque antique que nos aborigènes s’expriment pour les échanges de la vie quotidienne. Mais ils ont également une vie spirituelle et une religion païenne qui les portent au culte des idoles, essentiellement issues de la nature : la montagne, la rivière, la source, l’arbre - le pin notamment -, l’éclair, la foudre, le tonnerre, l’inondation, etc. Ils enterrent leurs morts sous des dolmens, maintenant disparus mais dont des toponymes fossiles tels que le Puig de la Llosa (2456 mètres d'altitude) ou le Pico de la Llosa (2504 mètres d'altitude), au sud du Callau, sur la crête frontière, pourraient signaler la présence. Le mot catalan "llosa", issu du roman "lausa", provenant du prélatin "law", signifie large rocher plat, pierre plate. Il a souvent servi à désigner, par le passé, les dalles de couverture, souvent ruinées, des monuments funéraires mégalithiques.

 

 

                C’est bien estompé par les brumes de la préhistoire que nous apparaît ce premier établissement sédentaire sur notre sol.

            Quelques indices matériels ou toponymiques, que seule la science archéologique permettrait de hisser au rang de vestiges si elle avait le bonheur de s'y intéresser, tendent à révéler un peuplement antique de cette région du Callau. Le terme même de "Callau" [1], en toponymie catalane, est en relation avec des ruines provenant d'anciens édifices ou d'anciens villages fortifiés dont le souvenir a parfois subsisté jusqu'à nous, comme dans les formes Callús ou Catllús, par exemple.

            La photographie aérienne fait apparaître, d'autre part, d'étranges structures circulaires en pierres, en alignement nord-sud, sur la rive gauche du ruisseau du Callau, en amont et en aval de la Jassa del Callau. S'agit-il  de ces harrespils (petits cromlechs) qui abondent sur les sommets pyrénéens ?

 

Site habité, ensemble funéraire, sanctuaire ou lieu de culte ?

 

Qui nous dira la signification, profane ou sacrée, d'un tel agencement ?

 

            Cette présence humaine à l'époque préhistorique pourrait être confirmée par la découverte de matériel lithique, mais il n'a pas été possible, jusqu'à présent, de retrouver trace des haches et des pointes de flèche qui ont été signalées et qui auraient fait l'objet de trouvailles sur cette aire géographique.

            Ce terme de Callau pourrait donc indiquer les ruines de l’ancien village fortifié, à environ 2200 mètres d’altitude, des ces bergers guerriers, hypothétiques membres de la tribu des aucoceretes (également identifiés autoceretes ou acroceretes), pré-ibères cités par Rufus Festus Avienus dans son Ora Maritima.

         

 

            Cette antique culture va ensuite subir l’influence des premiers indo-européens, pré-celtes arrivés vers 1000 ou 900 avant Jésus-Christ en provenance de l’Europe centro-orientale.

Il s’agit du "peuple des champs d’urnes", "Urnenfelder" en allemand, pratiquant l’incinération puis le dépôt des cendres dans des urnes, enterrées ensuite dans des cimetières. Mais, mises à part ces nécropoles, on dépose aussi ces urnes soit dans des cavernes, soit dans les monuments mégalithiques construits durant les époques précédentes et ainsi réutilisés en perpétuant la tradition antérieure d’inhumation tumulaire. Ainsi utilise-t-on les mêmes endroits comme cimetières depuis le Néolithique, en confirmant le caractère sacré de ces coutumes funéraires persistantes.

 

            Cette culture des champs d’urnes va imprégner la culture basque précédente durant le Bronze final et le Premier Age du Fer ("Hallstatt") de 1000 à 500 avant Jésus-Christ environ.

 

            Elle va à son tour subir l’influence de la première vague des véritables celtes venus d’Allemagne méridionale et dont les multiples tribus vont se propager vers le sud durant les deux âges du fer : "Hallstatt" et "La Tène", jusqu’à l’arrivée des Romains.

 

 

            Pendant ce temps, de l'autre côté de la Méditerranée, un peuple de légende s'est mis en marche. Composé de Chamites et de Sémites, il s'installe successivement en Egypte, en Lybie, au Sahara et dans le Maghreb. Aux environs de 1500 avant Jésus-Christ, Chamites et Sémites se séparent. Les Sémites rejoignent le Moyen-Orient tandis que les Chamites se fixent en Afrique du Nord. Ces Chamites comprennent eux-mêmes deux peuples, les Berbères et les Ibères, qui vont, à leur tour, se séparer, les Ibères franchissant le détroit de Gibraltar pour progresser à travers l'Espagne et bien au-delà des Pyrénées. Leur civilisation va s’étendre, dés le VI° siècle avant Jésus-Christ, à la quasi-totalité de la péninsule ibérique.

            Confrontés à l'invasion de la seconde vague celte dont une des plus importantes tribus, les Volques, les refoule jusqu'aux Corbières au III° siècle avant Jésus-Christ, les Ibères s'établissent derrière ce rempart défensif dont ils feront une frontière. Ils construisent les oppida puissamment fortifiés d'Illiberis à Elne et de Kere à Llívia. Entre ces deux cités, de l'Albera à la Cerdanya, ils se trouvent en contact, dans le haut pays, avec les tribus héritières des précédentes civilisations pyrénéennes.

 

            Les Ibères appelleront ces populations les Kerretes [2] :  les habitants des montagnes, du radical -Kar -Ker, signifiant rocher, montagne, suivi du suffixe ethnique -ete, dans cette langue non indo-européenne, non encore déchiffrée à l’heure actuelle.

            Au contact de la civilisation nouvelle, les autochtones vont enrichir leur vocabulaire des mots ibères les plus employés dans les échanges du commerce, de la politique et de la religion. De ces apports de la langue ibérique aux bases proto-basques naîtront les racines ibéro-basques, fondements du langage parlé pendant plus de mille ans dans nos montagnes pyrénéennes. Il résistera à la toute puissance du latin et de son successeur, le roman, jusqu' à l'adoption du catalan à partir du XI° siècle.

 

Pour caractériser cette langue issue du basque et ayant subi les influences ibériques , le Docteur Coromines (Estudis de Toponímia Catalana - page 98) propose de parler d’ibéro-basque.

 

Constatant de son côté que le basque primitif a évolué à la faveur d’apports ligures, sorothaptiques, celtiques et ibériques, Manuel Anglada i Ferran (Arrels d’Andorra - Prehistòria d’Andorra a través dels noms de lloc - pages 72 et 74) propose d’utiliser le terme de bascoïde.

            C'est celui-ci que nous adopterons puisque c’est dans ces racines qu'il nous faut retrouver, bien souvent, l'origine de nos plus anciens noms de lieu, après les avoir débarrassés des altérations dues aux rhabillages successifs par les langues de la colonisation. Ainsi découvrirons-nous l'étoffe primitive sous les oripeaux et fanfreluches du costume soumis aux caprices des modes qui se suivent.

 

 

            Le nom de Mentet [3] appartient à une série de toponymes dérivés de "ment", terme archaïque associé aux cols et passages pyrénéens, comme le sont aussi d'autres dénominations telles "ancise", "ansa", "jou"...

 

On retrouve ce terme dans :

- le Ras de la Menta, à Sureda, dans les Albères, sommet dénudé, ras, secteur de pâturage entre le Coll de l'Estaca et le Coll de les Mosqueres, voies de passage entre l'Albera et l'Alt Empordá, sur la chaîne frontalière

- le Coll et le Serrat de la Menta, à Pi, sur le sentier du Coll de Mentet au Puig de Tres Astelles, au voisinage immédiat de Mentet

- le Coll de Manter, en Garrotxa, au sud-ouest d'Olot, sur la crête et à proximité de Puigsacalm

- le Coll de Mantell (diminutif, avec suffixe -ellum), sur la crête frontière entre Las Illas et La Junquera, ancien passage fréquenté à peu de distance du Perthus

- la Costa et le Puig de Mantinell (diminutif, avec double suffixe -inu  -ellum), dans la haute vallée du Freser, sur la voie d'accès de Camprodon, Vilallonga de Ter et Setcases à Núria par le Coll de Tres Pics

- le Bac et le Rec de Puig Menti, en Cerdanya, entre Santa Llocaia et Nahujà

- Montmantell et Mentirosa, secteurs de montagne, en Andorra, faisant communiquer, le premier, la haute vallée d'Arinsal avec le Vic de Sos ariégeois par le Port d'Arinsal, le second, Sant Julià de Lòria et la Cerdanya, par Bescaran

- le Tossal de les Mentides, en Alta Ribagorça, près du Port de Erta, entre les vallées de Boí et de Bellera

- le ruisseau et les prairies de la Menthe, en Ariège, à l'abord immédiat du col de Port

- le Col du Mente, en Haute-Garonne, entre Bagnères-de-Luchon et le col du Portillon

- le Col de Menté, en Haute-Garonne, à hauteur de Le Mourtis, entre Saint Béat et le col de Portet d'Aspet.

 

Pour Jean MANTOVANI, chercheur amoureux des "Monts et Mots" des Pyrénées, il semble ainsi bien établi :

 

       « ...1°) que derrière le radical "ment-", "mant-" se cache un ancien nom commun, celui-ci d'origine très probablement non latine (rien à voir notamment avec "menta" : menthe). Il s'est fixé dans la toponymie, dans une vaste région qui s'étend, pour le moins, de l'Aragon oriental et des pyrénées garonnaises jusqu'à la mer, avec une particulière concentration en Catalogne.

            2°) que ce terme, au vu de ses formes de suffixation, était encore en usage bien après la colonisation romaine. Ce que semblent démontrer les dérivés "Manter", "Mantell", "Mantet"...parallèles à "Portere", "Portell", "Portet"...

              3°) que son usage était très probablement lié aux voies de communication, et, plus précisément, aux voies traversantes. La concordance ou la proximité entre les noms relevés et certains cols de grande fréquentation semble même parfois faire de "ment-" un vieux synonyme de "port"... ».

 

 

                Le Docteur Paul LEMOINE est des rares à s'être penché sur l'origine du nom de Mantet (dans sa "Toponymie du Languedoc et de la Gascogne" - Picard - Paris - 1975). Il le classe parmi les noms d'étymologie celtique, hypothèse qui semblait, jusqu’à ce jour, la plus crédible. Jean MANTOVANI, le cite : « MANTALO, chemin, peut être péage, paraît représenté dans MANTET, Pyrénées Orientales, qui est effectivement placé sur un antique chemin du Conflent vers l'Espagne... ».

 

Le Docteur Paul LEMOINE s’était auparavant intéressé au "cas" de Mant. Il y avait fait référence une première fois dans sa "Toponymie du Pays Basque français et des Pays de l’Adour" (Picard - Paris - 1971) à propos de Mant, petit village de Chalosse, dans les Landes. Dans la partie qu’il consacrait aux "noms gaulois", il mentionnait : "Mantello, chemin. Ce mot, souligné par Déchelette, mais rarement employé, paraît expliquer MANT, canton de Hagetmau (de Menta, 1289, Rôles Gascons tome II, page 509, recueil des textes médiévaux publiés par Charles Brémont en 1885-1905- Imprimerie Nationale ) " Le site du Moulin de Mant est exceptionnel, on y jouit d’une vue très étendue sur le Tursan et la Chalosse ; l’antique chemin de Saint-Sever à Bénéharnum (aujourd’hui Lescar) est parfaitement visible sur cette crête ".

 

            Au sujet de "Mantalo" Jean MANTOVANI poursuit : « Il fait là référence à un terme que les écritures des premiers siècles de l'empire romain attestent elles mêmes comme propre à l'onomastique "gauloise". Ce mot apparaît alors déjà en tant que nom propre associé à des fondations pré ou proto-romaines, comme Petromantalum (composé latino-gaulois dont le village de Pierremande dans l'Aisne, comme le Pierre Menta savoyard, conserve une traduction moderne), Mantalomagos (composé purement gaulois avec "magos" : marché, lieu d'échange, souvent aux confins du "pagus"). Le nom est resté dans Manthelan (lndre et Loire), Manthelon (Eure, Loiret), etc. Le même "mantalo", ou "mantula", fortement accentué sur la première syllabe lorsqu'il n'apparaît pas en composition, semble être à l'origine du nom des villages de Manthes dans la Drôme (Mantula en 1408), de Mansle en Charente (Mantulae au XIème siècle) ... Il est également considéré comme ayant donné lieu, avec un suffixe différent, au nom de la ville italienne de Mantoue (Mantova), auquel je dois mon nom paternel. Partant de différents indices, dont les noms que je viens de citer de "Petromentalum", de "Mantalomagos", les spécialistes des études anciennes, dès le début du siècle, ont établi que le terme devait avoir le sens de "route", et plus précisément de "lieu où la route rencontre une limite territoriale". De là le sens hypothétique de "péage", qui semble confirmé par certaines survivances du terme dans les langues celtiques modernes (ainsi le gallois "mantawl": balance, pesée).

 

Notre "mante" ou "mente" n'aurait qu'un rapport assez lointain avec sa forme et son sens étymologiques, mais aurait gardé la signification de "route", "voie d'accès". Conservé ou adopté par les communautés montagnardes, il aurait pris le sens de "col frontière", de "lieu donnant accès à un passage frontalier", et plus tard un sens plus simple de "col", "passage en montagne". Avant d'être supplanté par "port", "portell", "portet", probablement avant les IXème-Xème siècles, période pendant laquelle les Pyrénées semblent s'être vidées d'une grande partie de leurs habitants. »

 

Dépassant ce sens proprement pyrénéen de "col", "ment-" ou "mant-" va, plus au nord, désigner tout passage où la route franchit un obstacle, où elle rencontre une limite territoriale.

Dans le cas de Mantes-la-Jolie, par exemple, il s’agira du pont sur la Seine. Le "Mantela", "Mantola", ou "Mentula" cité par Fortunat pour origine du nom de Mantes est, bien évidemment, à rapprocher de l’étymologie "Mantalo" et "Mantula", recueillis dans le domaine proprement gaulois, avec les toponymes des noms cités plus haut de :

            - Mansle, en Charente (Mantulae au XI° siècle)

-  Mant, dans les Landes (Mantelum dans la revue "Manuel d’archéologie - routes romaines" où Albert Grenier donne à Mant le sens de "route")

-  Manthes, dans la Drôme (Mantula en 1408)

-  Mantallot, dans les Côtes d’Armor (Menthalloet à la fin du XIVème siècle)

            - Manthelan, en Indre-et-Loire (Mantalomagus au V° siècle) et

- Manthelon, dans l'Eure et le Loiret, qui sont des composés purement gaulois avec "magos" marché, lieu d'échange

            - Pierremande, dans l'Aisne, et

- Pierre Menta, dans le Beaufortin, en Savoie (Petromantalum : composé latino-gaulois avec le sens de carrefour : les quatre chemins, également présent à Saint-Clair-sur-Epte, dans l’Eure, en Normandie);

ainsi que, plus directement :

- Mantoche, en Haute-Saône (Mentusca en 1119), simplement associé au suffixe

     -osca ,-usca, (gué, puis pont sur la Saône) et         

- Mentue, rivière du Jorat, dans le canton de Vaud, en Suisse (Mentuye...wadum ementuje en 1230) avec, par conséquent, un sens dérivé de "gué" là aussi.

 

Toutes ces attestations semblaient bien accréditer l’origine celtique des radicaux ment-, mant-, dans l’état où se trouvait la recherche en 1995.

 

Mais leur présence en Corse allait tout remettre en question.

 

En effet, la Corse a été épargnée par l’invasion celtique (La toponymie corse in Les noms de lieux de Charles ROSTAING - Que sais-je ? - P.U.F. - Paris - 1997 - page 120) et une étude plus attentive fait apparaître que ces termes, qu’on a voulu considérer comme celtiques, sont en réalité antérieurs.

 

Ont donc de fortes chances d'être d'origine ligure les toponymes de la montagne de l’arrière-pays d’Ajaccio :

 

- Menta, zone de réserve de chasse de la commune de Quenza, à l’ouest des Aiguilles de Bavella, avec

- ruisseau de Menta,

- fontaine de Menta, et

- Punta di Menta Morta (1595m.), qui semble signaler l’abandon d’un ancien lieu de passage au profit d’un plus récent : le col de Bavella ?

 

- Menta, lieu-dit de la commune d' Aullène,

avec, là aussi, un

- ruisseau de Menta

 

- a Menta, zone de montagne à l’est d’Olivese, avec

- Punta di a Menta (1471 m.)

 

- Punta di Mantelluccio (1679 m.) (diminutif, avec double suffixe -ellu  -ucciu : le joli petit chemin ?), entre Bastelica au nord et Santa-Maria-Sicché au sud

 

- Col de Menta (756 m.), sur la route D27 à 2,5 km au sud-ouest de Bastelica,

avec, là encore, un

- ruisseau de Menta

 

auxquels il convient d'ajouter, beaucoup plus au nord, dans l’arrière-pays de Bastia :

 

- Menta, lieu-dit de la commune de Borgo, au sud de Bastia, avec

- ravin de Menta

 

- Col de la Croix de Menta, à Poggio-d'Oletta,

 

- Ruisseau de la Menta, à Pieve, et

 

- Funtana di Menta, à Sorio, tous trois au sud-ouest de Bastia

 

et, plus au centre, à l'ouest de Corte :

 

- Bergerie de Menta, à Casamaccioli, et

 

- Bergerie de la Menta, à Corscia.

 

Aussi nous paraît-il plus plausible d’attribuer au radical "ment-" de Mentet  une origine sorothaptique importée par les Bébryces plutôt qu’une supposée origine celtique.

 

       La tribu des Bébryces s'est installée au bronze final III (vers 800-700 av.J.C.) en Conflent, dans les Albères, le Vallespir et la vallée de l'Ebre où elle est également connue sous le nom de peuple des castors.

 

       Le langage importé par ces peuples non-celtes, mais prédécesseurs des véritables celtes, comporte des éléments ligures, pré-indo-européens, de culture méditerranéenne, qu’ils ont incorporé à leur langage primitif dans leur lente progression depuis le sud du Danube, tout au long du golfe de Gênes et du golfe du Lion, et qu’ils ont apporté jusqu’aux Pyrénées. Dans ses Estudis le savant Docteur Coromines lui a donné le nom de sorothaptique.

 

       Cette influence sorothaptique a atteint le sud de l'Aquitaine où les Celtes, en transit, n'ont laissé que peu de traces de leur passage. La base "ment-" ou "mant-" importée par ces premiers locuteurs indo-européens se retrouve, en dehors de toute origine celtique, dans :

 

- Mant, déjà cité plus haut , petit village de Chalosse, dans les Landes,

 

mais aussi dans :

 

- Mant, à nouveau dans les Landes, hameau de la commune de Cazalis, et

- Mantet, toujours dans les Landes, pour trois lieux-dits situés à Castelnau-Tursan, Duhort-Bachen et  Saint-Martin-de-Hinx, parfaits homonymes de notre Mantet du Conflent  !

 

Au Pays Basque on rencontre également :

 

- Menta : dix hameaux à Aldudes, Ayherre, Banca, Espelete, Irissary, Irouleguy, Louhossoa, Mendionde, Mouguerre, Saint-Pee-sur-Nivelle

 

avec une foule de composés et de dérivés :

- Mantette à Orthez, Mentana à Mont, Mentaberria à Ainhoa, Ayherre, Briscous, Itxassou, Saint-Pee-sur-Nivelle,Urrugne, le ruisseau de Mentaberry à Hendaye, Mentaberrikoborda, à Briscous et à Ustaritz, Mentakoborda à Briscous, Mentachiloa à Ayherre, Mentachoury à Mouguerre, Mentachuria à Hasparren et à  Mendionde,

 

qui sont les témoins de cette forte influence sorothaptique qu'a connue la langue basque antique à l'âge des métaux, alors qu'elle ne présente, par ailleurs, aucun indice pouvant indiquer une quelconque domination gauloise.

 

 

Dans nos Pyrénées, le "ment-" ou "mant-" de nos communautés montagnardes avait le sens de "col", "passage en montagne", avant d'être supplanté, probablement avant les IX°-X° siècles, par "port", "portell", "portella", "portet". A Mentet même, un passage aussi essentiel et notoire que la Portella n'est pas encore signalé en 1102, dans l'acte de consécration de l'église, alors qu'on cite un terme similaire, mais d'un emploi sans doute plus ancien, "Finestrellas", pour désigner d'autres confins, vers Nyer.

L'adjonction à ce radical "ment-" du suffixe ancien "-d" peut expliquer la première transcription de cette finale dentale forte "-t -d", aboutissant à la forme écrite "ted" du "Mented" de l'époque romane et de ses dérivés "Mentedo" et "Mentedi". On retrouve cette ancienne suffixation "-d" avec un autre radical bien connu "kar-" dans des exemples tels que "Cardit" (kar-d-ittum) de Carlit (Pic Carlit) ou "Cardós"  (kar-d-osu) de Cardós (Camp cardós). Elle pourrait indiquer une forme du pluriel, ce qui expliquerait la différence entre le Menta du Coll de la Menta à Pi (singulier pour un seul col) et notre Mentet  (pluriel pour plusieurs cols du territoire : le Coll de Mentet  et la Portella de Mentet).

 

Une fois oublié le sens primitif de "passage de montagne","Mented" a subi l'attraction paronymique du nom de la plante "mentha" ou "menta".

 

            Au Moyen Age, les scribes des chartes se contentent, comme pratiquement partout, de latiniser le Mented des autochtones, en joignant à Menta le suffixe collectif -etum pour former Mentetum, faux phytonyme qui connaîtra les évolutions que l'on sait de Menteto en Mantet puis en Mentet, pour finir par le Mantet de la francisation.

 

Protégée par son isolement et par les difficultés d'accès à son nid d'aigle, la culture montagnarde bascoïde va résister, tout comme sa langue, aux influences des diverses invasions qui vont déferler sur le pays.

 

Annibal ne fera que passer.

 

En 218 avant J.C., le Roussillon entre dans l'Histoire.

 

Soucieux de leur publicité, les mandataires en douane ont longtemps accrédité la légende du transit de l'armée carthaginoise par le Col du Perthus. Il est à craindre que leur manque de culture historique leur ai fait confondre les éléphants du grand chef punique avec ceux, plus contemporains, du cirque Amar.

            Plus sérieusement, Annibal et ses troupes, craignant l'hostilité de la colonie grecque d'Empuries, alliée aux Romains, préfèrent faire le détour et traverser les Pyrénées par la vallée du Sègre et la Cerdagne.

            Ils franchissent le Col de la Perche et, en longeant la Tet, cheminent tout au long du Conflent pour parvenir à Illibéris.

            De là, Annibal va négocier à Ruscino, où sont assemblés les chefs des tribus locales, un passage sans hostilités vers les Alpes et les victoires de la Trébie, de Trasimène et de Cannes.

 

            Mais, en définitive, ce sont les Romains qui l'emportent, étendant leur empire sur tout le littoral méditerranéen, entre 154 et 121 avant J.C.

            La "Pax Romana" va assurer une relative tranquillité pendant plus de cinq siècles, à peine troublée par l'incursion des Cimbres et des Teutons, réprimée par Marius, et par les guerres civiles entre Pompée et Sertorius, puis entre Pompée et César.

            Ruscino, préféré à Illibéris, devint la capitale administrative de la "civitas" (cité) rattachée à la Gaule narbonnaise et divisée en deux  "pagi " (pays) :

- le Pagus Ruscinonensis (Roussillon), et

- le Pagus Confluentis (Conflent)

tandis que

- le Pagus Redensis (Razès, Capcir, Fenouillèdes) dépendait de la  "civitas" de Narbonne, et que

- le Pagus Liviensis (capitale Llívia), divisé en Cerretania Julíana, à l'est, et en Cerretania Augustana, à l'ouest, comprenait l'actuelle Cerdagne et l'actuel Vallespir et était rattaché à la Gaule tarragonaise.

 

       Ces pagi étaient reliés entre eux par les routes construites à l'initiative de l'administration romaine :

- la Via domitia (voie domitienne) succédait à la vieille voie héracléenne conduisant en Hispanie, préfigurant l'actuelle autoroute;

- la Via vallespiriana (voie du Vallespir) , après avoir longé les Albères, remontait la vallée du Tech jusqu'à Arles et Coustouges;

- la Via confluentana (voie du Conflent) partait d'Illibéris, passait par Thuir et remontait ensuite la vallée de la Tet qu'elle quittait pour atteindre le Col de la Perche;

- la Strata cerdana (chaussée de Cerdagne) lui faisait suite au Col de la Perche pour franchir le Col Rigat et arriver à Llívia.

 

       D'autres voies permettaient de communiquer, depuis Collioure, avec Figueres par le Col de Banyuls ou avec Roses par le Col des Bêlitres à Cerbère, et, en Fenouillèdes, de remonter la vallée de l'Agly et de rejoindre Carcassonne et le grand axe Narbonne-Toulouse.

 

       Ces routes sont d'abord celles de l'essor économique : salaisons et jambons de Cerdagne, réputés jusque sur les marchés de la ville éternelle, fer du Canigou, armes, outils forgés, huile, vins, céréales sont acheminés vers Collioure et Port-Vendres, pour être chargés à bord des navires romains.

       Favorisant les échanges, ce réseau fut aussi un excellent instrument de colonisation pour la nouvelle civilisation. Mais il faut aussi en relativiser l'influence en rapport avec la faiblesse numérique des troupes d'occupation : un légionnaire pour 200 habitants environ.

       Si cette influence fut réelle autour des garnisons militaires, des points stratégiques, des domaines concédés aux vétérans de l'armée et parmi la classe dirigeante, les clercs, les lettrés, les fonctionnaires et les commerçants des cités, elle le fut bien moins dans les campagnes et, surtout, dans les montagnes, où le latin était la langue officielle des actes de la vie publique mais où l'on continuait à parler le dialecte local dans la vie courante. On retrouve là une situation linguistique comparable à celle qui verra se confronter le français et le catalan longtemps après l'annexion jusqu'au XIX°, voire XX° siècle.

 

       Si l'on doit la mise en valeur des richesses du terroir à l'organisation politique et sociale imposée par la puissance romaine, celle-ci, par contre, se montre beaucoup plus tolérante en matière religieuse. Dieux et déesses de l'Olympe font bon ménage avec les divinités du panthéon des Kerretes.

       Plus que tout autre, le peuple de la montagne est sensible aux forces de la nature. Il vit dans la crainte de la foudre, de la neige, du gel, de la grêle, des pluies diluviennes et des inondations qui les suivent, ravageant sols et cultures.

       Il faut donc se concilier les mauvais génies qui résident au sommet des montagnes ou au passage des cols, gagner les faveurs des fées qui habitent les grottes ou le creux des vallons.

       Mais il faut aussi rendre grâce aux bonnes sources, à l'eau de la rivière, aux fontaines thermales, à l'arbre de la forêt, objets de culte et de vénération. Avec le temps, les rites religieux se modernisent, se mettent au goût du jour, se rhabillent à la mode romaine.

       C'est le cas, par exemple, de l'hommage antique rendu au pin et renouvelé avec le culte de Cybèle, la Déesse-Mère. Importée de Phrygie, où elle régnait du haut du Mont Ida, la Mère des Dieux fut, de très bonne heure, honorée par les Romains. Le pin lui était consacré en souvenir de ses amours avec Attis, jeune pâtre qu'elle avait transformé en cet arbre un jour de désespoir.

       Les prêtres de Cybèle s'appelaient les galles. Ces eunuques, costumés en femmes, couronnaient le pin sacré et recouvraient son tronc d'une toison de laine en mémoire du tendre pastoureau. Puis ils se livraient à des danses frénétiques et chantaient, de leur voix de castrat, des chants au rythme particulier, le galliambe.

       La cérémonie s'achevait parfois par le taurobole, sacrifice d'un taureau dont le sang était sensé revigorer celui qui offrait la victime à immoler et qui se tenait sous la pierre d'autel pour recevoir cette douche régénératrice. Les pratiquants étaient regroupés en un collège de dendrophores qui portaient des branches de pin, symbole d'Attis.

 

       Ce culte païen du pin persistera, épuré de ses offrandes sanglantes, et son souvenir parviendra jusqu'à nous avec le nom des lieux qui lui étaient dédiés. Si les endroits boisés de pins ont reçu un nom collectif ou à la forme du pluriel : Pineda, Pinosa, Pinyer, Pins; le singulier Pi pourrait bien rappeler ce pin unique, voué à Cybèle et à Attis, dans deux villages de Cerdagne et, en Conflent, à Pi, village voisin de Mentet.

       L'homonyme de Pi de Conflent est, en Cerdagne, Pi, hameau de Bellver, tandis que Sant Vicenç de Pinsent, ancien Pino Sancto, à Aristot, constitue, selon Pere Ponsich,[4] un exemple de christianisation d'un lieu de culte païen comparable à celui des "eaux saintes", ces "aquae sanctae" d' Eixalada, à Canavelles.

       Rien d'étonnant, dés lors, que Pi de Conflent ait fait ensuite l'objet d'un important pèlerinage à son patron Saint-Paul, guérisseur des épileptiques, dont les convulsions rappelaient, sans doute, les transes des anciens galles!

 

 

       A Mentet, l'emplacement choisi pour la construction de l'église aurait pu, lui aussi, être la conséquence d'une semblable appropriation. L'indice matériel sur lequel se fonde cette hypothèse réside en la présence d'un vestige qui a été longtemps réemployé comme pierre de seuil de cet édifice. Tout récemment, à la faveur des travaux de pavement du parvis, durant l'été 1994, on a eu l'heureuse idée de rehausser ce témoin du passé sur un socle et de l'adosser à la façade, à gauche de la porte d'entrée.

 

       Il s'agit d'un bloc de granit d'une surface rectangulaire de 109 cm. de long par 79 cm. de large et d'une épaisseur d'une vingtaine de centimètres. A 11 cm. du bord postérieur a été creusée une cavité [5] de faible profondeur -environ 2 cm- , de forme carrée -25 cm. de côté-, reliée au bord antérieur par une rigole-déversoir de 50 cm. de long environ.

       Cette description ressemble donc beaucoup à celle d'une pierre d'autel d'une antique religion dont le rite comportait des offrandes sous forme de libations de miel, de lait, de vin ou d'eau pure, ou sous forme de sacrifices de poulets, de porcelets, d'agneaux ou de chevreaux dont le sang recueilli allait symboliquement fertiliser la terre nourricière.

 

 

       Mais le triomphe du christianisme est en marche. Après l'ère des persécutions, l'empereur Constantin, par l'édit de Milan, en 313, reconnaît la nouvelle religion. L'Evangile s'est répandu alors jusqu'aux confins des provinces, apporté en Narbonnaise par Saint-Paul-Serge dés le milieu du III° siècle.

 

       En même temps que ses vieilles idoles, l'Empire romain s'effondre. Les Barbares se ruent sur ses ruines et déferlent jusqu'à nos contrées. En 408, Vandales, Alains et Suèves mettent à sac le Roussillon, suivis, en 414, par les Wisigoths qui, à partir de 419, installent leur domination pour trois siècles.

       En 719, les Arabes franchissent les Pyrénées, traînant derrière eux un cortège de destruction et de désolation. Charles Martel arrête leur progression à Poitiers, en 732, mais ne peut les chasser de Septimanie, nom gothique de la Gaule narbonnaise des romains. C'est son fils, Pépin le Bref qui réussit à les repousser au delà des Albères, en 759, et c'est son petit-fils, Charlemagne, qui entre dans la légende en les refoulant au sud de l'Ebre après 801.

       L'empereur à la barbe fleurie ne participait pas à l'expédition. En réalité, les troupes franques obéissait au duc de Toulouse, le futur Saint-Guillem, chef de guerre du prince Louis, que son père avait fait roi d'Aquitaine et qui deviendra Louis-le-Pieux. Après la conquête, Guillem est placé, avec le titre de duc ou marquis, à la tête de la Marche d'Espagne ou Marche de Gothie, glacis défensif des Pyrénées contre un retour des armées mauresques.

       L'administration carolingienne est assurée par des comtes qui gouvernent un ou plusieurs anciens pagi romains avec l'aide de vicomtes. Ces aristocrates très puissants, détenteurs de la quasi-totalité des pouvoirs, sont, pour la plupart, des seigneurs d'origine wisigothique dotés d'importants domaines fonciers. Ils partagent cette propriété du sol avec les établissements religieux qui ont prospéré depuis la création de l'évêché d'Elne, détaché du diocèse de Narbonne en 571, du temps des Wisigoths.

       Roussillon, Conflent et Vallespir dépendent du nouvel évêché, tandis que la Cerdagne voisine est du ressort du diocèse d'Urgel et que Fenouillèdes et Capcir continuent d'appartenir au siège archiépiscopal de Narbonne.

       Un puissant courant évangélisateur est imprimé par l'épiscopat. Il se traduit par de multiples créations d'églises et de monastères au cours du IX° siècle. Il remonte jusqu'au fin fond des vallées les plus reculées. Grâce à lui, à son tour, Mentet va entrer dans l'histoire.

 

 

 

 


 

 

 


 

 

 

LE MOYEN AGE

 

 

 

 

 

 

 

 

            On avait remonté le village à mi-pente sur le chemin du col, après la Grande Inondation.

            Cette fois-là, la Fée de la Montagne [6] n'avait pu contenir la fureur du Géant.

            D'ordinaire, ses accès de colère ne parvenaient aux habitants de la vallée qu'atténués par la masse imposante qu'elle intercalait avec bienveillance entre eux et lui. Sa croupe lointaine leur apparaissait alors, nimbée dans la gloire fulgurante des éclairs de l'orage estival, tandis que s'amortissait, au creux de sa combe, le grondement rageur de mille tonnerres tonitruants.

            Mais on était déjà à l'automne et le jour s'était levé sans clarté. Les ténèbres avaient envahi toute l'étendue des cieux, portées par de lourds nuages d'une noirceur d'Apocalypse. Un calme oppressant avait fait taire bêtes et gens. Même la crécelle inlassable des sauterelles avait été réduite à ce silence trompeur. Soudain, deux ou trois bourrasques violentes vinrent fouetter la cime des pins, puis les premières gouttes de pluie éclatèrent en étoiles sur les gros rochers ronds qui bordaient le grand pré.

            Il plut tout le jour et toute la nuit, à torrents, sans discontinuer, une pluie lourde qui noyait non seulement le sol mais même l'air que l'on avait peine à respirer. Le lendemain n'arrêta pas le déluge et, quand vint le second soir, Ted, la vieille divinité de la rivière, entra à son tour en furie.

            Dans un vacarme assourdissant, d'énormes blocs roulaient et broyaient le lit élargi du torrent. Le fracas faisait trembler jusqu'aux flancs de la montagne tandis qu'un flot de boue liquide s'écoulait en gros tourbillons d'un bord à l'autre de la vallée.

            Pendant la nuit, là-haut, au pied de la Malesa, un barrage de rocs et de pins entremêlés céda. Une vague démente dévala sur le vieux village des Kerretes qu'elle éparpilla très loin jusque par delà les gorges de Nyer.

            Enneg, le vieux berger-sorcier, avait attribué la colère des divinités ancestrales à l'apparition sur leurs terres de ce Dieu unique venu d'Orient que les seigneurs et leurs clercs essayaient de leur imposer.

 

            Car, depuis longtemps, les puissants ne sacrifiaient plus au culte des idoles. Dés 587, le roi Récarède s'était converti au christianisme, entraînant derrière lui toute la noblesse wisigothique de la Narbonnaise.

 

            En Conflent, l'influence des Goths s'était accrue avec la lutte contre les Sarrasins. Chassée de la plaine par les Arabes, la population avait trouvé refuge dans la montagne. La résistance à l'envahisseur s'organisa dans le massif du Canigou autour de seigneurs wisigoths qui y possédaient de vastes propriétés.

            Les guerriers maures verrouillaient le bas des vallées alentour, à Vernet, Fuilla, Nyer, et occupaient tout le cours de la Tet. La liaison avec l'autre pôle de rébellion, que les réfugiés goths du Narbonnais et du Carcassonnais avaient établi dans le comté de Rennes, ne pouvait se faire qu'en empruntant le chemin des sommets. Le territoire de Mentet devait revêtir une importance stratégique de premier plan, étant au carrefour des deux voies essentielles à la lutte contre la tutelle arabe.

            D'une part, armes et émissaires s'échangeaient entre Canigou et Razès en sautant par dessus la vallée de la Tet, au débouché de la rivière de Mentet. En rive droite de la Tet, le passage était défendu par le château de la Roca de Nyer , construit en amont d'une plus ancienne fortification tombée aux mains de l'ennemi. En rive gauche , les points d'appui de Canavelles et de Llar permettaient d'accéder, par les Garrotxes et le Col de Sansà, à la haute vallée de l'Aude menant, à travers le Pays de Sault, jusqu'à la capitale gothique d'outre-Carcanet. Rennes, forte de plusieurs milliers d'habitants, était une des villes les plus peuplées d'alors et son comté avait accédé au rang de duché en reconnaissance de son rôle éminent dans la révolte contre le pouvoir sarrasin en Narbonnaise.

D'autre part, Mentet permettait aux Goths du Canigou de communiquer avec leurs frères du royaume des Asturies par l'intermédiaire du chemin de Saint-Jacques qui longeait la crête des Pyrénées jusqu'aux monts Cantabriques.

            De cette communauté de combat contre les Maures, scellée entre anciens ibères et guerriers goths, est peut-être issu le plus beau souvenir que les lois de la génétique aient su faire parvenir jusqu'à nous.

            Les Wisigoths sont des scandinaves établis en Germanie d'où ils ont été chassés par les Huns. Comme ils ont eu la bonne idée d'abandonner la vieille loi interdisant les mariages mixtes, devinez d'où nous viennent ces trop rares spécimens de splendides brunes aux yeux bleus descendus parfois de nos hautes vallées ?

 

            Mais le temps n'est plus à conter fleurette à nos belles bergères. L'heure de la reconquête a sonné.

 

            Bera quitte son alleu de Canavelles, Bellon son domaine de Campllong à Vernet. A la tête de leurs gens de guerre, ils pourchassent le sarrasin jusqu'à Barcelone. Le pouvoir carolingien, en récompense de l'aide apportée aux armées franques, fera Bera comte de Barcelone et Bellon comte de Carcassonne. Ces grands dignitaires d'ascendance wisigothique vont être à l'origine des lignages qui régneront sur nos comtés pendant plus de trois siècles.

            Bera, premier comte de Barcelone, est également comte de Razès et comte de Conflent. C'est probablement le fils naturel que le duc de Toulouse a eu d'une wisigothe...bien avant de devenir moine, puis, dans la foulée, bienheureux, et d'être canonisé sous le nom de Saint-Guillem. Heureux temps que ces temps-là où un soudard un peu paillard, après avoir égorgé et éventré quelques hordes de mercenaires préalablement passés au fil de l'épée, pouvait engrosser les belles rencontrées par le chemin avant que de se retirer au couvent pour accéder aux béatitudes éternelles !

            En 846, le petit-fils de Bera, le comte Bera II, fait don de l'alleu familial de Canavelles, avec son église de Saint-André, aux moines d'Eixalada qui, peu de temps auparavant, étaient venus y fonder un monastère, établissement précurseur de la future et prestigieuse abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà.

Ces sept prêtres du diocèse d'Urgel, dépendant de l'évêque Wissad, avaient créé cette communauté en ce lieu vers 840. Ils avaient sans doute pour mission première l'éradication de toute trace de culte païen pouvant encore subsister autour des sources thermales de l'actuel Thuès-les-Bains. C'est pourquoi ils les sanctifièrent du nom d'"Aquae sanctae" : les Eaux saintes, selon le procédé de christianisation que nous avons déjà évoqué tout à l'heure à propos de Pi et du culte de Cybèle.


 

            Mais les vieilles idoles s'étaient vengées et, en octobre 878, une crue subite de la Tet avait emporté le monastère et quelques moines. Les survivants trouvèrent refuge auprès d'une autre communauté dépendant de l'abbé d'Eixalada, à Saint-Germain, dans le vilar de Cuixà. Ils la choisirent pour siège de la nouvelle abbaye qui deviendra Saint-Michel-de-Cuixà.

 

 

            Pendant ce temps, les Bera ont perdu le Conflent. Ayant choisi la mauvaise carte dans la partie belliqueuse qui se joue alors aux confins de la Marche de Gothie, ils sont disgraciés et dépossédés au profit des descendants de Bellon.

            La puissante famille des comtes de Carcassonne étend son hégémonie des rives de l'Aude à celles du Llobregat. Le petit-fils de Bellon, le fameux Joffre-le-Poilu, attribue le Conflent à son frère Miron, en 870. A la mort de Joffre-le-Poilu, en 897, Cerdagne, Conflent et Besalú reviennent à son fils, neveu de Miron Ier, qui détient la couronne comtale sous le nom de Miron II jusqu'en 927.

            Son fils, Seniofred, lui succède. C'est lui qui fait rebâtir l'église Saint-Germain du monastère de Cuixà en 953. Son frère, Oliba-Cabreta, prend sa suite en 967. Il est donc en charge du comté lorsqu'est reconstruite l'église abbatiale de Saint-Michel-de-Cuixà, consacrée solennellement par sept évêques en 974. Oliba-Cabreta se retire moine au Mont-Cassin où il meurt en 990, léguant à son fils, Guifred, Cerdagne, Conflent, Capcir, Donazan et Pays de Sault.

            C'est très certainement ce comte Guifred de Cerdagne qui fera don d'un alleu situé à Mentet, "in villa Mentedo" , à l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà, donation confirmée en 1011 par une bulle du pape Serge IV.[7]

 

Cuixà ne conserve pas très longtemps sa propriété de Mentet, jugée, peut-être, trop éloignée de l'abbaye pour être convenablement gérée. Elle passe, au début du XI° siècle, dans le patrimoine d'un très riche clerc, Pons, archidiacre de la cathédrale d'Urgel qui, dans ces dernières volontés, en 1031, en fait donation, avec son église, à son fils Bernard.[8]

            De cette église subsisterait encore, d'après l'abbé Albert Cazes, le dosseret, c'est-à-dire le pilier carré, engagé dans le mur nord, qui devait soutenir le grand arc de l'abside d'alors.[9]

 

 

            Rachat ou reprise, ces biens reviennent bientôt dans l'escarcelle des comtes de Cerdagne.

            Le comte Guifred avait fondé l'abbaye de Saint-Martin-du-Canigou en 1001. Il s'y retire en 1035, laissant à son fils, Ramon, le soin d'administrer le comté à partir du château de Corneilla "lo palau".

Le fils aîné de Ramon, Guillem-Ramon, après avoir fondé Villefranche en 1090, laisse la place à son fils, Guillem-Jorda, en 1095. Ce dernier, conformément aux dispositions testamentaires de son père, crée, en 1097, un prieuré de chanoines augustins en l'église Sainte-Marie de Corneilla-de-Conflent, voisine du château comtal. Parmi les legs attribués par le comte de Cerdagne et Conflent à l'occasion de la fondation de ce nouveau monastère figure l'église Saint-Vincent de Mentet.

 

            C'est de cette époque que date l'abside en pierre de taille qui est parvenue jusqu'à nous et qui a dû remplacer, toujours selon l'abbé Albert Cazes, celle, plus petite, de l'église d'origine, datée du XI° siècle. L'importance de ce remaniement et le transfert de propriété justifient l'acte solennel de consécration de la nouvelle église, en 1102.

Il fait l'objet d'une charte [10] dont nous donnons, ci-après, la traduction très approximative :

 

 

 

Consécration de l'église de Mentet

 

 

            En l'année 1102 après la naissance de Notre-Seigneur, le 13ème jour avant les calendes d'octobre,1 le très noble Ermengaud, évêque d'Elne, avec Bernard, archidiacre, et Pierre, prieur de Sainte-Marie de Corneilla, accompagnés d'une nombreuse foule de fidèles, clercs et laïques, est venu assister à la dédicace de l'église de Mentet,2

en Conflent, à Saint-Vincent martyr.

            En conséquence, nous, évêque et clercs ci-dessus désignés, confirmons les limites territoriales de la paroisse dépendant de la dite église, délimitées :

- à l'orient, par le col de Campeilles,3

- au midi, par Rocs Blancs,4

- en direction du cers,5 par Finestrelles,6

- à l'occident, par Fontfreda,7

            descendant jusqu'au Pla del Forn.8

 

 

            Après avoir défini ses limites, nous confirmons ses droits de dîmes sur les récoltes, ses droits sur les offrandes des fidèles, sur son cimetière, d'une étendue de 30 pas,9 sur le dixième loyalement calculé des revenus de ses molines 10 et de chacun des manses 11 établis au village ou sur le territoire précédemment délimité, ainsi que sur l'ensemble des revenus qui concerne le culte divin.

            Ensuite il fut ajouté que la dite église serait placée sous l'autorité apostolique de l'église d'Elne et de Sainte-Marie de Corneilla.

            Si cependant quelqu'un, qui serait hors de notre protection, s'opposait de façon présomptueuse et téméraire à ces dispositions, il serait interdit de toute cérémonie religieuse aussi longtemps qu'il ne les reconnaîtrait pas pour valables et jusqu'à ce qu'il ne revienne pleinement à la raison : de même pour quiconque se délierait de ces liens pour un temps.

 

            Rédigé en quatre exemplaires. Certifié véritable le titre de dotation de la dite église, la 42ème année 12 du règne du roi Philippe, année au cours de laquelle le curé de la dite église s'est rendu deux fois au synode 13 et a fait le recensement de huit foyers.14

 

Ont signé :

 

                                               Arnaud Izern

                                   Stéphane Izern

                                   Pierre Miron

                                    Pierre  [                  ]

                                    Ermen [                  ]

 

            Raymond, clerc et chancelier, a transcrit le présent acte à la date indiquée ci-dessus.

 

Extrait d'un acte authentique

 

( Copie moderne et informe, communiquée par M. Denaclara de Palàu )

 

Note de B.Alart ( 1880 ) : Ce document présente tous les caractères désirables d'authenticité, mais la copie en a été faite d'une manière très fautive; nous y avons fait quelques corrections, et nous ne donnons ce texte qu'avec toutes réserves.


 

 

 Notes :

[1] 19 septembre 1102.

2 "villa Mentedi" : Une précédente mention "in collo de Mented" existe à propos de la délimitation

   occidentale de la paroisse de Pi, dans l'acte de consécration de son église daté de 1022 (charte

   XXV - op. cité page 41).

3 "in colle Campelles" : Col de Mentet actuel, entre Mentet et Campelles (vers Pi).

4 "in Rochis albis" : Rocs blancs actuels, entre Callau et Coma Armada.

5 "a parte uero circi venit" : Cette mention est habituelle pour désigner la direction du nord, d'où

  souffle le cers, vent dominant en Narbonnaise.

6 "in Finestrellas" : Le diminutif de Fenestra : fenêtre, désigne, ici, par métaphore, l'ouverture

  permettant l'accès de la rivière de Mentet vers les gorges de Nyer, entre les falaises rocheuses

  resserrées en aval de la Farga Vella.

7 "in Fonte frigida" : Fontfreda, Font del Coll del Pal actuelle, entre Caret et Carançà.

8 "in Plane de Fourno" : Farga Vella actuelle, ancienne forge sur la rivière de Mentet.

9 22 mètres environ; les trente "pas ecclésiastiques" de la sacraria ? (cf Bonnassié - page 654).

10 "molinas" : ce terme désigne les moulins à farine mais peut également s'appliquer aux moulins de

  forges mus par la force hydraulique dans les régions de production métallurgique entourant le

  Canigou.

11 manse : exploitation rurale, dotée d'une ou de plusieurs habitations, devant permettre la

   subsistance d'une famille.

12 1102 - Philippe Ier : 1060-1108.

13 Assemblée du clergé du diocèse.

14 foyer : dans les dénombrements du Moyen Age, on compte 5 habitants en moyenne par foyer (ou

   feu), ce qui nous donnerait une population totale d'environ 40 à 50 personnes.


            Contrairement à la coutume, la signature du comte ne figure pas sur l'acte. C'est que Guillem-Jorda est parti guerroyer en Terre Sainte. Au printemps de l'an de grâce 1102, le jeune comte a rejoint les croisés qui, répondant à l'appel du pape Urbain II, lancé lors du concile de Clermont, en novembre 1095, sont en Orient depuis déjà plus de cinq années.

            A l'époque, malgré la fougue de ses 18 ans, il avait dû rester au pays pour régler les problèmes nés de la succession de son père et pour répondre aux devoirs de sa nouvelle charge. Maintenant que ses affaires étaient en ordre, il était allé mesurer sa valeur à l'aune des Ramon de Sant Gil, comte de Toulouse, Roger II, comte de Foix, Gaston, vicomte de Béarn, Guillem, comte de Clermont, et, surtout, Girard de Roussillon, fils du comte Guilabert II, son voisin immédiat, vis-à-vis duquel il ne pouvait déchoir.

            Les signatures qui précèdent celles de l'évêque d'Elne et du prieur de Corneilla sont, très certainement, celles des représentants du comte de Cerdagne, leurs noms évoquant de nobles lignées apparentées aux comtes et vicomtes de Cerdagne et de Conflent.

 

            Guillem-Jorda meurt en 1109 du côté de Tripoli. Une flèche mystérieuse vient mettre un terme à son existence, favorisant ainsi l'accession de son cousin, Bertrand, comte de Toulouse, à l'héritage des terres conquises par son père en Orient.

            Conformément aux dispositions du testament que Guillem-Jorda avait fait le 13 avril 1102, avant son départ pour la Terre Sainte, c'est son frère, Bernard-Guillem, qui lui succède. Mais celui-ci meurt sans héritier en 1117. Le comte de Barcelone, Ramon-Bérenguer III, est son cousin - ils ont tous deux Joffre-le-Poilu pour ancêtre-. Le testament de Guillem-Jorda a prévu que, dans le cas où lui et son frère quitteraient ce monde sans postérité, c'est à la Maison de Barcelone que reviendraient Cerdagne, Conflent, Berga, Capcir et autres lieux.

            A son tour, le comté de Roussillon rejoint, en 1172, l'ensemble des possessions du comte de Barcelone, qui a ainsi réussi à étendre son autorité sur la quasi-totalité des pays ayant composé l'ancienne Marche d'Espagne.

            Ramon-Bérenguer IV se marie avec l'héritière du trône d'Aragon et lègue un royaume à son fils, Pierre, qui prend le nom d'Alphonse II, roi d'Aragon. Les catalans préfèrent l'appeler Alphonse Ier, car il est le premier de leurs comtes-rois.

            En 1182, il signe une charte confirmant à l'abbaye de Fontfroide la possession des pacages de Mentet, donnés par Bernard de Cortsaví et Pons de Guàrdia.[11]

            Bernard de Cortsaví a vraisemblablement succédé au prieur de Corneilla comme seigneur de Mentet. En effet, ses héritiers, Raymond de Cortsaví et sa soeur, Marie, détiennent ces droits féodaux dans le premier quart du XIII° siècle.

            Le 23 janvier 1225, Marie, veuve de Bertrand d'Ille, fait don de deux terres qu'elle possède à Mentet à l'hôpital d'Ille.[12] Cette donation est confirmée par Pons Guillem de Villefranche, commissaire royal pour la recherche des fiefs en Conflent, dans un acte de la Procuration Royale d'Aragon [13]:

            Marie d'Ille s'est donnée à l'hôpital "avec tous ses biens", notamment "ses manses et honneurs à Mentet", tandis que son frère, Raymond de Cortsaví, faisait don, de son côté, à ce même hôpital "des hommes et des femmes des quatre feux qui habitaient ces manses".

 

            Nous pouvons déjà déduire de ce document qu'il existait un château féodal à Mentet, les honneurs désignant, dans le patrimoine de l'aristocratie, les domaines possédant un ou plusieurs châteaux. "Point d'honores sans forteresses" comme l'écrit Bonnassié.[14]

            De plus, nous voyons là avec quelle facilité le seigneur disposait, non seulement du logis et des champs du pauvre paysan, mais de sa personne même. Avec la généralisation des "mals usos", les mauvais usages pratiqués par la noblesse enrichie au détriment de la classe paysanne, une nouvelle servitude aliène l'homme et la femme et les attache à la terre qu'ils cultivent pour le seul profit des puissants.

            Ce véritable bétail humain, en état de totale dépendance, est traité comme tout bien meuble pouvant faire l'objet de transaction. Si Marie d'Ille a reçu, dans sa part d'héritage, les exploitations rurales, son frère en possède les hommes et les femmes, comme il pourrait être propriétaire des vaches, des cochons et des chèvres du domaine.

            Même les hommes libres n'échappent pas à ce processus d’asservissement. La vie est d'une telle âpreté que c'est de leur propre volonté que les plus démunis, les plus désespérés, se donnent avec leur famille et leur postérité, en échange d'un peu de pain et de sécurité.

 

            Comme nous le rapporte ce passage édifiant des Cahiers des Amis du Vieil Ille [15]:

 

            " - à Mentet, en 1241, PierreTexidor et sa femme se donnent à l'hôpital avec tous leurs biens (cette démarche est beaucoup plus contraignante que celle consistant à donner ses biens à l'hospice, à charge pour lui d'assurer l'entretien des donateurs : ce ne sont pas ici un homme et une femme âgés qui assurent la sécurité de leurs dernières années, mais un couple capable de travail qui, incapable de vivre de son maigre bien, s'asservit auprès de l'hôpital, et échange sa subsistance contre son travail) [16].

 

            -...la condition servile est héréditaire, et il va de soi que le serment engage, non seulement celui qui le prononce, mais aussi tous ses descendants. C'est ainsi que, en 1367, Pierre Carbonell, de Mentet, explique que, n'ayant pas d'enfants mâles, "il ne peut prêter serment", mais s'engage à le faire dès que sa fille sera mariée et aura des fils "qui seront hommes propres de l'hôpital" [17] "

 

 

            Indépendamment des renseignements qu'ils nous apportent sur les piètres conditions d'existence de ces serfs volontaires, ces actes d'auto-dédition nous permettent d'entrevoir la réalité d'une activité artisanale, à côté des activités agricoles et pastorales traditionnelles.

 

            En effet, les noms de famille viennent à peine de se fixer et de devenir héréditaires. Le second nom distinctif est venu compléter le prénom pour identifier l'individu et être transmis à sa descendance. On n'est plus simplement Pierre fils de Jean ou Paul fils de Louis, mais, à son nom de baptême, s'est adjoint un patronyme, issu d'un ancêtre que l'on a caractérisé par un détail de son apparence physique, par son lieu d'origine ou par son métier. C'est ainsi que l'on est devenu Pierre Roig, Jean Planella ou Paul Sabater.

            Etant donnée la fixation sur place des familles les plus humbles, à travers les générations qui se sont succédées à Mentet au XIII° et au XIV° siècles, la présence d'un Texidor et celle d'un Carbonell attestent que tisserands et charbonniers y tissaient la toile et y confectionnaient le charbon de bois des forges.

 

            De leur côté, les familles nobles continuent de s'appeler du nom de leur fief : Hug de Canavelles, Guillem d'En, Arnald de Fullà, Guillem de Pi, Pierre de Mentet. Ce sont là les châtelains qui tiennent garnison sur place pour le compte de leur suzerain, dans le cadre complexe des institutions féodo-vassaliques liant la classe aristocratique. Cette hiérarchie s'étend du simple chevalier aux ordres d'un châtelain pour la défense d'une forteresse jusqu'au comte, entouré de ses vicomtes et de ses comtors, en passant par les seigneurs, laïques ou ecclésiastiques, détenteurs des grands domaines fonciers et en tirant ressources et profits.

 

 

            L'hôpital d'Ille ne paraît pas posséder l'intégralité des droits sur Mentet au temps de Jacques le Conquérant, puisque le commissaire royal pour la recherche et le jugement des questions concernant l'allodialité ou la féodalité des terres et droits possédés en Conflent cite un certain Jean Ponça dans une sentence rendue en 1263.[18] Il est vrai que l'hôpital avait déjà commencé à se séparer de ces biens : en 1248, il avait inféodé un pasquier et un bois à Mentet.[19]

            Il est donc probable que le pauvre village était mis en coupe réglée, non seulement par les institutions religieuses , seigneurs des lieux, comme le prieuré de Corneilla, l'abbaye de Fontfroide, le monastère de Ripoll ou l'hôpital d'Ille, mais également par ses châtelains, de la famille des Pierre et des Arnald de Mentet, et même par des bourgeois nouvellement enrichis et acquéreurs d'alleux, tels, peut-être, ce Jean Ponça.

 

 

            Le commissaire royal pour la recherche des fiefs est, comme nous l'avons vu, Pons Guillem de Villefranche. La famille Guillem fait partie de la haute bourgeoisie de Villefranche et sert fidèlement ses princes. C'était déjà le cas du père de Pons, Bernard Guillem, à l'époque de Nunyo Sanche "par la grâce de Dieu, Seigneur du Roussillon, Cerdagne et Conflent".

            A la mort de Nunyo Sanche, Jacques Ier d'Aragon, le Conquérant, reprend le gouvernement de ces comtés et investit Pons Guillem de sa confiance en le commettant à la recherche des fiefs royaux dans le Conflent, la Cerdagne, la vallée de Prats, le Ripollès et dans toute la viguerie de Camprodon.

            En 1262, Jacques le Conquérant lègue Aragon, Catalogne et Valence à son fils aîné, Pierre, mais taille un royaume sur mesures à son fils cadet, Jacques, en rassemblant Roussillon, Cerdagne, Conflent, Vallespir, seigneurie de Montpellier et îles de Majorque et d'Ibiza, récemment conquises sur les Barbaresques. Ainsi naît le royaume de Majorque, en 1276, à la mort du Conquérant.

            Jacques Ier de Majorque, en accordant les justices de Toren à Pierre Guillem, en fait un seigneur et , par cette inféodation, les Guillem de Villefranche deviennent Guillem de Toren.

            Le premier souverain de la nouvelle dynastie meurt en 1311. Son fils, Sanche, lui succède.

 

            L'hôpital d'Ille est toujours présent entre Col et Porteille puisque son commandeur prête foi et hommage au roi Sanche de Majorque pour ses possessions de Mentet. [20]

            Cependant, en février 1318, ce même monarque récompense les services de son viguier du Roussillon, le chevalier Bernard Guillem de Toren, dont la famille a encore grimpé dans les honneurs, en lui donnant la seigneurie et le château de Mentet, puis en lui en concédant les droits de justice,[21] dont il semble que Bernard de So était détenteur lors de son investiture en tant que seigneur de Sahorre en 1312. Les Guillem sont désormais seigneurs de Toren et de Mentet.

 

            A la mort du roi Sanche, les rapports s'enveniment entre Aragon et Majorque. Dans son testament de 1262, Jacques le Conquérant avait prévu le retour du royaume de Majorque à la couronne d'Aragon dans le cas où la dynastie majorquine viendrait à s'éteindre faute d'héritier légitime. Or, dans les dispositions prises pour régler sa succession, le roi Sanche a désigné son neveu, Jacques, pour remplacer le fils qu'il n'avait pas.

            La querelle dégénère en véritable conflit entre Pierre IV d'Aragon et Jacques II de Majorque. Ce dernier y perd d'abord son royaume, en 1344, puis sa vie, en 1349, dans un dernier combat pour une tentative de reconquête.

            Roussillon, Conflent et Cerdagne sont annexés au Principat de Catalogne au sein des Etats de la Couronne d'Aragon.

 

            Les combats entre souverains rivaux ont cruellement éprouvé l'ensemble du pays et apporté leur déchirement au sein même des familles. C'est ainsi que nous trouvons trace, vers 1345, d'une supplique adressée par Pierre Salvet, de Mentet, âgé de 80 ans, ruiné par la dernière guerre, demandant à Pierre IV d'Aragon le mobilier abandonné à Perpignan par son fils qui a pris parti pour Jacques II, dernier roi de Majorque.[22]

 

            Les Guillem de Toren payent, de leur côté, -comme la plupart des seigneurs de Conflent- leur fidélité au royaume de Majorque. Le roi d'Aragon récompense de leurs dépouilles ceux qui l'ont bien servi. François de Perellos, capitaine de Salses, amiral des flottes aragonaises et françaises, devient ainsi seigneur de Toren et de Mentet.

 

            Après la guerre, la famine et la peste ravagent à leur tour le Conflent. Ce sont donc des terres de bien faible rapport qui peuvent être acquises à bon compte par ceux qui ont du bel argent à placer.

            En 1359, c'est un riche bourgeois de Perpignan, Xanxo, qui possède Mentet, avec ses quatre feux, et Toren, avec ses sept feux.[23]

            Ce sont là des seigneuries appartenant à des bourgeois (fochs de ciutadans) dans le classement qui apparaît dans le tableau général des seigneuries existantes dans l'évêché d'Elne en 1359, dressé pour le recensement général des feux de Catalogne décidé par les Corts de Cervera.

 

            Nouvelle calamité, comme si le pays n'avait pas assez souffert, à partir de 1361, les pillards des Companyies blanques dévastent tous les villages peu ou mal protégés. Il est grand temps de restaurer les fortifications et de renforcer les garnisons, en les plaçant sous l'autorité de puissants seigneurs.

 

            L'un de ceux-ci, Berenger d'Oms, s'intéresse aux hautes terres de la vallée de la Rojà et de Mentet. Il rachète successivement le patrimoine détenu par les héritiers de Bernard Guillem de Toren et de François de Perellos. Le 16 novembre 1378, c'est dona Sancha, veuve de Bernard Guillem de Toren, qui lui cède ses droits, suivie, le 25 du même mois, par dona Sibila, femme de Raymons de Perellos, pour ce qui concerne les siens. Mentet est alors qualifié de castrum (village fortifié) confrontant les territoires d'Escaró, de Pi, de Setcases, de Gausà et de La Roca.[24]

            Au nom du roi d'Aragon, autorisation est donnée à Berenger d'Oms de prendre possession du château de Toren, du lieu de Mentet et du baillage de Pi, quoiqu'il n'en ait pas encore reçu l'investiture.[25]

 

            Cette confirmation arrive le 18 septembre 1381 avec la vente faite par l'infant Jean, gouverneur général des Etats d'Aragon. L'infant Jean, d'accord avec les commissaires chargés par le roi Pierre IV, son père, de vendre et aliéner divers domaines de la couronne afin de payer les intérêts des sommes empruntées pour "restaurer" le royaume de Sardaigne, vend en franc-alleu à Berenger d'Oms, chevalier, le mère et mixte empire avec toute juridiction, host et chevauchée, des châteaux et lieux de Toren et de Mentet, qui appartiennent déjà audit chevalier.[26]

 

            Berenger III d'Oms i de Mora obtenait ainsi l'intégralité de la juridiction civile et militaire sur les lieux et châteaux de Thorent et Mantet qui lui appartenaient déjà, de Cauders et de Py, appartenant à l'abbé de Campredon, d'Huytesa, appartenant à Grimau d'Avellanet, de la Clusa, de Sahorra, de Fulha, de Creu et de Vilanova en Capcir, au prix de 1500 florins d'or d'Aragon.[27]

 

            Cette juridiction comprenait la haute et basse justice, le mère empire étant le pouvoir de condamner à la peine de mort, à la mutilation ou au bannissement, le mixte empire concernant les affaires de moindre importance pouvant faire l'objet de simples amendes pénales. A ces pouvoirs de justice civile et criminelle, s'ajoutait, dans le domaine militaire, le service dû au seigneur pour l'host, en cas de guerre, ou la chevauchée, en cas d'incursion armée sur les terres de quelque voisin. Comme tout était source de profits, ce service était souvent remplacé par une redevance versée dans la caisse seigneuriale, à l'exemple même du roi qui vendait à ses vassaux les droits de justice en franc-alleu, c'est-à-dire en toute propriété, moyennant bons et loyaux florins d'or d'Aragon.

 

            Pressé, pressuré par la fiscalité du clergé, de l'aristocratie ou de la couronne, le menu peuple tente d'esquiver les ponctions jugées excessives. Il essaye, notamment, d'échapper à la leude de Conflent, sorte de péage-octroi dont le roi et le prieur de Corneilla se partagent le produit.

                        Mais le procureur royal veille et, faute de pouvoir obtenir le paiement du "tall"

(imposition-amende destinée à compenser le préjudice) prononce la saisie de bois appartenant à des habitants de Vernet, Pi et Mentet, pour n'avoir pas acquitté la leude de Conflent. [28]

 

            Avec la mort de Martin l'Humain, en 1410, la dynastie catalane issue de Joffre-le-Poilu prend fin pour faire place à la dynastie castillane, représentée par Ferdinand d'Antequera porté au pouvoir à l'issue du Compromis de Caspe. Le mécontentement, puis l'exaspération des Catalans devant la nouvelle politique, qui portait atteinte à leurs privilèges, déboucha sur une véritable crise.

 

            Le 8 février 1461, le somatent, insurrection légale, est proclamé contre le roi. Jean II, sentant la situation lui échapper, demande l'aide du roi de France, Louis XI. Le 9 mai 1462, est signé, à Bayonne, un traité fixant à 300.000 écus d'or le prix du secours des troupes françaises à la couronne d'Aragon. En garantie, Jean II hypothèque le Roussillon et la Cerdagne qui, en cas de non-paiement, seront annexés à la France.

            Une première armée française, sous le commandement du comte de Foix, traverse le Roussillon, va libérer, à Gérone, la reine d'Aragon et son fils, Ferdinand, assiégés par les Catalans, mais reflue après avoir vainement tenté d'investir Barcelone.

            En 1463, Louis XI envoie une deuxième armée, sous les ordres du duc de Nemours, prendre Perpignan et Puigcerda, annexant de fait les comtés de Roussillon et de Cerdagne. Un vice-roi, Jean de Foix, est nommé à la tête de la nouvelle province. Pour l'appuyer, il est fait appel à une des plus puissantes familles de la noblesse roussillonnaise, fidèle à Jean II d'Aragon, la famille d'Oms

            Bernard d'Oms, sénéchal de Beaucaire, fut adjoint au vice-roi, avec le titre de gouverneur. Son père, Charles d'Oms, seigneur de Corbère, conserva la charge de procureur royal et de capitaine du château de Perpignan tandis que son cousin, Bérenger d'Oms, demeurait capitaine du château de Collioure.

            Ce dernier, Berenger V d'Oms, était, à sa mort, en 1468, baron de Montesquiu, gouverneur de Cotlliure, vice-roi de Majorca, seigneur d'Oms, Tallet, Caudiers, Creu et Vilanova en Capcir, Les Cluses, Aytuà, Toren, Sahorra, Pi et Mentet. Louis XI, ne doutant pas un instant de la loyauté de ce noble lignage, laissa la place forte de Collioure à la garde de son fils, Guillaume d'Oms.

            La confiance du roi de France était bien mal placée, la famille d'Oms demeurant, avant tout, attachée à la cause du roi d'Aragon. Sa collaboration à l'administration française dura le temps de la Révolution catalane, mais lorsque Jean II reprit le contrôle des villes du Principat, en 1472, elle se retrouva à la tête du mouvement patriotique et libérateur contre l'occupant français.

            Le 13 avril 1472, Guillaume d'Oms se révolte à Collioure. Le 1er février 1473, à trois heures du matin, Bernard d'Oms est aux côtés du roi d'Aragon, lors de son entrée triomphale dans Perpignan en liesse.

            Hélas!, le règlement de la succession de Castille devait bientôt accaparer toute l'attention de Jean II, soucieux de réaliser l'unité du futur royaume d'Espagne au profit de son héritier, Ferdinand d'Aragon, marié à l'infante Isabelle de Castille. Il sacrifie à ce grand dessein son peuple du Roussillon. Les troupes de Louis XI envahissent à nouveau le pays et soumettent Perpignan à un troisième siège particulièrement rigoureux.

            Bernard d'Oms, qui défendait la cité d'Elne, est fait prisonnier. Amené au château de Perpignan, il y sera exécuté. Jean II d'Aragon, après avoir décerné à Perpignan le titre de Fidelissima, la laisse à sa lutte solitaire contre ses assiégeants. La ville capitulera le 10 mars 1475. La deuxième occupation française des comtés de Roussillon et de Cerdagne peut commencer.

            Elle durera jusqu'au traité de Barcelone. Le 13 septembre 1493, Ferdinand et Isabelle, les "Rois Catholiques", sont reçus à Perpignan par une foule dont l'enthousiasme résiste à la pluie qui tombe à seaux.

            Plus qu'à la Catalogne, nos contrées reviennent au nouveau royaume d'Espagne. Au lieu de retrouver les anciens "Usatges" de Barcelone, garants de leurs libertés, elles vont subir l'autoritarisme castillan en passant sous le joug du centralisme madrilène.

            Avec l'ère des grandes monarchies, puissantes et unifiées, s'ouvrait, pour nos petits pays une nouvelle période qui clôturait le Moyen Age. Elle débutait par la domination espagnole.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                         


 

 

L'ANCIEN REGIME

 

 

 

 

 

 

 

 

            Arrivé en haut du Serrat dels Abeuradors, Jaume s'arrêta un instant. Devant lui, de l'autre côté de la vallée, le village sortait à peine de l'ombre portée de la Pinosa de Moscalló. Le soleil atteignait maintenant le ravin du col et sa nouvelle lumière révélait les toitures effondrées qui béaient sur les pans de murs noircis par l'incendie.

            Après avoir tout saccagé, les pillards étaient partis pour d'autres lieux et d'autres méfaits. Cependant, par une sorte de crainte superstitieuse, le berger préféra éviter la traversée du village fantôme. Il franchit la rivière peu avant son confluent avec l'Alemany et grimpa droit à travers los Peironets et lo Gelat pour ne rejoindre le chemin du col qu'en haut des Casots.

            De toutes façons, il échappait ainsi au risque d'une mauvaise rencontre avec quelque bandoler caché dans les ruines. Mieux valait se montrer méfiant pour préserver les bons florins enfouis au fond de la besace. Il y en avait bien pour cent livres, fruit de la transaction effectuée la semaine d'avant avec les bouchers de Barcelone.

 

            A l'aller, le voyage avait été semé d'inquiétudes. Ce n'était pas une mince affaire que de conduire la vingtaine de borrecs à travers la Carançà pour atteindre Nùria puis Ribes, en espérant que les bandits aient rejoint leur repaire du Puig dels Lladres après leurs rapines traditionnelles de la Sainte-Marie.

 

            Au retour, Jaume avait choisi de passer par la Portella de Mentet, ce qu'il avait fait juste avant que le jour ne se lève, par précaution supplémentaire. A Camprodon, on lui avait assuré que la bande de gascons du Fezensac s'était dirigée vers les Garrotxes, laissant le champ libre vers Mentet et la Rojà. Quant aux vigatas, ils sévissaient maintenant entre Escouloubre et Carcanières, dégageant l'accès à Vilanova et Real.

 

            Il avait l'intention de rejoindre Villefranche pour y mettre son or en sécurité puis de remonter de là vers les pasquiers du Capcir où l'attendait son frère, cabaner du troupeau de Francesc Pallarès de Rigardà. Ensemble, ils redescendraient sur Ropidera pour la Saint-Michel, quittant la Coma de Pontells avant que le temps ne se gâte vraiment.

 

            A quelques pas du col, Jaume se retourna une dernière fois avant que le village abandonné ne soit hors de vue. Du fond du ravin il crut entendre monter une plainte, exhalaison douloureuse qui le fit frémir d'un long frisson. Il songea aux âmes sans repos de ceux qu'il avait connu jadis, peinant sur cette montagne ingrate, et qui étaient morts de mort violente, leur fragile existence tranchée net sous le coutelas des brigands.

            Il s'empressa de franchir le passage, accueilli par une froide bouffée de tramontane tandis que se dressait soudain devant lui la masse imposante du Canigou. Rabattant d'un geste brusque sa vaste cape, le berger plongea vers Campelles dans une fuite mêlée d'effroi et de terreur.

 


 

 

            La ruine de Mentet, désolé et dépeuplé, tarit la source de tous les revenus que les Bérenger d'Oms tiraient de cette haute vallée. Nouveau seigneur de la famille d’Oms, don Antoine de Sammanat et de la Nussa, pour tenter de redonner vie au village et de la valeur à ses terres, décide alors de l'inféoder à douze particuliers, à charge pour eux d'y fonder une communauté afin de repeupler l'endroit et d'y attirer de nouveaux habitants. C'est de l'installation de ces douze "cammasats" ("capmasats" en català normatiu) que découle l'institution originale de l'indivision des terres qui constitue la caractéristique principale du droit foncier local.[29]

 

            Institution originale, certes, mais loin d'être une exception en cette époque troublée où l'indivision s'installe également à Oleta, à Èvol, à Aiguatèbia, à Ralleu et à Sansà, dans ces Garrotxes toutes proches.

 

            A Mentet, le seigneur n'a pas indiqué à chacun sa portion individuelle. Les bois, montagnes et pacages sont indivis entre tous. Seuls le champ, la maison ("camp-masat") avec son jardin, sont propriétés particulières.

 

            L'acte d'inféodation, dont la minute est déposée en l'étude du sieur Queya-Anglès, est daté du 17 août 1613. Il précise, entre autres, les conditions du droit d'usage du bois des forêts par ses bénéficiaires "... il leur sera permis de couper du bois pour construire les douze maisons qu'ils s'engageaient à bâtir, pour réparer les dites maisons, ainsi que pour leur usage pour faire du feu dans les dites maisons...".

 

            Le 11 août 1633, une nouvelle concession est signée par le seigneur d' Oms et de Santa Pau, fils de don Antoine de Sammanat et de la Nussa, confirmant, vingt ans après, l'inféodation faite aux douze cammasats par son père. C'est plutôt cet acte de 1633 qui sera retenu et dont des extraits seront collationnés par Antoni Crosa, notaire à Villefranche-de-Conflent, notamment dans la requête en date du 31 janvier 1765 de Louis Escaro, pagès de Sahorre, à l'intendant du Roussillon, au sujet de la ferme du surplus des pacages de Mentet.  

           

            Car confirmation du véritable contenu de cette inféodation sera bientôt donnée par la justice quand les premiers différends seront portés devant elle.

 

            Dans une ordonnance [30] rendue le 30 janvier 1766, le viguier  du Conflent précise, suite à la requête du 31 janvier 1765, que "...l'inféodation des dits pacages a été faite aux dits douze particuliers comme communauté dans la vue de peupler le dit lieu et d'y attirer des habitants, car autrement le seigneur aurait indiqué et divisé à chacun sa portion particulière, et il appert d'autant plus que c'est là le vrai sens de l'inféodation que tous les habitants indistinctement compris ou non compris dans icelle ont joui jusqu'ici du même droit de pacage dont ils auraient dû être autrement exclus, ce qui achève de confirmer ce qui vient d'être dit que c'est comme communauté que les dits pacages ont été cédés par le dit seigneur, objet corroboré encore, tant par la délibération du 8 juillet 1744 duement homologuée et par les requêtes y annexées, le tout joint aux pièces du même suppliant, que par la manière d'agir des baile et consuls de Mantet, qui non seulement afferment les dits pacages et en retirent le montant, mais encore interviennent dans tous les actes qui y sont relatifs, chose qui serait inutile si les dits pacages n'appartenaient qu'à douze particuliers."


 

            Dans un nouveau procès dont la sentence sera rendue le 1er frimaire de l'an VII (21 novembre 1798) l'administration du Directoire considère que "par la concession du 11 août 1633 tous les herbages pouvant venir au territoire de Mantet furent cédés aux habitants de cette commune,

que la montagne de Capmagre se trouvant située au territoire de la commune de Mantet, les herbages qui y viennent ne peuvent être enlevés aux habitants de cette commune,

qu'elle a constamment joui des droits dans lesquels elle demande à être maintenue,

maintient cette commune dans la jouissance de ses droits sur les herbages de la montagne dite de Capmagre, à  la charge par elle d'acquitter les droits de pasquiés auxquels sont tenus les bestiaux qu'elle introduira dans son territoire venant d'Espagne...

...que la concession a été faite par le ci-devant Seigneur d'Oms et de Santapau, ce qui semble prouver que la commune de Mantet doit avoir d'autres titres que ceux qui sont maintenant joints à des pièces, puisqu'il est certain que la concession est de 1613 et qu'elle a été faite par Don Antoine de Sammanat et de LaNousse."

 

            Voici donc clairement fondé le droit communautaire sur les pacages et, mutatis mutandis, sur les bois et montagnes de Mentet, comme des actes ultérieurs [31] viendront encore le préciser au cours du XIX° siècle, confirmant le caractère perpétuel de ces droits.

 

 

            Bien que le résultat de cette recherche soit particulièrement aléatoire, il n'est pas inintéressant de tenter de retrouver les noms de nos douze "cammasats" dans la succession des actes d’état civil et de ceux réglant les conditions de l'indivision. Par ordre décroissant de certitude, nous pourrions citer :

 

    1 .- RESPAUT

    2 .- FILLOLS

    3 .- OLIVA

    4 .- CALVET

    5 .- CLASTRES

    6 .- ARNAUD

    7 .- VIDAL

    8 .- DRAPER

    9 .- ALABERT

  10 .- BELLAIRE

  11 .- MONÉ

  12 .- LAFORGA

 

            Comme ces noms sont plutôt de langue d'oc que catalane, il est probable que ces colons soient, pour la plupart, d'origine occitane. Le Roussillon et le Conflent ont connu alors une très forte immigration venue de France pour combler les vides creusés dans la population autochtone décimée par la guerre, la famine et la peste. La présence de ces Français est tout à fait indispensable à l'agriculture et à l'artisanat qui manquent cruellement de main-d'oeuvre. Au début du XVII° siècle, la majeure partie de la population de la région de Perpignan est formée de Français ou de descendants de Français, qui atteignent, en ville, la proportion considérable des trois quarts du menu peuple.[32]

            L'isolement et sa conséquence, une certaine endogamie, ont contribué à forger un type de montagnard dont les reliques vivantes étaient encore visibles trois cents ans après à Mentet. Relativement sveltes, minces et élancés, les Fillols et les Vidal rencontrés en 1960 se distinguaient de leurs voisins de Pi, grands, larges et massifs, autant que de ceux de Setcases, plutôt courts, trapus et pansus.

 

            Il ne faudrait pas croire pour autant que l'indivision ait transformé la communauté de Mentet en une sorte de ville franche ou de commune libre. S'ils se trouvent bien "co-propriétaires des bois, montagnes, terres et pacages situés dans le territoire de Mantet", les indivisaires prennent cependant grand soin de laisser en dehors des règles établies "les propriétés qui appartiennent à eux et à d'autres par titres particuliers". De plus, le seigneur garde toutes ses prérogatives en matière d'administration civile et militaire, de justice et de fiscalité. Il est représenté sur place par le batlle qu'il choisit parmi les notables du village et à qui il confère des pouvoirs de police très étendus.

 

             Les hostilités reprennent entre l'Espagne et la France, après la déclaration de guerre de 1635. Les armées françaises pénètrent en Roussillon au début du mois de juin 1639. La révolte des Segadors catalans contre l'impérialisme castillan, incarné par Olivarès, va favoriser la politique de Richelieu. Le 15 août 1640, un traité d'alliance est signé entre le Principat et Louis XIII. Le roi de France devient comte de Barcelone. Après le siège le plus terrible que la capitale du Roussillon ait subi, la garnison espagnole de Perpignan capitule le 29 août 1642. Cet événement connut un grand retentissement dans toute l'Europe. Il est entré dans l'histoire avec ces phrases célèbres de premiers ministres s'adressant à leur monarque :

Olivarès, au comble du désespoir, se jette aux genoux de Philippe IV :

- "Sire, Perpignan est perdu!"

- "Il se faut soumettre à la volonté de Dieu" lui répond un roi d'Espagne quelque peu fataliste.

Quant à Richelieu, alors bien près du trépas, c'est avec "une indicible joye" qu'il écrivit à Louis XIII :

- "Sire, vos armes sont dans Perpignan et vos ennemis sont morts",

les ennemis du roi de France étant, en l'occurrence, non pas les soldats du roi d'Espagne, mais Cinq-Mars et de Thou, représentants de la plus haute noblesse française qui venaient d'être exécutés après la découverte de leur vaste conspiration contre la politique du cardinal.

 

 

                En Roussillon, la noblesse a aussi ses problèmes. Débitrice de ses privilèges envers le roi d'Espagne, il a fallu qu'elle réponde à son appel pour aller combattre l'envahisseur français. La fortune des armes lui ayant été contraire, c'est maintenant le temps de l'exil et des confiscations.

 

            A Mentet, le dernier seigneur appartenant à la famille d'Oms est don Ramon d'Oms de Santa Pau i d'Oms. Fidèle à Philippe IV, il a participé aux batailles du Principat, à Puigcerdà, à Santa Pau, en Besalù.

 

                Le traité des Pyrénées, signé dans l'île des Faisans le 7 novembre 1659, rattache définitivement à la France le Roussillon, le Vallespir, le Conflent, le Capcir et le "Pays adjacent" de Cerdagne.

Dans son article 55, il accorde une pleine et entière amnistie à tous les catalans qui ont pris le parti de l'Espagne. L'article 58 précise qu'ils rentreront en possession de leurs biens :

"Toutes donations de biens confisqués sur des Catalans ou des Roussillonnais doivent cesser d'avoir leur effet le jour de la publication du Traité de paix. Les anciens propriétaires en reprendront possession, mais sans pouvoir exiger de ceux à qui ces biens avaient été cédés aucune restitution des fruits perçus en vertu de ces donations."

            L'application de ces dispositions provoque des différends, récupérations et compensations ne se faisant pas toujours à l'amiable. Le seigneur de Mentet fut l'une des victimes de ces nombreux procès en restitution. Le 20 août 1682, une sentence est rendue contre lui, déclarant nulle la vente et l'aliénation de la baronnie de Montesquieu.

Don Ramon d'Oms est ainsi condamné "aux dépens et à la restitution des fruits depuis l'injuste possession, pour le paiement et à la liquidation desquels il perdit et fut dépouillé des autres terres et seigneuries qu'il possédait en Roussillon, savoir : Claira, Saint Laurent de la Salanca, fours de Collioure, Sahorre, Fulla, Pi, Thorent, Mantet et Ralleu." [33]

            Dépossédé de ses biens, il reçut, en compensation, une pension mensuelle de 150 écus, puis mourut sans postérité. [34]

            Ainsi se termine la longue liste des membres de la famille d'Oms ayant exercé leurs droits seigneuriaux sur Mentet depuis la fin du Royaume de Majorque.

            Les biens confisqués à Don Ramon d'Oms sont donnés par le Roi à Joseph de Caramany, maréchal de camp, [35] avant de se trouver aussitôt répartis, en 1684, entre Sylvestre du Bruelh, qui devient baron de Montesquieu et seigneur de Mentet et de Toren, [36] tandis que Clément Dubois de Boisambert reçoit, pour sa part, Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, les fours royaux de Collioure, Ralleu, Sahorre, Fuilla, Pi, avec les montagnes de Rojà et de Caret. [37]

 

            La haute position stratégique du nouveau seigneur de Mentet explique les faveurs dont il bénéficie de la part du nouveau régime. Sylvestre du Bruelh est gouverneur du fort de Bellegarde, verrou du passage du Perthus et gardien de la frontière. C'est sur lui que l'on compte pour éviter un retour offensif des troupes du roi d'Espagne, tel celui du général San Germa qui avait réussi, en 1674, à reprendre Bellegarde et à pénétrer en Roussillon. Il avait fallu les 9000 hommes du maréchal de Schomberg pour les refouler et reprendre Bellegarde. La vieille fortification, totalement remaniée par Vauban en 1688, est maintenant modernisée et enrichie de tous les progrès de l'art militaire pour parer à toute éventualité.

 

            Mais, pendant ce temps, loin de Bellegarde et de ses rumeurs guerrières, Mentet vit d'autres préoccupations. La nouvelle administration française pèse de tout son poids sur le petit peuple de nos montagnes. Les forges catalanes ferment une à une à cause des droits très lourds qui frappent désormais le fer, et, surtout, l'ancienne franchise sur le sel est supprimée avec l'institution de la gabelle. Mentet, comme beaucoup de villages du Haut Conflent, possède sa forge et l'essentiel des revenus provient de l'élevage du bétail, gros consommateur de sel.

 

            Ici comme ailleurs, par conséquent, les gabelous sont voués aux gémonies et les

"angelets de la terra" trouvent un ferme soutien dans leur lutte ouverte contre les forces régulières de Francesc Sagarra. Pourtant, le village, peut-être excellent diplomate, n'est pas inquiété dans les retentissants procès de 1670 sur les "émeutes, incendies, sacrilèges, homicides, attroupements avec port d'armes et autres violences commises dans les lieux et montagnes du Vallespir et en quelques lieux du Conflent par les séditieux «appelés vulgairement Angelets»...qui avaient empêché le commerce et le repos public pendant plus de trois mois, en occupant les villes et lieux desdites montagnes, prenant les armes contre les troupes et officiers de justice, empêchant le recouvrement et administration des droits du Roi et particulièrement de la gabelle..." [38]

            "...par sentences données...du 30 mai au 20 août 1670, soixante-onze individus de divers lieux desdites montagnes ont été déclarés contumaces et défaillants, rebelles, infidèles et traîtres, coupables du crime de lèse-majesté au premier chef, et ont été condamnés à être livrés à l'exécuteur de la haute justice, «lequel traisnant par terre ledit Hereu Just, Joseph Trinxeria de Prats-de-Mollo, et Damien Noell, de Serrallonga, chefs desdites séditions, les conduira en la place publique d'Arles et en un eschafaut qui y sera dressé pour cet effect, les degollera et estranglera,... mettra à quatre quartiers chacun desdits cadavres et posera la teste de chacun d'iceux dans une cage de fer, et ensuite les pendra, celle dudit Trinxeria à la porte de la ville de Prats-de-Mollo, celle dudit Noell à l'endroit le plus eslevé de la place de Serrallonga, et celle dudit Hereu Just en une des portes de ladite ville d'Arles, et les quartiers desdits cadavres par les chemins royaux desdites villes;» pareille peine a été prononcée contre Pierre-Paul Ventos, de Sahorra, un des chefs de ladite sédition, lequel sera mis à mort à Villefranche-de-Conflent,..."

 

            Les commissaires du Conseil souverain ne se contentent pas de châtier les fortes têtes. Ils condamnent aussi les villes et les villages qui ont trempé dans la rébellion. Alors que les communautés de Py, Oleta, Sahorra et Vernet sont condamnées à la lourde amende de 880 livres chacune, Escaro étant taxé de 220 livres et Fulhà de 165, il sera plus amplement informé pour Toren; quant à Mentet, il n'en est même pas question.

            Il n'en ira pas de même, trois ans plus tard, avec les confiscations de 1673 au profit du roi de France : mines d'Escaro, dîmes, rentes, forges de Nyer, Thués, Real, La Cassanya, Burdull, Mentet, Py et Sahorra. [39]

 

            Le gouverneur de Bellegarde, qui a d'autres chats à fouetter, laisse à son procureur le soin de gérer son lointain domaine. C'est donc celui-ci qui nomme un certain Joseph Lafalla, de Pi, aux fonctions de sous-bailli de Mentet, le 18 juillet 1684. [40]

 

            Mais, en matière de protection, mieux vaut ne pas trop compter sur le seigneur des lieux, qui ne saurait s'opposer efficacement, en cette zone frontalière incertaine, aux incursions des Miquelets, fusiliers de montagne, membres des milices sud-catalanes recrutées à partir de 1689 pour lutter contre les Français.

 

            En 1694, le bailli et les habitants de Mentet écrivent à l'Intendant pour se plaindre d'avoir été ruinés par les miquelets d'Espagne : "la moitié des femmes qui furent dépouillées par les dits miquelets, sont mortes cet hiver, on ne sait si c'est de la frayeur qu'elles eurent ou du froid, n'ayant pas eu le moyen de s'habiller du depuis, car la famine y est presque, n'ayant recueilli aucuns grains à cause que la grêle s'en emporta tout".

            Ils demandent d'être dispensés de fournir "ni foin ni paille de toute cette année et de les défrayer de tail jusques au mois de mai à cause de leur grande infortune tant de la grêle que du vol, et les suppliants prieront Dieu pour la santé et prospérité de Votre Grandeur". [41]

            L'Intendant, compatissant, leur accordera un secours pris sur le produit de la taxe des charrettes.

 

            Sylvestre du Bruelh, seigneur de Ferrières, était, en 1662, lieutenant pour le Roi à la citadelle de Perpignan. Nous le retrouvons gouverneur du château des Bains (d'Arles) en 1675, puis gouverneur de Bellegarde, pour le moins de 1681 à 1715, ce qui fait une belle carrière de plus de cinquante ans de garnison en Roussillon.[42]

 

            Clément Dubois de Boisambert de Caramany était lieutenant du Roi du Roussillon et possédait, outre les seigneuries précédemment énumérées, des droits d'albergue pour le four banal et les boucheries de Foix, des droits pour les justices de Salses et une censive sur le ruisseau de Corbère.[43]

            En vertu d'une transaction qu'il a passée avec les habitants de Mentet, la montagne de Caret, qu'il avait reçue parmi les biens confisqués à don Ramon d'Oms, redevient dépendance de la terre de Mentet. Après sa mort, Sylvestre du Bruelh, seigneur du lieu, ne manque pas de réclamer cette possession à sa veuve, la dame de Boisambert.[44]

 

            Lors de sa prise de possession de Railleu, le 20 mai 1687, Monsieur de Boisambert était accompagné de Jean Satgé. Natif de Molitg, Jean Satgé devait déjà être un riche pagès, soucieux de faire prospérer son patrimoine. Il est probable que des intérêts communs liaient les deux hommes, Jean Satgé escomptant trouver bénéfice dans la gestion des droits possédés par le riche seigneur. Il avait affermé les octrois de Corbère, terre d'où Monsieur de Boisambert, bien qu'il n'en soit pas seigneur titulaire, tirait d'importants revenus, tels la censive sur le ruisseau.

 

             Jean Satgé a pour fils Jean-Jacques Satgé. C'est lui qui va fonder la nouvelle dynastie des barons Satgé de Toren, seigneurs d'Huyteza et de Mentet jusqu'à la Révolution.

 

            Jean-Jacques Satgé a hérité de son père son âpreté au gain. Il développe une intense activité pour s'enrichir dans le négoce à Prades et à Perpignan. Renouvelant la formule qui avait réussi à son père à Corbère, il afferme les octrois de Prades puis, en 1732, coup de maître, les très importants revenus du Prieuré de Corneilla.[45] Détenteur, dès lors, de la moitié du produit des pasquiers royaux, il pratique l'élevage et possède un troupeau de cent cinquante moutons, ce qui est beaucoup à cette époque où la laine se vend fort cher.

            Sa fortune est telle qu'il peut désormais réaliser son rêve, accéder à la noblesse. Bourgeois noble de la ville de Prades, il devient seigneur d'Huyteza, en 1733, puis de Toren et de Mentet, avant le milieu du siècle.

            Son ambition s'étend également au domaine de la vie publique. La charge de bailli de la ville de Prades étant devenue vacante à la suite du décès de son titulaire, Onuphre Bordes, Jean-Jacques Satgé se trouve en concurrence avec Jacques Circan, notaire de son état, qui a déjà exercé, tout comme lui, des fonctions municipales.

            Les renseignements fournis sur les deux hommes à cette occasion permettent d'avoir une idée de l'appréciation portée par leurs concitoyens sur la personnalité respective de Jacques Circan et de Jean-Jacques Satgé : "le premier exerce depuis longtemps différents emplois à l'hôtel de ville à la satisfaction du public; le second est un homme vif et emporté qui est fort dérangé dans ses affaires, et qui ne s'est pas si bien acquitté que le sieur Circan des charges qu'il a exercées pour la communauté." [46]

 

            Malgré le "dérangement" de ses affaires, Jean-Jacques Satgé établit ses deux fils comme avocats à Prades. Après sa mort, Dominique devient seigneur haut-justicier d'Huyteza, en 1768, tandis que Jean-Cyr lui succède comme baron de Toren, seigneur haut-justicier de Mentet.

 

            Jean-Cyr Satgé, qui signe "Satgé de Toren", gère la seigneurie de Pi, par procuration de l'abbé de Camprodon, qui en est toujours le seigneur titulaire. Il y achète deux moulins à farine et un arrêt du Conseil d'Etat du 6 août 1776 lui permettra d'y construire un moulin à scie.

            Mais il ne gère pas directement et totalement sa terre de Mentet, puisque c'est le syndic du chapitre de l'abbaye de Saint-Martin-du-Canigou qui y représente le seigneur. Le produit des dîmes de Mentet rapporte 800 livres à l'abbé, en 1775. La forge est affermée au joli prix annuel de 2007 livres.[47]

            A Toren, le château est estimé à 600 livres. Son châtelain possède, en commun avec son père et son frère, cette vanité de parvenu qui leur fait d'autant plus défendre leurs privilèges nobiliaires.

            Déjà, les Satgé faisaient partie des "nobles ou jouissant du privilège de noblesse", signataires du mémoire contre les insaculations faites en 1752 à Prades, pour le motif qu' "il serait fâcheux pour eux de se voir toujours pêle-mêle et en concours avec des personnes qui, quoique honnêtes gens, ont pourtant un état inférieur au leur. La nécessité l'a pu exiger autrefois, mais elle n'y est plus aujourd'hui. Il serait également honteux pour les jeunes nobles ou jouissants, de se voir préférer des roturiers qui, bien qu'âgés de 45 ans, n'en sont pas moins roturiers." [48]

            Le seigneur de Toren ne craint pas le ridicule d'un procès en justice contre la communauté de Sahorre pour la reconnaissance de certains droits honorifiques dans l'église.[49]

            Quant à Madame Satgé de Toren, née Louise de Bordes, épouse de Jean-Cyr, elle connaissait si bien le péché d'orgueil de son mari qu'elle écrivait, le 9 mai 1780, à l'intendant de la province, à propos d'une taxe de 23 livres pour la corvée, imposition à laquelle le baron n'avait jamais été soumis : "Je crois que le meilleur parti serait, pour éviter des railleries bien mortifiantes, et sans avoir rien à rectifier, de me permettre de remettre cette somme au viguier pour la faire tenir au receveur des rôles, sans que mon mari ni personne sache comment ça aura fini." [50]

 

            Le bailli de Mentet, qui administre la communauté sur place pour le compte des seigneurs, a surtout à connaître de la transmission des suppliques demandant exonération ou réduction d'impôt au titre de la capitation de la part des 15 contribuables dénombrés en 1777, de l'instruction des procès relatifs aux pacages et de l'estimation des dommages causés par les inondations des rivières de la Portella et de Camp Magre. [51]

            Celles des 16 et 17 octobre 1763 furent particulièrement dévastatrices. Les indemnités attribuées à titre de secours par la viguerie de Conflent et de Capcir à la suite de ces calamités naturelles faisaient trop souvent l'objet d'une répartition par trop inéquitable provoquant récriminations et recours à l'autorité publique.

            C'est ainsi qu'à propos du dédommagement des dégâts dus à de nouvelles inondations, en novembre et décembre 1777, "les habitants de Mentet ont distribué ladite somme non comme il leur a été prescrit, mais ils ont suivi exactement le rôle, ils n'ont pris que la peine d'en exclure les étrangers bien-tenants et se sont approprié et partagé le tout entre eux... Ils n'ont pas même appelé ni seigneur ni curé et ce, parce qu'ils n'auraient été ni pu être de leur avis; sans doute les habitants de ce village confrontants avec l'Espagne sont accoutumés à vivre à leur guise, éloignés comme ils sont de leurs supérieurs." [52]

            Il y a là un jugement sur les habitudes locales que l'avenir ne démentira pas en maintes circonstances, même en des temps tout à fait présents!

 

            De son côté, le curé sollicite des secours pour les pauvres. Après avoir été une simple annexe de la cure de Pi, puisque l'évêque interdisait, en 1741, à tout prêtre de célébrer la messe dans l'église de Mentet sans la permission du curé de Pi, la paroisse fut rétablie et administrée par ses curés propres : Joseph Cases en 1758, Sudre en 1776, Labrua en 1782, Joseph Maquel en 1787.

            Ce dernier fournissait alors à l'intendant de Roussillon, Raymond de Saint-Sauveur, des renseignements jugés intéressants sur l'effet des eaux minérales de Vernet-les-Bains. L'intendant, remerciant le curé, lui disait ne pouvoir s'occuper pour la province de mettre ces bains en bon état tant qu'ils appartiendraient à un propriétaire particulier qui retirerait tout le bénéfice d'un établissement aménagé comme il devrait l'être. [53]

 

            Néanmoins, à la veille de la Révolution, des brevets du Roi nomment les sieurs Barrère, intendant, et Jonquet, chirurgien-major, des eaux minérales de Vernet-en-Conflent.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

L'EPOQUE CONTEMPORAINE

 

 

 

 

            Suspendu au zénith, en dessus du Cap del Bac, un soleil de plomb écrasait montagne et vallée. Chauffé à blanc, l'azur du ciel avait viré en une transparence laiteuse. Sur l'amoncellement des rochers des tarters, l'air en feu vrillait en volutes qui semblaient vibrer au rythme du chant des insectes. Dans l'incandescence de juillet, Jan de Llorenç faisait son foin au pré du Ressec.

            En escadrons serrés, les mouches tournoyaient autour du méchant carré de tissu dont l'homme tentait de protéger sa nuque moite. La sueur ruisselait de son front et, longeant l'arête du nez, tombait à terre en gouttes épaisses, lui piquant les yeux au passage. Sous la faixa qui enserrait ses reins, le drap borrell trempé collait à la peau. A travers la vieille toile des espardenyes, le biseau des tiges récemment coupées lardait ses pieds de mille dards irritants.

            Entre les dents du râteau, manié en vives et régulières allées et venues, l'herbe sèche crissait en dégageant une odeur âcre de poussière surchauffée. Le souffle court, le faneur s'arrêta pour un instant de répit et se dirigea, la gorge rêche, vers la cruche cachée au creux du buisson. A l'ombre de l'églantier, couché de tout son long, langue pendante, Pardo haletait sous son trop lourd manteau de poils blonds. Le chien leva de petits yeux ronds vers son maître qui étanchait sa soif en longues rasades bues goulûment, à la régalade.

            Jan de Llorenç reposa le cruchon dans son nid d'épines et s'essuya les lèvres d'un revers de main. Son regard contourna le paller dressé au milieu du pré. Au-dessous de la meule, la frêle silhouette noire de la Marie continuait à s'agiter, retournant l'herbe en alignements parallèles.

            La Marie, sa Marie, qu'il avait connue si vive, si alerte au travail, abattant la tâche à l'égal d'un homme, ne ressentait-elle pas plus facilement la fatigue maintenant ? Les années avaient courbé son échine, les disettes creusé son ventre et les maladies affaibli son jarret. Et la mauvaise vipère qui l'avait piquée à la cheville en début d'été, la clouant au lit pour deux jours de transe, n'avait fait qu'accentuer une certaine raideur dans sa démarche.

            Il l'appela de sa voix rugueuse, autant pour la soustraire un moment à son labeur que pour l'aider à rassembler la charge de foin qu'il comptait porter jusqu'au village. Le lourd ballot, une fois sanglé des cordes qui l'assujettissaient à la saca, fut élevé d'un coup de reins puissant sur le dos cassé en deux sous le poids. Puis il descendit, à pas mesurés, jusqu'au chemin et, de là, entreprit l'ascension de la rude montée du Roc de Matacans.

            Ahanant sous l'effort, les deux mains rivées au fardeau brinqueballant à chaque irrégularité de la marche, le paysan maintenait à grand peine son équilibre. Les pierres qui roulaient sous ses pas réveillaient la vieille douleur enfouie à l'extrémité de sa jambe, là où l'ancienne fracture, mal consolidée, lui avait laissé un pied tors, au balancement ridicule et qui le faisait boiter bas.

            Pied des souffrances de toute une vie, depuis les quolibets de l'enfance, accompagnés des jets de caillou des gamins de son âge, jusqu'aux moqueries avinées d'aujourd'hui, franchissant le seuil des estaminets à son passage, sans oublier l'affront des plaisanteries des filles, au temps des bals interdits de sa jeunesse.

            Au-dessus du Bosigot, la montée avait fait place à un faux plat ressenti comme une délivrance. Passé le tournant du Serradet, la descente s'amorçait franchement, quasi libératrice.

            Le chien sur ses talons, Jan de Llorenç était parvenu au dernier coude du chemin quand, soudain, il tomba nez à mufle avec Sauma, la mule de Jep Respaut, suivie de son propriétaire.

            L'affrontement était total, inéluctable. L'étroitesse du sentier ne permettait aucun croisement aux deux équipages. En amont, se dressait le mur en pierre sèche qui soutenait le haut talus du Serrat de Lareu. En aval, le Ribàs dévalait en falaise jusqu'aux profondeurs du ravin du Col.

            Jep Respaut n'était pas un homme accommodant. Il était illusoire de croire qu'il pût reculer pour céder la place. Gras et fort, le cabaretier, infatué de lui-même, avait toutes les arrogances que lui prodiguait sa fortune. Cette fortune, d'origine récente autant que contestable, lui avait permis d'avoir son banc au premier rang de l'église et de prétendre aux dernières insaculations pour une hypothétique charge de consul. La tentative avait échoué, à son grand dépit, ce qui ne l'avait pas empêché de la renouveler, avec le même insuccès, lors des toutes premières élections municipales.

            Déjà son père avait réussi une belle escroquerie, en 1738, en vendant à Jean-Jacques Satgé -qui allait devenir le nouveau baron de Toren, seigneur haut-justicier de Mentet- le bois de la Pinosa, qui appartenait bel et bien à la communauté des habitants de Mentet, en vertu de l'indivision héritée des douze cammasats.

 

            Le fils de cet industrieux Joseph s'était vite révélé à la hauteur de la succession en la faisant fructifier dans le commerce de contrebande. De plus, comme c'était à lui que l'on devait avoir recours pour l'emprunt des quelques mesures de seigle ou d'orge nécessaires à la survie après les mauvaises récoltes, les profits d'une usure éhontée n'avaient fait qu'accroître le pactole jusqu'à ce jour. En cette époque de troubles, s'y ajoutait le produit de la véritable mise à rançon des aristocrates sur le chemin de l'exil, que ce passeur professionnel conduisait vers les mirages de la Cour d'Espagne, entrevus du haut de la Portella.

 

            Rouge de colère devant l'obstacle imprévu sur le chemin qui le conduisait à son cortal des Planells, Jep Respaut éructa :

- Via fora, Peu tort, o te fotré la tripa al sòl amb la forca de ferro ! [54]

 

            Jan de Llorenç, courbé sous son faix, reçut l'injure habituelle avec une sensation nouvelle, comme s'il s'agissait d'une fois de trop, dans un excès de lassitude à l'égard de la méchanceté humaine. Toutes les humiliations subies refluèrent en lui tandis qu'un élan de sang neuf venait battre à ses tempes. Il en eut tout à coup assez de tant de bottes de foin perdues, éparpillées au flanc de la ravine, de tous ces sauts de côté maladroits imposés par l'autorité souveraine de ces petits potentats locaux.

            Un ordre bref anima Pardo. Le chien sauta au garrot de la mule qui, surprise par la soudaineté de l'assaut, broncha hors de la sente. L'herbe courbe de la bordure ne put retenir son pied d'ordinaire si sûr. Elle roula dans les ronces et les orties de la pente, précipitant au bas du ravin son imprudent muletier attaché au licol.

            Le ballot de foin parut subitement plus léger aux épaules de l'infirme. Sa mémoire lui rappela l'écho des dernières nouvelles parvenues de la lointaine capitale.

            Ici, modestement, repoussait le regain de la Révolution.


 

            Précédant le cabaretier dans la hiérarchie des notables, il y avait le meunier et, surtout, le maître-forgeron.

            L'activité métallurgique de Mentet remonte haut dans le temps. La présence de scories, dispersées dans toute la montagne, révèle la multiplicité des emplacements des anciennes forges "à bras",ou forges "volantes" à une époque qui pourrait être antérieure au XII° siècle.

Cette dispersion s'explique, d'après François Roigt, [55] par le fait que les forgerons

"construisaient un fourneau dans la forêt, abattaient les arbres autour, fabriquaient du charbon et déplaçaient le fourneau à mesure que la forêt était épuisée. Au lieu de transporter le charbon, ils transportaient le minerai." Toujours d'après François Roigt, ces forges mobiles seraient contemporaines des premières forges hydrauliques. A Mentet, l'utilisation de la force motrice de la rivière serait attestée par l'acte de consécration de l'église, en 1102, qui, peu après avoir cité le lieu-dit "Plane de Fourno" (Pla del Forn : plateau du four ou du fourneau à minerai de fer), vraisemblablement situé à La Farga Vella, mentionne la présence de "molinas", si l'on donne à ce terme le sens de moulins de forges hydrauliques.

            L'extraction minière, pour sa part, aurait laissé pour témoignage, dans la toponymie [56]  de la zone du Coll de Mentet, le "Roc de la Mena", rocher signalant l'affleurement du filon de minerai de fer exploité, sans doute, à ciel ouvert, et "La Descarga", lieu où était déchargé le minerai provenant de la mine.

            Les efforts d'un Berenger d'Oms pour fonder un véritable complexe minier et métallurgique comprenant mines et forges d'Aytuà, Toren, Sahorra, Pi et Mentet, s'expliquent par la puissance que devait conférer cette position de maître des forges les plus réputées du Conflent, traitant un minerai d'une richesse et d'une pureté exceptionnelles. Les Satgé avaient succédé à la famille d'Oms dans l'application de cette politique menée par les senyors ferraters de l'aristocratie du fer dont faisaient partie les d'Oms et les de la Nussa, mais aussi les Alemany, Cabrenç, Descatllar et autres Banyuls, seigneurs bandolers se livrant une lutte sans merci, à la tête de leurs Nyerros ou de leurs Cadells, dans cette véritable guerre du fer.

            Quant aux Satgé, seule la seigneurie de Sahorre leur avait échappé. Elle était toujours entre les mains des Boisambert. Dans une moindre mesure, c'était également le cas de Pi, qui appartenait à l'abbé de Camprodon, mais dont ils avaient cependant procuration.

            Le marteau de la forge, encore visible sur place à La Farga, étant daté de 1774, on peut valablement situer à cette époque le nouvel emplacement de la forge au confluent des rivières du Ressec et de l'Alemany. C'est peu après, par un arrêt du Conseil d'Etat du 4 mars 1777, que Jean-Cyr Satgé obtient la permission de démolir la forge de Mentet et de la reconstruite à Pi "pour faciliter son approvisionnement et pour l'éloigner d'un lieu toujours exposé aux incursions des brigands."

            Néanmoins, la forge dut continuer de fonctionner sur place, puisque survenaient, 17 ans plus tard, le 18 frimaire an III, le pillage et l'incendie tant redoutés du baron et causés par "une incursion de brigands venus d'Espagne qui mirent la forge sens dessus dessous, dispersèrent les ouvriers, brisèrent les meubles, pillèrent tout." [57]

            Jean-Cyr Satgé n'était pas là pour constater les dégâts. Biens confisqués, tête mise à prix par le tribunal révolutionnaire, il avait réussi à s'échapper vers l'Espagne en 1793. Il devait retourner en France, puis y mourir, cinq ans plus tard, en l'an VI.


 

 

 

            Maintenant, MENTET est devenu MANTET. Mais la Révolution n'a rien changé à l'indivision des terres; la copropriété des bois, montagnes et pacages est clairement confirmée dans plusieurs actes notariés, tels celui du 16 juillet 1817, reçu par Maître Lavall, notaire à Prades, celui du 11 juillet 1834, dressé par Maître Vincent Paris, notaire à Prades, et celui du 9 juin 1854 par lequel Maître André Gay, notaire à Olette, fixe dans le détail le mode de jouissance communautaire :

            Trente-deux copropriétaires, héritiers des douze "cammasats" originaires, se constituent en société ayant pour objet :

  1° La conservation des parties boisées de ces forêts et montagnes,

  2° Le reboisement de celles qui ne le sont pas,

  3° Une répartition équitable et proportionnelle des produits de toute nature de ces bois, montagnes et pacages entre les ayants droit.

            L'acte signale, au passage, que le partage, que la loi autorise, serait très difficile et entraînerait des frais énormes, vu le grand nombre de copropriétaires qui existe du fait des divisions et subdivisions qui se sont opérées dans les droits. Loin de donner des résultats, ce partage consacrerait la ruine inévitable des intéressés, parce que, le morcellement consommé, le parcours du bétail se trouverait restreint et entravé et rendrait l'élevage impossible, alors que c'est dans cette activité que les habitants de Mantet doivent chercher leurs principales, et pour ainsi dire, uniques ressources.

            Désormais, un douzième de droit originaire permettra l'introduction aux pacages de 300 bêtes à laine, plus 16 vaches, 4 juments ou chevaux et 16 chèvres, ce qui constitue un troupeau total de plus de 4000 têtes ou, comme l'on dit, de 16000 pieds.

            Jean Ricard, Jean Vidal dit Chiche, Joseph Calvet et Vincent Vidal sont nommés administrateurs de la société.

 

            Les terres sont maintenant cadastrées, à la suite des opérations menées par Monsieur Caubet, Géomètre du Cadastre, et terminées sur le terrain le 19 juillet 1824, Pierre Calvet étant maire.

            Du début à la moitié du siècle, la population est passée de 85 à 120 habitants. Après les guerres napoléoniennes, l'amélioration des conditions de vie a favorisé cette progression démographique. La Restauration a ramené la paix. Il n'y a plus de grande famine, grâce, surtout, à la culture de la pomme de terre, qui devient la base de l'alimentation avec le pain de seigle et le porc. L'élevage se développe, bonifiant les sols et, en conséquence, les récoltes.

            Mais la mortalité reste cependant très forte, les épidémies demeurant fréquentes. La typhoïde, la variole - la "picota" -, frappent; on redoute le choléra et, surtout, la peste dont l'éradication n'est pas encore totalement assurée.

            Sous le règne de Louis-Philippe, l'état sanitaire de la population est toujours aussi précaire. Jean-François de Saunhac-Belcastel est évêque de Perpignan et tempère la témérité de ses troupes par quelques conseils de prudence dans l'assistance des malades en temps de contagion [58] :

            "Un curé doit se souvenir alors qu'étant pasteur, il ne lui est pas permis d'abandonner son troupeau dans un temps où sa présence lui est plus nécessaire que jamais, et que, si, par une lâche crainte, il fuyait le danger, il se rendrait coupable de la perte des âmes qui périraient faute des secours de son ministère. Il ne doit pas néanmoins s'exposer témérairement au danger; la prudence et la charité l'obligent d'user de toutes les précautions possibles pour éviter la contagion, afin de se rendre utile à son peuple...


 

            Un curé ou un prêtre employé au service des paroisses affligées de la peste ou d'une autre maladie contagieuse, doit prendre les précautions suivantes :

            Il doit se munir des remèdes que les médecins jugent propres à éloigner le mal, tels que celui de respirer du vinaigre quand on est avec les malades.

            Il pourra prendre une soutanelle de toile cirée noire, si ce préservatif est jugé utile contre les miasmes contagieux...

            Voici les précautions qu'il devra prendre dans l'administration des sacrements : ...

            Quant au sacrement de pénitence, le confesseur ne doit pas s'approcher du malade atteint de la contagion, à moins d'une extrême nécessité, ni même entrer dans la chambre, s'il peut faire autrement; mais il lui parlera à la distance de huit à dix pas, en se tenant, autant que possible, au-dessus du vent...

            Comme il n'est pas nécessaire que le prêtre voie le malade pour le confesser et l'absoudre, il sera bon que la porte de la chambre du malade reste fermée et que le prêtre entende sa confession de dehors, s'il peut l'entendre assez distinctement, et si le mal est extrêmement contagieux...

            Le prêtre recommandera qu'on rapproche les malades de la porte de leur chambre, et il leur administrera l'Extrême-Onction et le viatique, s'il y a lieu, le plus promptement possible, se tenant toujours au-dessus du vent, et ne s'approchant du malade qu'autant qu'il sera nécessaire pour lui administrer l'Extrême-Onction ou l'Eucharistie. Il ne fera qu'une seule onction sur les yeux ou sur la bouche des malades, se servant même d'une spatule un peu longue, afin de ne pas les toucher avec la main;...après celà, il passera la spatule par le feu. On pourra donner la communion aux pestiférés dans une cuiller à long manche, et ladite cuiller ou vase sera purifié avec du vin ou de l'eau que le malade prendra pour ablution."

 

            Comme on le voit, le progrès est en marche. Rien ne saurait l'arrêter. En 1858, la voie ferrée atteint Perpignan. Mais les villages du Haut Conflent sont encore bien éloignés de la capitale roussillonnaise. A Mantet, il n'est question que des travaux de réfection de l'église dont il faut élargir la nef et surélever le toit.

            L'agent-voyer Hourdiaux dresse un projet, le 8 octobre 1858. Il veut garder le mur nord, vraisemblablement reconstruit en 1732 après le passage d'une avalanche, ainsi que l'abside romane. De la sorte, la nef conservera sa longueur initiale de 16 mètres.

            Mais l'élargissement prévu à 5 m.55 n'aura pas lieu. Les restrictions budgétaires ne datent pas de nos jours. La nef mesure actuellement 4 m.25 de large. La surélévation de la voûte à 8 m.75 ne se fera pas non plus. Aujourd'hui, cette hauteur est de 5 m.85. La majestueuse porte à deux battants, d'une ouverture de 1 m.80, a dû être remplacée par un méchant volet de un mètre de large. Même le mur de 80 cm. n'en fait plus que 65.

            Malgré tout, c'est une église considérée comme neuve que visite Monseigneur l'Evêque de Perpignan, le 6 juillet 1866, accueilli par Jean Ricard, maire, et Charles Bosom, prêtre desservant. La sacristie est encore en construction alors que l'on signale que le cimetière a une étendue suffisante et qu'il est régulièrement clos, avec une croix au milieu et une autre, en bois, à la porte d'entrée. Par contre, l'inventaire dressé à cette occasion se termine par les mots laconiques "point d'archives" qui tendraient à prouver que déjà les autorités locales consacraient leur stock de vieux papiers à l'allumage du feu et au nettoiement de la poêle.

            Il y a fort à parier qu'il s'agissait, surtout, de formules de supplique tendant à obtenir, moyennant finances, dispense épiscopale à l'empêchement au mariage pour consanguinité au 3ème degré entre cousins Fillols et cousines Vidal ou inversement.

            C'est à cette époque, en 1872 exactement, que la population atteint son niveau maximum avec 201 habitants. En 1880, ce chiffre est retombé à 145, puis à 133 en 1885. Jean Ricard est toujours maire. Emmanuel Fillols lui succède en 1886. La commune compte alors 157 habitants.

            En 1888, Emmanuel Oromi, peintre-doreur domicilié à Pia, effectue un travail de peinture et de dorure dans l'église, vraisemblablement le retable et le maître-autel, pour la somme de 700 francs.

            Joseph Fillols est maire en 1891, suivi de Pierre Ricard, en 1895, lorsque le chemin de fer arrive à Villefranche. Pierre Ricard est toujours maire en 1898, date à laquelle le chiffre de la population atteint 160 habitants.

 

 

            Les mantetaires sont donc nombreux dans leur village aux derniers jours du XIX° siècle. La vie quotidienne y est toujours très dure, mais la joie règne le soir, à la veillée, autour de l'âtre familial, et dans les trois cafés où, parfois, les musiciens viennent faire danser la jeunesse.

            On continue toujours à commercer et à se marier, par delà la frontière espagnole, avec les gens de Setcases, plutôt qu'avec les frères ennemis de Pi, du côté français, ces "pinachos" auxquels on voue une inimitié tenace et séculaire autant qu'artificielle.

            Pierre Vidal est à la forge, Pierre Ricard au moulin. Ils ont pour clients François Calvet dit Commandant, Jean Calvet dit Magnou, Joseph Calvet dit Chet, Michel Calvet, Pierre Calvet dit Grinot, Calvet dit Toune, Jacques Clastres, Jean Clastres dit Pachet, Joseph Clastres, Pierre Clastres dit Lindou, Clastres dit Michou, Pierre Corones, la Veuve Anna Fillols, Jacques Fillols, Joseph Fillols dit Mingras, Laurent Fillols dit Patrounot, Martin Fillols dit Tinet, Paul Fillols dit Pallary, Sébastien Fillols le facteur, Fillols dit Nanne, Fillols dit Pauet, Jean Ricard dit Court, Raphaël Ricard, Emmanuel Vidal, Jacques Vidal dit Japou, Joseph Vidal dit Chiche, Martin Vidal, Vincent Vidal et, enfin, Jaime l'Espagnol.

 

            La guerre de 1914 survenant, tous les hommes ne partent pas pour le front. Suivant une tradition bien établie, certains passent la frontière et vont trouver refuge en Catalogne du Principat. Plus tard, on parlera, sans une nuance de mépris, du "déserteur" fixé à Vilallonga ou à Camprodon.

            Mais la saignée est cependant terrible et le dépeuplement est en cours. La guerre de 1939 ne fera que l'accentuer. [59]

            Les troupes allemandes d'occupation construisent, en 1943, un bucolique poste frontière, bâti en rondins, pour surveiller le passage vers la Portella et l'Espagne, trop perméable à leur gré. Située à 1980 mètres d'altitude, la "Baraque des Allemands", fort connue de tous les coureurs de montagne des alentours, a longtemps constitué un refuge de choix pour les randonneurs sur le chemin du Chalet de l'Ull de Ter et un poste avancé apprécié des chasseurs pour les petits matins de traque à l'isard dans Bassibès, jusqu'au jour de sa destruction par l'incendie provoqué par une troupe de scouts belges peu précautionneux, en 1983.

            Le 7 avril 1944, les 95 habitants de Mantet sont chassés de leur village par l'occupant qui les accuse de ravitailler les maquis du Canigou. Au départ des Allemands, plusieurs maisons et cortals sont incendiés.

 

            A la Libération, seuls les éleveurs reviennent.

            C'est la fin d'une époque.

            Plus de rires d'enfants, plus de fileuse de laine, plus de moulin, plus de menuisier, plus de forgeron.

            Le pain ne sera plus cuit dans les fours qui pendent au ventre des maisons.

            Plus de sabots, plus de beurre, plus de fromage fabriqués sur place.

            Plus de Saint-Jean, plus de Saint-Vincent.

            Quand le sang neuf de la route atteint le village, en 1964, ils ne sont plus que huit foyers, et encore parce que c'est l'été; l'hiver, seuls Fillols dit Mingras et Fillols dit Lindou tiennent compagnie au maire, Raphaël Vidal. [60]

 

 

            Cette route, à elle seule, a toute une histoire.

            Le projet de désenclavement est bien vieux d'au moins quarante ans.

            Lorsque l'on se rend dans la commune de Nyer, on trouve un embryon de route, "la route fantôme de Mantet", qui devait remonter le cours de la rivière et relier les deux villages, offrant un débouché direct sur Olette, en ignorant délibérément Py et Sahorre. Apparus en 1914, les "planqués" du tronçon de Nyer disparurent avant la fin des hostilités, laissant la route et ses tunnels à l'abandon.

                        On revint à l'idée du tracé Py-Mantet en 1953, le Conseil Général des Pyrénées-Orientales ayant décidé d'affecter à la construction de la nouvelle route les chômeurs des mines de fer, alors particulièrement nombreux. La route arriva jusqu'à Campelles, à cette "baraque", connue des seuls vieux mantetaires, où la mule et l'âne relayaient la voiture du ravitaillement apportant le pain, le vin et l'épicerie.

            Il advint alors, certains hivers rigoureux, que l'hélicoptère apportât les vivres essentiels, après les chutes de neige les plus abondantes.

            En 1962, de nouveaux crédits furent débloqués et le bulldozer se fraya un chemin dans la montagne pour atteindre le col de Mantet, à 1760 mètres d'altitude.

            Deux ans plus tard, la route parvenait enfin au village.

 

            La découverte de la beauté du site, miraculeusement préservé jusque là par son isolement, suscite bien des convoitises.

            C'est l'époque de la ruée vers l'or blanc, des projets grandioses de construction de stations de sports d'hiver de grand standing, avec résidences de luxes, hôtels quatre étoiles, télécabines ultra-rapides, pistes de ski vertigineuses et patinoires olympiques. Certaines industries traditionnelles battant de l'aile, d' importants groupes financiers, attirés par les perspectives alléchantes du tourisme hivernal, vont replacer leurs intérêts dans des placements immobiliers en haute montagne.

            En Belgique, c'est le cas d'un géant de l'industrie papetière, qui tente d'acquérir, par l'intermédiaire d'une de ses sociétés satellites, les droits indivis détenus par une foule d'originaires sur les parcelles de terrain qu'il convoite en Haut Conflent. Un emprunt de 2.450.000 francs, souscrit auprès de sa propre banque d'affaires, émanation directe du groupe, doit garantir le financement de l'opération.

            Entre 1967 et 1971, les terrains sont acquis pour une bouchée de pain auprès d'une multitude de petits propriétaires des communes de Pi, Nyer et Mentet. Les actes de vente sont passés en l'étude de notaires plus ou moins complices qui se gardent bien d'évoquer les conditions de l'indivision d'origine des bois, montagnes et pacages. Au moins deux d'entre eux devront répondre de leurs agissements en justice, dans les années 1970, et auront des comptes à rendre à leur Ordre.

            Mais les projets du groupe financier tournent court. Sa banque, en état d'insolvabilité dès octobre 1974, fait l'objet de tentatives de saisies judiciaires, ordonnées à son préjudice de 1974 à 1977. Elle tente alors d'échapper à ses créanciers en essayant de vendre son domaine, par sociétés-écrans interposées.

            Ses intérêts sont camouflés par dispersion entre huit sociétés civiles forestières et agricoles (S.C.F.A.). C'est d'elles qu'il s'agira chaque fois que l'on évoquera les "sociétés" dans la presse ou les réunions publiques :

            S.C.F.A. de            1- l'Alemany; 2- Bassibes; 3- Cambon; 4- Mantet; 5- Pomarole;

                                            6- Py; 7- Rotja; 8- Tres estelles.

 

            Les participations dans ces huit sociétés sont revendues, fin 1976, à une autre société du groupe pour la modique somme de 350.000 francs. La mise en vente des 7000 hectares concernés s'effectue, en 1978, par l'intermédiaire d'une autre société, basée en Suisse, celle-ci. Cette mise en vente, pour 30 millions de francs, de terrains achetés, dix ans plus tôt, aux alentours de 300 francs l'hectare, laisse apparaître une très consistante plus-value de plus de 14 fois la mise!

            La revente se réalise par la suite, au profit des Caisses d'Epargne des Bouches-du-Rhône, avec un très joli bénéfice pour les promoteurs initiaux de l'opération, que l'on peut estimer à environ 28 millions de francs.

            Gros bénéfices pour les grosses sociétés, mais coquets bénéfices, également, pour des entreprises de moindre envergure mais néanmoins de haute volée.

            Telle celle que nous rapporte l'Indépendant du 9 octobre 1978 :

              "Dans ce climat d'optimisme -l'atmosphère était alors à la "touristification" tous azimuts- et dans le sillage des hommes d'affaires,...sont arrivés quelques individus ayant flairé les combines possibles.

              Ainsi, un certain Van Zille, qui fut l'un des premiers promoteurs à acheter les droits indivis pour les "Sociétés", réussit-il à piéger huit gogos de nationalité belge.

              Ayant acquis quelques dizaines d'hectares autour de la Coma de la Dona à Mantet, un secteur à la fois inhospitalier et inaccessible, Van Zille réussit à vendre huit parcelles à des compatriotes persuadés de réaliser un bon placement en attendant de construire leur résidence secondaire.

              Les naïfs avaient acheté sur la base d'une maquette montrant "Mantet, paradis des Pyrénées" qui fut exposée dans toute l'Europe et d'un "plan" sur lequel la "station de ski de Mantet" et la Coma de la Dona étaient desservis directement par la voie ferrée (arrêt en gare d'Olette) et la R.N. 116.

              Un beau matin, Van Zille est parti avec un petit sac à dos, comme pour une randonnée en montagne. Un berger l'a vu passer la frontière espagnole et depuis on ne l'a jamais revu....Ne lui jetons pas la pierre, les humoristes sont rares de nos jours."

 

              Ainsi finirent bien des espérances, ainsi s'envolèrent bien des illusions.

              Ce que des Belges ne purent réaliser du côté nord de la Portella, des Catalans le réalisèrent du côté sud, et la station de ski promise à Mentet fut pour Setcases, avec la création de Vallter 2000.

 

              Cependant, Mentet tente de rattraper le XX° siècle. Des mains opiniâtres relèvent les ruines, redressant les murs et recouvrant les toits. Il ne s'agit, en ce début de résurrection, que de résidences secondaires pour des vacances d'été familiales.

              En 1972, elles ont la possibilité de se raccorder au tout nouveau réseau public d'eau potable.

              A la suite du décès de Raphaël Vidal, une période de transition s'ouvre, en 1975, avec l'accession aux fonctions de premier magistrat de la commune de Noël Haon, gendre d'Emmanuel Vidal, dit "Chiche". Les premiers pionniers se lancent alors dans l'aventure de l'installation à l'année et affrontent leur premier hiver. Ce ne sont pas des enfants du pays, mais des transfuges des cités, portés par la vague du retour à la nature d'après mai-68. Ils vont réussir la percée, malgré les difficultés de tous ordres qu'ils devront surmonter.

              En 1977 a lieu l'élection qui fait d'Olivier Villalongue le nouveau maire de Mentet. L'intendant du Lycée de Prades va également assurer cette gestion municipale pendant 18 ans, jusqu'en juin 1995.

              L'électricité est placée en 1983, suivie bientôt par les égouts et la télévision. Ces travaux permettent de compléter la viabilisation en pavant une grande partie des rues et en installant l'éclairage public.

              Une Association Foncière Pastorale est créée entre les copropriétaires des pacages pour favoriser l'élevage. Gîte d'étape, Café-Auberge, Hôtel-Restaurant-Epicerie, Centre équestre, Bergerie-Fromagerie, Maison de la Nature, sont fondés, permettant à 28 habitants permanents de vivre sur place. Symbole du renouveau, le ramassage scolaire emmène les enfants du village vers l'école de Sahorre, le collège et le lycée de Prades, en empruntant une route désormais déneigée régulièrement.

              L'activité économique dépend donc davantage d'un tourisme léger que des produits traditionnels de l'agriculture et de l'élevage. La fonction d'accueil est dominante, liée au développement de la randonnée pédestre et équestre. La découverte de la nature par la foule échappée des villes a été favorisée par l'institution de la Réserve Naturelle de Mantet, en 1984.

              Couvrant une superficie de 3028 hectares, soit plus de 94 % du territoire de la commune, cette réserve doit beaucoup aux efforts d'un grand défenseur de la montagne, Georges Bassouls, dont une stèle de granit perpétue le souvenir au Col de Mentet. Son grand projet de parc national n'ayant pu aboutir, il se résigna à n'assurer que la protection du site, dans le cadre plus modeste d'une simple réserve naturelle.

              Néanmoins, cette mise en réserve a pu faire échec aux projets démentiels de promoteurs d'aménagements lourds et a permis de contenir la spéculation foncière qu'ils déclenchaient. Pour protéger Mentet contre le danger de l'achat de la quasi totalité de ses terres par les Caisses d'Epargne des Bouches-du-Rhône, il a fallu même en appeler au Conseil d'Etat, pour faire reconnaître la validité du droit de préemption du Conseil Général. Il s'agissait, par cette intervention de la dernière chance, de contrecarrer les visées d'un "Ecureuil" trop vorace, en s'opposant à une acquisition constituant un véritable détournement des orientations prévues et voulues par la commune pour l'espace naturel sensible représenté par la réserve naturelle dont elle assurait la gestion.

 

              Ainsi peut-on espérer que soient désormais garantis les droits des éleveurs, des randonneurs, des chasseurs, des pêcheurs et de tous les amoureux de la montagne en général. La vigilance est cependant de rigueur pour déjouer toute nouvelle manoeuvre d'accaparement du bien de tous pour le profit de quelques-uns.

              Faisons confiance aux habitants de Mentet pour rester maîtres de leur cadre de vie, en défendant cette nature à laquelle ils se sentent intimement mêlés, et que le calme, la paix et la sérénité règnent à nouveau sur ce petit coin de montagne, si longtemps oublié dans le temps

et dans l'espace.

 

 

 

 

 


 


ANNEXES

 

AVALANCHES

 

1560 - Une partie de l'église de Mantet est emportée.

 

1703 - A Mantet, l'église est détruite une nouvelle fois. Il ne reste que l'autel et l'abside.

 

1830 - A Mantet, au lieu dit "la Soulanette", une plaque de neige déferle sur la rivière de Mantet et tue deux espagnols.

 

1900-1906 - Des coulées ont lieu à Mantet entre 1900 et 1906. L'une d'elles emporte un four à pain.

 

Février 1917 - Après cinq jours et 2 m de neige, plusieurs avalanches se déclenchent à Mantet et descendent jusqu'aux premières maisons du village. Une d'entre elles emporte la métairie au lieu dit Anemagu.

 

1976 - A Mantet, à la Serre de Carret, trois randonneurs sont emportés par une avalanche déclenchée par la rupture d'une corniche. Un seul est blessé sérieusement.

 

1991 - Des dégâts matériels sont occasionnés par une avalanche à Mantet.

 

25 février 1996 - Des avalanches se produisent en Haut-Alemany, à Mantet.

 

Source : H. Péjouan

 

Les Risques Majeurs dans les Pyrénées-Orientales

http://www.risques-majeurs66.com/spip.php?article145

 

 

 

 

INONDATIONS

 

CRUE DU 26 SEPTEMBRE 1992

 

Elle fait trois victimes et engendre 400 millions de francs de dégâts. Les pluies, comprises entre 100 et 300 mm en 3 à 4 heures, présentent une intensité supérieure à 150 mm en 4 heures sur 40 % de la surface du département, et dépassant localement 90 mm/h, avec deux paroxysmes : le premier commence vers 16h sur le relief, déclenchant de fortes crues sur certains hauts bassins et le deuxième survient sur la plaine après 19h, renforçant au passage les ondes de crue.

….
Sur le bassin de la Têt, les crues les plus violentes sont celles de la rivière de Mantet (qui tue deux canyonistes) et de la Rotja (qui déracine des arbres cinquantenaires et les utilise pour ravager sa vallée)….

 

Source : M. Benech (DDAF)

 

Les Risques Majeurs dans les Pyrénées-Orientales

 

http://www.risques-majeurs66.com/spip.php?article133
L’EGLISE

Historique

Cette église a été consacrée en 1101 et 1102.
C’est une dépendance de Sainte-Marie de Corneila.

Les murailles nord et ouest qui sont d’origine peuvent être datées du XII° siècle.
L’abside est une construction des XII° et XIII° siècles.

Le clocher est postérieur à l’édifice, mais construit en matériaux identiques.

Description


Il s’agit d’un édifice à nef unique, avec abside semi-circulaire de la même hauteur que la nef.

L’abside semble avoir été surélevée.

L’entrée actuelle en plein cintre est située au sud.

Au-dessus du mur semi-circulaire de l’abside, et dans son alignement, se dresse un clocher arcade en arc de cercle, percé d’une ouverture en plein cintre et surmontée d’une croix girouettée.

L’édifice est appareillé en schiste et granite liés au mortier. Seul le premier niveau de l’abside est appareillé en blocs de granite taillés assez importants.

L’édifice est couvert d’un toit à deux pentes en llauses de schiste.

Les cloches

Deux cloches en fonte sont placées dans le clocher-mur. Elles sont datées du XIX° siècle.

La première provient de la fonderie Louison Lévêque et Amans Gendre, successeur à Toulouse. Elle porte l’inscription : " Sit nomem domini benedictum. Parrain Vincent Vidal, adjoint. Marraine Marie Vidal, donateurs. Curé Sarradeill, Maire J. Ricard, 1878 ".

La deuxième cloche porte l’inscription : " Sit nomem domini benedictum Mantet Jean Baptiste 1818, Decharme fondeur ".

 

Source :

http://www.cg66.fr/culture/expositions/clochers/communes/mantet.html


Source :

Archives Départementales des PO
B.P. 948, Avenue de Villeneuve - 66020 Perpignan Cedex
Tél : 04.68.54.60.39
http://www.cg66.fr/culture/archives/genealogie/communes_66/resultat.php?commune=Mantet&patronyme=&B1=Rechercher


Généalogie : recherche par communes

 

Commune : MANTET

 

Les patronymes suivants ont été retrouvés sur les registres communaux de mariage, naissance et décès de la commune :

 

 

 

 

 

  Nb*

Commune

Patronyme

Dates Registres

5

Mantet

ALABERT

1724 / 1793

9

Mantet

ARNAU

1706 / 1775

8

Mantet

ARNAUD

1703 / 1732

1

Mantet

AULIBA

1752 / 1752

1

Mantet

BAPTISTA

1721 / 1721

4

Mantet

BELLAIRE

1664 / 1681

1

Mantet

BENASSACH

1743 / 1743

2

Mantet

BLANQUE

1758 / 1764

2

Mantet

BLANQUER

1764 / 1768

2

Mantet

BOIXO

1728 / 1728

2

Mantet

BRAU

1701 / 1707

1

Mantet

BUIXO

1748 / 1748

1

Mantet

CABOTAN

1753 / 1753

22

Mantet

CALVET

1701 / 1793

2

Mantet

CASTANYER

1753 / 1753

15

Mantet

CLASTES

1745 / 1778

9

Mantet

CLASTRES

1739 / 1775

1

Mantet

COFFOI

1761 / 1761

2

Mantet

CORONAS

1752 / 1752

1

Mantet

CORTEA

1697 / 1697

6

Mantet

DRAPER

1723 / 1728

56

Mantet

FILLOLS

1668 / 1848

3

Mantet

LAFORGA

1766 / 1773

1

Mantet

LAPORTE

1742 / 1742

1

Mantet

LLUPET

1708 / 1708

2

Mantet

MARGUET

1818 / 1818

2

Mantet

MONE

1739 / 1749

2

Mantet

MONER

1742 / 1747

1

Mantet

MONTELL

1755 / 1755

1

Mantet

NOGUES

1818 / 1818

25

Mantet

OLIVA

1702 / 1765

17

Mantet

OLIVE

1694 / 1770

2

Mantet

PADERN

1711 / 1711

1

Mantet

PAGES

1831 / 1831

1

Mantet

RAVES

1694 / 1694

2

Mantet

REMAURI

1761 / 1761

4

Mantet

RESPAUD

1731 / 1765

68

Mantet

RESPAUT

1651 / 1773

14

Mantet

VIDAL

1711 / 1848

* Nombre patronymes trouvés

 


 


 Source :

Archives Départementales des PO

B.P. 948, Avenue de Villeneuve - 66020 Perpignan Cedex
Tél : 04.68.54.60.39
http://www.cg66.fr/culture/archives/genealogie/registres/resultat.php?commune=MANTET&patronyme

Généalogie : registres et références microfilms

 

Commune : MANTET

 

Les registres de la commune de Mantet sont consultables aux archives départementales des PO :

 

Commune

Cote*

Types d'actes et Périodes

Mantet

2 Mi 77 R 36

N.M.D 1893-1902 (2E 4481)

Mantet

5 Mi 283

B.M.S 1746-1792 (2E1713 et 2E1714)

Mantet

5 Mi 283

T.D 1802-1883 (2E1727)

Mantet

5 Mi 283

N.M.D 1793-1892 (2E1715 à 2E1726)

 

*Reférence des microfilms

 

 

Quelques liens utiles :

 

Source : http://search.geneanet.org/result.php3?name=&info=&start=&end=&nbindi=&type=&source=&place=Mantet&subregion=F66&region=LRO&country=FRA

 

http://gw.geneanet.org/raspaud

 

http://gw.geneanet.org/dg

 

http://gw.geneanet.org/granyote

 

 

TABLEAU CHRONOLOGIQUE ET CULTUREL

 

TABLEAU CHRONOLOGIQUE ET CULTUREL 2

 

EVOLUTION DE LA LANGUE

 

 

 

 

 


 

 

 

Successions  seigneuriales sur Mantet

 

Comtes de Cerdagne : Guifred II, comte de Cerdagne (988-1035), fils d’Oliba Cabreta, fait don, au début du XI° siècle, d’un alleu situé à Mentet, " in villa Mentedo ", à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà.

 

Abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà : La précédente donation est confirmée en 1011 par une bulle du pape Serge IV (Marca Hispanica – n° 164)

 

Pons, archidiacre de la cathédrale d’Urgell, très riche clerc, fait à son tour donation, dans ces dernières volontés, en 1031, de Mentet et de son église à son fils Bernard (Martí Sanjaume – Dietari de Puigcerdà – I-477)

 

Comtes de Cerdagne : Guillem II - Jordà, comte de Cerdagne (1095-1109), fils de Guillem I - Ramon (1068-1095), conformément aux dispositions du testament de son père en date du 7 octobre 1094, crée, le 4 mars 1097, un prieuré de chanoines augustins en l’église Sainte-Marie de Corneilla-de-Conflent, voisine du château comtal. Parmi les legs attribués par le comte de Cerdagne et Conflent à l’occasion de la fondation de ce nouveau monastère figure l’église Saint-Vincent de Mentet.

 

Prieuré de Corneilla-de-Conflent : Si l’église Saint-Vincent de Mentet est placé sous l’autorité du prieur de Corneilla, il n’en est pas de même pour l’ensemble du territoire et des autres droits féodaux démembrés entre :

 

Seigneurs de Corsavy : Les héritiers de Ramon Bracals, seigneur de Corsavy au début du XII° siècle, Bernard de Corsavy et Pons de Guardia, font don des pacages de Mentet à l’abbaye de Fontfroide.

Plus tard, ce sont ses petits-enfants, fils et fille de Bernard de Corsavy, Raymond et Marie, qui céderont leurs droits sur Mentet à l’hôpital d’Ille :

 

Abbaye de Fontfroide : Alphonse II le Chaste, roi d’Aragon, signe en 1182 une charte confirmant à l’abbaye de Fontfroide la possession des pacages de Mentet donnés par Bernard de Corsavy et Pons de Guardia (A.D.P.O. – Archives des Pyrénées-Orientales – 1 B 219 – Registre XXII de la Procuració Real)

 

Hôpital d’Ille : Le 23 janvier 1225, Marie, fille de Bernard de Corsavy et veuve de Bertrand d'Ille, fait don de deux terres qu'elle possède à Mentet à l'hôpital d'Ille :

Marie d'Ille s'est donnée à l'hôpital "avec tous ses biens", notamment "ses manses et honneurs à Mentet", tandis que son frère, Raymond de Cortsaví, faisait don, de son côté, à ce même hôpital "des hommes et des femmes des quatre feux qui habitaient ces manses".

(A.H.I. ( Archives de l'Hôpital d'Ille ) - documents 3 B 364 et 364 bis - cités in C.A.V.I.

( Cahiers des Amis du Vieil Ille ) - N° 117 - page 20)

(A.D.P.O. - 1 B 15 - Liber feudorum A - folio LXXXII)

En 1248, l'hôpital d'Ille inféode un pasquier et un bois et se dépossède ainsi d’une partie de ses droits sur Mentet. (A.H.I. - documents 3 B 366 et 367 - cité in C.A.V.I. - N°117 - page 24)

Cependant, son commandeur  prêtera foi et hommage pour ses possessions de Mentet au roi Sanche de Majorque qui accède au pouvoir en 1311 .(A.D.P.O. - 1 B 16 - Liber feudorum C)


Jean Ponça : peut-être un bourgeois nouvellement enrichi et acquéreur d'alleux, est cité dans une sentence rendue en 1263 par le commissaire royal pour la recherche et le jugement des questions concernant l'allodialité ou la féodalité des terres et droits possédés en Conflent.

(A.D.P.O. - 1 B 15 - Liber feudorum A – déjà cité)

 

Bernard de So : ce seigneur semble avoir été détenteur des droits de justice sur Mentet lors de son investiture en tant que seigneur de Sahorre en 1312.

 

Bernard Guillem de Toren : En février 1318, le roi Sanche de Majorque récompense les services de son viguier du Roussillon, le chevalier Bernard Guillem de Toren en lui donnant la seigneurie et le château de Mentet, puis en lui en concédant les droits de justice. Les Guillem sont désormais seigneurs de Toren et de Mentet. (A.D.P.O. - 1 B 190)

 

François de Perellos : Les Guillem de Toren payent -comme la plupart des seigneurs de Conflent- leur fidélité au royaume de Majorque. Le roi Pierre IV d'Aragon récompense ceux qui l'ont bien servi de leurs dépouilles. François de Perellos, capitaine de Salses, amiral des flottes aragonaises et françaises, devient ainsi seigneur de Toren et de Mentet.

 

Xanxo : En 1359, ce riche bourgeois de Perpignan possède Mentet, avec ses quatre feux, et Toren, avec ses sept feux.

(Documents de A. Salas - Revue d'Histoire et d'Archéologie - 1901 - rapportés par Jean  Villanove - Histoire Populaire des Catalans - tome I - page 341)

                Il s’agit là d’une des seigneuries appartenant à des bourgeois (fochs de ciutadans) dans le classement qui apparaît dans le tableau général des seigneuries existantes dans l'évêché d'Elne en 1359, dressé pour le recensement général des feux de Catalogne décidé par les Corts de Cervera.

 

Seigneurs d’Oms :

Bérenger III : Seigneur d'Oms et de Taillet, il rachète successivement le patrimoine détenu par les héritiers de Bernard Guillem de Toren et de François de Perellos. Le 16 novembre 1378, c'est dona Sancha, veuve de Bernard Guillem de Toren, qui lui cède ses droits, suivie, le 25 du même mois, par dona Sibila, femme de Raymons de Perellos, pour ce qui concerne les siens.

            Au nom du roi d'Aragon, autorisation est donnée à Berenger d'Oms de prendre possession du château de Toren, du lieu de Mentet et du baillage de Pi, quoiqu'il n'en ait pas encore reçu l'investiture. (A.D.P.O. - 1 B 136 - Registre XVI de la Procuració Real)

                Cette confirmation arrive le 18 septembre 1381 avec la vente faite par l'infant Jean, gouverneur général des Etats d'Aragon. L'infant Jean, d'accord avec les commissaires chargés par le roi Pierre IV, son père, de vendre et aliéner divers domaines de la couronne afin de payer les intérêts des sommes empruntées pour "restaurer" le royaume de Sardaigne, vend en franc-alleu à Berenger d'Oms, chevalier, le mère et mixte empire avec toute juridiction, host et chevauchée, des châteaux et lieux de Toren et de Mentet, qui appartiennent déjà audit chevalier. (A.D.P.O. - 1 B 142 - 1 B 190 - 1 B 401 - Registre XLI de la Procuració Real)

            Berenger III d'Oms obtenait ainsi l'intégralité de la juridiction civile et militaire sur les lieux et châteaux de Thorent et Mantet qui lui appartenaient déjà, de Cauders et de Py, appartenant à l'abbé de Campredon, d'Huytesa, appartenant à Grimau d'Avellanet, de la Clusa, de Sahorra, de Fulha, de Creu et de Vilanova en Capcir, au prix de 1500 florins d'or d'Aragon. (Philippe Lazerme - Noblesa Catalana - tome II - pages 375 et suivantes).


Bérenger IV : Fils de Bérenger III , seigneur d'Oms, de Fuilla, de Sahorre, de Taillet, des Cluses, de Montesquieu, de Py et de Mantet, il épouse Jeanne de Santa-Pau, fille de Hugues de Santa-Pau et de Béatrix, le 6 novembre 1393.

Bérenger V : Fils de Bérenger IV, il succède à son père en 1424. Bérenger V représente l'apogée de la famille, il est le premier à obtenir les charges les plus importantes jamais confiées à un membre de la famille d'Oms. Héritier des seigneuries d'Oms, de Fuilla, de Sahorre, de Taillet, des Cluses, de Montesquieu, de Py et de Mantet, il obtient dès 1424 la charge de gouverneur du château de Collioure.

Placé à la cour du roi Alphonse IV, il devient vice-roi d'Aragon durant l'année 1425 lors des absences de Marie, reine d'Aragon, qui avait la charge du royaume pendant les conquêtes de son mari. De 1426 à 1456 il est gouverneur de Majorque. En 1426 il reçoit de la reine la châtellenie et le bailliage de Collioure. Ces descendants les conserveront jusqu'en 1688. A sa mort, en 1468, il était baron de Montesquiu, gouverneur de Cotlliure, vice-roi de Majorca, seigneur d'Oms, Tallet, Caudiers, Creu et Vilanova en Capcir, Les Cluses, Aytuà, Toren, Sahorra, Pi et Mentet. .

Guillaume d’Oms : Fils de Bérenger V, il fut seigneur des Cluses, baron de Montesquieu et de Santa-Pau, commandant du château de Collioure. En 1517, le roi d'Espagne Charles Quint le nomme vice-roi de Majorque.

Bérenger VI : Fils et successeur de Guillaume d'Oms, il fut vavasseur de Montescot, seigneur d'Oms, de Montesquieu, de Santa-Pau, de Sahorre, de Claira, de Saint-Laurent-de-la-Salanque, de Taillet et Alcayde de Collioure. Le 8 juillet 1512 il devient capitaine général des côtes du royaume de Grenade.

Bérenger VII : Fils et successeur de Bérenger VI, il a commandé une galère de combat pendant un demi-siècle. S'étant illustré aux côtés du roi d'Aragon, il obtient par la suite la charge d'Alcayde du château d'Elne, puis plus tard directeur de la fabrique de galères de Barcelone et enfin Général des galères de Catalogne.

Antoine d’Oms : Fils de Bérenger VI et frère cadet de Bérenger VII, il prends la succession de son père à la mort de son frère aîné, celui-ci n'ayant pas laissé d'héritier mâle. Héritier de tous les titres de son père, il était également châtelain de Collioure et du fort St Elme.

Antoine d’Oms : Fils et successeur d'Antoine. Il cède l'alcayde de Collioure à son neveu Henri de Sentmanat. Il épouse Jeanne d'Oms dont il n'aura pas d'enfants. Sa succession passe à son frère Bérenger VIII.

Bérenger VIII : Fils d'Antoine d'Oms, il succède à son père à la mort de son frère Antoine. Il épouse Marie-Anne de Sentmanat dont il aura deux enfants : Bérenger IX et Antoine. Bérenger VIII était Président du Conseil Royal de la Batlli générale de Catalogne.

Bérenger IX : Fils et successeur de Bérenger VIII, il épouse sa cousine Marie Magdeleine dont il aura une fille Thérèse, qui épousera son oncle Antoine. Sa succession est assurée par ce frère, Antoine :


Antoine d’Oms : Second fils de Bérenger VIII, il succède à son père à la mort de son frère, Bérenger IX, décédé sans héritier mâle. Il s’agit sans nul doute du seigneur don Antoine de Sammanat et de la Nussa qui signe le fameux acte d’inféodation des terres de Mentet aux douze "cammasats", en l’étude du sieur Queya-Anglès le 17 août 1613.

Il s'illustre dans les campagnes militaires du roi d'Aragon contre les français durant la guerre de 30 ans et obtient le titre de maître-de-champ lors de la campagne de Salses. En raison de cet engagement du côté du roi d'Aragon, ses terres sont saisies en 1652, au moment des insurrections.

Raymond d’Oms et de Santa Pau : Fils d’Antoine, il sera un valeureux combattant. Il prendra une part active à la défense de Puigcerda. Sa fidèlité à Phillippe IV lui vaudra la confiscation de ses biens, dont les forges de Mentet, par le roi de France, dés 1673..

Le 20 août 1682, une sentence sera rendue dans le procès que les officiers du roi ont intenté à son aïeul Bérenger IV: Raymond perdit la baronnie de Montesquieu et dû vendre ses seigneuries de Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Sahorre, Collioure, Fuilla, Py, Mantet, Thorent et Ralleu.                          (A.D.P.O. – 1 C 325 et 1 C 326)

Dépossédé de ses biens, il reçut en compensation une pension mensuelle de 150 écus, puis mourut sans postérité, clôturant ainsi la longue liste des membres de la famille d’Oms ayant exercé leurs droits seigneuriaux sur Mentet depuis la fin du Royaume de Majorque.

Seigneurs de Corbère :

Joseph de Vilanova-Caramany i Almar : Les biens confisqués à Don Ramon d’Oms sont attribués par le Roi à Joseph de Vilanova-Caramany i Almar, maréchal de camp, colonel du royal Roussillon cavalerie, seigneur de Corbère en 1668, mort en 1672. Il a épousé en 1649 Thérésa Junyent i de Marimon, décédée en 1706.(A.D.P.O. – 1 C 1711 – 1 C 1800)

Clément Dubois de Boisambert : Ce lieutenant-général du roi en Roussillon a reçu, pour sa part, sur les biens confisqués à Don Ramon d’Oms, Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, les fours royaux de Collioure, Ralleu, Sahorre, Fuilla, Pi et les montagnes de Rojà et de Caret.  (A.D.P.O. 1 C 153 – 1 C 1702 – 1 C 1711 – 1 C 2002) puis il a épousé, en 1688, Thérésa de Vilanova-Caramany i de Juynent, fille des précédents, dame de Corbère. Il meurt en 1699.

Xavier-Clément Dubois de Boisambert i de Vilanova-Caramany : (1681-1739), fils des précédents, seigneur de Corbère, lieutenant-général du roi en Roussillon, épousa en 1718 Maria-Thérésa de Cagarriga i de Reart (1694-1772)

Louis Dubois de Boisambert i de Cagarriga : (1724-1779), fils des précédents, seigneur de Corbère, conseil au conseil souverain du Roussillon, mourut sans alliance, laissant tout ses biens et ses fiefs au fils de sa soeur, Maria-Thérésa Dubois de Boisambert i de Cagarriga, née en 1719 et marié en 1749 à Francesch de Vilar i Coll (1716-1798), procureur général au conseil souverain du Roussillon.

Joseph de Vilar i Dubois de Boisambert : (1759-1789), neveu du précédent, seigneur de Corbère à la mort de celui-ci en 1779, conseiller au conseil souverrain du Roussillon, épousa en 1785 Josepha d'Oms i d'Armangau (1761-1787)


 

Sylvestre du Bruelh : Ce seigneur de Ferrières était, en 1662, lieutenant pour le Roi à la citadelle de Perpignan, puis gouverneur du château des Bains (d’Arles) en 1675 et ensuite gouverneur du fort de Bellegarde en 1681. En 1684, il devient baron de Montesquieu et seigneur de Mentet et de Toren lors du partage des dépouilles de Don Ramon d’Oms avec Clément Dubois de Boisambert (A.D.P.O. – 1 C 1800 – 1 C 1888 – 1 C 1960)

Barons Satgé de Toren :

Jean-Jacques Satgé : Lors de sa prise de possession de Railleu, le 20 mai 1687, Monsieur de Boisambert était accompagné de Jean Satgé. Natif de Molitg, Jean Satgé devait déjà être un riche pagès, soucieux de faire prospérer son patrimoine. Il avait affermé les octrois de Corbère, terre d'où Monsieur de Boisambert, bien qu'il n'en soit pas seigneur titulaire, tirait d'importants revenus, tels la censive sur le ruisseau. Jean Satgé a pour fils Jean-Jacques Satgé. C'est lui qui va fonder la nouvelle dynastie des barons Satgé de Toren, seigneurs d'Huyteza et de Mentet jusqu'à la Révolution.

Enrichi dans le négoce à Prades et à Perpignan, il afferme les octrois de Prades puis, en 1732, coup de maître, les très importants revenus du Prieuré de Corneilla. (A.D.P.O. – 1 C 1976). Sa fortune est telle qu'il peut désormais réaliser son rêve, accéder à la noblesse. Bourgeois noble de la ville de Prades, il devient seigneur d'Huyteza, en 1733, puis de Toren et de Mentet, avant le milieu du siècle.

Jean-Cyr Satgé : Après la mort de leur père Jean-Jacques, Dominique devient seigneur haut-justicier d'Huyteza, en 1768, tandis que Jean-Cyr devient baron de Toren, seigneur haut-justicier de Mentet.

            Marié à Louise de Bordes, il signe "Satgé de Toren" et gère la seigneurie de Pi, par procuration de l'abbé de Camprodon, qui en est toujours le seigneur titulaire. Mais il ne gère pas directement et totalement sa terre de Mentet, puisque c'est le syndic du chapitre de l'abbaye de Saint-Martin-du-Canigou qui y représente le seigneur. A la Révolution, biens confisqués, tête mise à prix par le tribunal révolutionnaire, il réussit à s'échapper vers l'Espagne en 1793. Revenu en France, il y meurt, cinq ans plus tard, en l'an VI.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sources :

http://histoireduroussillon.free.fr/index.php

http://home.tele2.fr/jeanrigoli/Mantet/Histoiredemantet.htm

 


 


BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

 

 

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- RIGOLI Jean - Toponymie de Mentet - Mentet - 1995 - 134 pages

 

- SAGNES Jean (direction) avec participation diverse - Nouvelle Histoire du Roussillon - Collection Histoire - Editorial El Trabucaire - Perpignan - 1999 - 383 pages.

 

- THUILLIER Guy et TULARD Jean - Histoire locale et régionale - " Que sais-je " - N°2689- - Presses Universitaires de France - Paris - 1992 - 124 pages.

 

- VILLANOVE Jean - Histoire populaire des catalans - Imprimerie SOFREIX - Perpignan - Tome I - 3° édition - 1980 - 348 pages; Tome II - 1979 - 330 pages; Tome III - 1981 - 478 pages.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES

 

 

 

- GRAN ENCICLOPEDIA CATALANA - Enciclopèdia catalana S.A. - Barcelona - 1976 - 1988 : 2° edició.

 

- GRAN GEOGRAFIA COMARCAL DE CATALUNYA  - Enciclopèdia catalana S.A. - Barcelona - 1985.

 

- CATALUNYA ROMANICA - Enciclopèdia catalana S.A. - Barcelona - 1992.

 

- DICCIONARI DE LA LLENGUA CATALANA - Enciclopèdia catalana S.A. - Barcelona - 1983.

 

- DICCIONARI ETIMOLÒGIC I COMPLEMENTARI DE LA LLENGUA CATALANA - Joan COROMINES -  Barcelona - 1980.

 

- DAUZAT Albert, DUBOIS Jean et MITTERAND Henri - Dictionnaire étymologique et historique du français - Larousse - Nouvelle édition - Mai 1993 - 822 pages.

 

- WALTER Gérard et WALTER Henriette - Dictionnaire des mots d'origine étrangère - Larousse - Octobre 1991 - 413 pages.

 

- QUILLET Aristide - Dictionnaire encyclopédique QUILLET en six volumes - Librairie Aristide QUILLET - Paris - 1962 - 6291 pages.

 


 

CARTOGRAPHIE

 

 

- CADASTRE - Plan cadastral parcellaire de la Commune de Mantet - Canton d' Olette - Arrondissement de Prades - Département des Pyrénées-Orientales - Terminé sur le terrain le 19 juillet 1824 :

            - Section A du Village, en deux feuilles :

                        1ère feuille A1 du N° 1 au N° 310

                        2ème feuille A2 du N° 311 au N° 326

            - Section B de Lalemany, en deux feuilles :

                        1ère feuille B1 du N° 1 au N° 9

                        2ème feuille B2 du N° 10 au N° 151

Mises à jour : 1973 - 1983.

 

- INSTITUT GEOGRAPHIQUE NATIONAL

       Carte " Bourg-Madame - Mont-Louis - Col de la Perche "

225O ET - TOP 25 - Echelle 1:25000 - I.G.N. Paris - 1991.

       Carte " Massif du Canigou " 2349 ET - TOP 25 - Echelle 1:25000 - I.G.N. Paris- 1991.

       Carte " Prats de Mollo - La Preste N° 1-2 " - Echelle 1:25000

- I.G.N. Paris - 1963.

       Carte " Prats de Mollo - La Preste N° 3-4 " - Echelle 1:25000

- I.G.N. Paris - 1963.

       Carte " Prats de Mollo " - Feuille XXIII - 50 - Série M 761

- Echelle 1:50000 - I.G.N. Paris - 1954

       Carte " Prades " - Feuille XXIII - 49 - Type M - Echelle 1:50000 dressée d'après la carte au 1:80000 - révision de 1936- mise à jour partielle de 1953 - I.G.N. Paris - 1953.

 

- INSTITUT CATALÀ DE RECERCA EN CIÈNCES SOCIALS

ICRECS - Universitat de Perpinyà

Referència  :  Fitxer 2250 MON 3

 

 

SOURCES ECRITES

 

- ACTES NOTARIES

       M° André GAY, Notaire à Oleta :

N° 222 -  9 juin 1854 - Acte constitutif de la Société des co-propriétaires des bois, montagnes et pacages de Mantet.

             14 mars 1877 - Société des co-propriétaires de Mantet - Modification des Statuts.

 

 

EMISSIONS TELEVISEES

 

- 12 octobre 1993 - 22 H 40 - France 2 - "Bas les Masques" de Mireille DUMAS - "J'habite au bout du monde"

 

- 16 septembre 1995 - 15 H 05 - France 3 - "Couleur Pays" - Magazine "Evasion" de Michel HUET - "Balades en pays de Conflent"

 


 

 

TABLE DES MATIERES

 

 

 

 

 

 

 

- Epigraphe - Dédicace                                                                            Page        2

 

 

- Avertissement                                                                                       Page        4

 

 

- Préface                                                                                                   Page        5

 

 

- Présentation                                                                                          Page        6

 

 

- Introduction                                                                                           Page        8

 

 

- Le Moyen Age                                                                                      Page        20

 

 

- L'Ancien Régime                                                                                  Page        31

 

 

- L'Epoque contemporaine                                                                      Page        40

 

 

- Annexes                                                                                                 Page        49

 

 

- Bibliographie et sources                                                                       Page        59

 

 

- Table des matières                                                                                Page        64

 

 

 


 

 

 


 



[1] Toponymie de Mentet - A2.08.1

[2] Toponymie de Mentet - B2.01.1

[3] Toponymie de Mentet - A1.15.1

[4] Limites historiques et répertoire toponymique...page 151.

[5] En raison de sa faible profondeur, cette cavité est un foculus pour sacrifices plutôt qu'un loculus pour reliques.

[6] Toponymie de Mentet - B1.02.1 - La Dona

[9] Abbé Albert Cazes - La Vallée du Rojà - page 60.

[17]                - id°-                - document 3 B 375

[29] L'indivision des terres de Mentet - Revue Conflent  N° 184 - pages 17 à 30

[30] A.D.P.O. - 1 C 1960

[31]  - M° Lavall, Notaire à Prada - 16 juillet 1817 - Acte de subrogation de droits.

    - M° Vincent Paris, Notaire à Prada - 11 juillet 1834 - Acte réglant le mode de jouissance des bois et pacages.

    - M° André Gay, Notaire à Oleta - N° 222 - 9 juin 1854 - Acte constitutif de la Société des co-propriétaires des bois, montagnes et pacages

                                                                                        de Mantet.

                                                               - 14 mars 1877 - Société des co-propriétaires de Mantet - Modification des Statuts.

[34] René Alquier - Monographie de Sahorre - page 43

[35] A.D.P.O. - 1 C 1711 - 1 C 1800

[36] A.D.P.O. - 1 C 1800 - 1 C 1888 - 1 C 1960

[37] A.D.P.O. - 1 C 153 - 1 C 1702 - 1 C 1711 - 1 C 2002

[38] A.D.P.O. - 1 C 1395

[39] A.D.P.O. - 1 C 325

[40] A.D.P.O. - 1 C 1960

[41] A.D.P.O. - 1 C 274 - cité par l'abbé Albert Cazes in La Vallée du Rojà  (Guide touristique Conflent)

[42] A.D.P.O. - 1 C 43 - 1 C 136 - 1 C 324 - 1 C 403 - 1 C 1403 - 1 C 1664

[43] A.D.P.O. - 1 C 1671 - 1 C 1702 - 1 C 1721

[45] A.D.P.O. - 1 C 1976

[46] A.D.P.O. - 1 C 1974

[47] A.D.P.O. - 1 C 967

[48] A.D.P.O. - 1 C 1976

[49] A.D.P.O. - 1 C 2002

[50] A.D.P.O. - 1 C 2013

[51] A.D.P.O. - 1 C 1067 - 1 C 1077 - 1 C 1078

[52] A.D.P.O - 1 C 1960 - cité par l'abbé Albert Cazes in La Vallée du Rojà  (Guide touristique Conflent)

[53] A.D.P.O. - 1 C 1960