HISTOIRE DE MENTET
Chronique d'un village de Conflent
Mentet ...fa anys i panys
A Mantet, la mort même
mourait.
Armand Lanoux
Le Berger des abeilles
à Louis,
à Nadège et à Marc,
à Mathieu, à Paul et à Jean,
à tous les enfants du renouveau de Mentet,
en héritage de leur passé.
Juin 2007
- Reproduction interdite -
revue et mise à jour, juin 2007
AVERTISSEMENT
En
1977, j'avais confié aux presses de l'Imprimerie de Cerdagne, à Font-Romeu, le
soin de publier une petite plaquette intitulée "Mantet" et qualifiée d'"essai historique sommaire". C'est cette première
édition, revue, corrigée et augmentée, selon la formule consacrée, qui est à la
base du travail d'amateur présenté aujourd'hui, à la faveur du temps retrouvé
de la retraite.
Cette
étude a bénéficié, en large part, des recherches entreprises pour la rédaction
de la récente "Toponymie de Mentet"
dont elle constitue la suite logique. Néanmoins, il reste encore beaucoup à
découvrir dans l'avenir pour tenter de combler les lacunes d'une chronologie
toujours incomplète et qui laisse le chercheur toujours insatisfait.
Les spécialistes voudront bien pardonner l'aspect trop
prétentieux d'une introduction prolixe se rapportant aux temps d'avant
l'histoire. Mon excuse est d'avoir voulu situer le récit historique dans la
perspective la plus large possible pour essayer de rendre accessible au plus
grand nombre les origines et, parfois, les raisons de l'évolution des
événements.
Bien entendu, il ne s'agit point ici d'une étude savante à
vocation universitaire, mais de la modeste contribution d'un amoureux d'une
terre d'oubli désireux de sauvegarder les trop rares traces de sa vie passée.
Que le lecteur veuille bien fermer les yeux devant les
imperfections de l'ouvrage et éprouve quelque plaisir à emprunter avec nous,
pendant quelques instants, cette machine brinqueballante à remonter le temps
... et les hautes vallées du Ressec et de l'Alemany.
PREFACE
On parle beaucoup d'environnement aujourd'hui. Certes, nous sommes
faits pour la contemplation et nous avons besoin du spectacle de la nature aux
multiples beautés géographiques, climatiques, végétales et autres.
Mais la contemplation des connaissances historiques
ou scientifiques dues aux recherches de notre intelligence s'impose aussi à
tout homme normal. Si nous sommes conditionnés par tout ce qui nous entoure
maintenant, nous le sommes déjà par les événements et les circonstances qui
nous ont précédés et que nous désirons savoir ; le présent est la suite du
passé. Etablir sa généalogie, n'est-ce pas une occupation de plus en plus
courante ? Il n'y a jamais eu de nigaud pour croire à la génération spontanée.
Et notre village, d'où vient-il ? Son nom, son
emplacement, sa population, ses caractéristiques, son rôle autrefois,
qu'ont-ils été et que sont-ils ? Il y a eu des événements, des aventures, des
accidents, des incidents, des personnages éminents, d'autres disgracieux, des
constructions qui subsistent encore même ruinées, des œuvres d'art…
Tout
village mérite qu'on décrive son histoire. C'est l'avantage dont Mentet jouit maintenant, grâce à la bienheureuse curiosité de Jean Rigoli. Aidé par de vastes connaissances de toutes sortes, notre mentetaire d'immigration nous présente
son village dans tout son environnement depuis la création jusqu'aujourd'hui.
Il nous donne presque envie d'aller y habiter.
Si les philosophes ont su résumer la sagesse dans
cette maxime : "Connais-toi
toi-même" ! nous pouvons et devons exiger de chacun de nos villages
qu'il dise : "Voilà qui je suis, je
me connais moi-même" !
Cet ouvrage sur Mentet nous permet aussi de connaître
Abbé Albert CAZES
Villefranche-de-Conflent - 11 décembre 2002
PRESENTATION
Isolé
dans son cadre montagneux du Haut Conflent, entre les massifs du Costabonne, du
Géant et du Canigou, abrité du monde extérieur par des cols de 1760 et
Au
sud, la Portella de Mentet (
A
l'ouest, entre le pic de Serra Gallinera (
A
l'est, la séparation avec le territoire de Pi s'effectue par Pomerola (
Au
nord, la rivière de Mentet s'engouffre dans le défilé qui la conduit vers les
gorges de Nyer par delà Pocaroba (
Les vallées de Caret, de l'Alemany et du Ressec
convergent en éventail vers le pied du col de Mentet où s'est établi le petit
village aux maisons frustes et rustaudes.
En
amont, les grands plateaux d'altitude (Pla de Campmagre, Pla de Coma Armada,
Pla Segala) et les anciens cirques glaciaires (Coma de la Portella, Coma de la
Dona, Coma de Bassibès) constituent le vaste domaine des troupeaux à l'estive.
A
la fin du printemps, le sang des rhododendrons répond, côté bac, à l'or des genêts, côté solà. Blottis à l'ombre de la forêt de
pin, les plants de myrtille tapissent le sous-bois tandis que les framboisiers
escaladent hardiment le chaos des éboulis. Dans les hautes herbes, au bord des
ruisseaux, pousse le coscoll qui frise les salades rustiques et, dans les
prairies, les larges feuilles des gentianes ne parviennent pas à masquer les
grelots bleu-nuit des aconits. Çà et là, au dévers d'un rocher, éclate le
soleil d'une grande carline. Au bord du chemin, les petits oeillets piquettent
la verdure de leur blanc-rose délicat.
Mais
l'homme a cessé de participer à l'élan vital de cette nature.
Maintenant,
au-dessus des torrents, accrochées au flanc de la montagne, les feixes où se cultivaient seigle et
pommes de terre sont abandonnées. Nulle main ne relève plus leurs murettes
écroulées. Le mât des pallers ne se
dresse plus au milieu des prés où l'herbe ne se couche plus sous la morsure de
Les
cortals des alpages sont tombés en ruines. Le défaut d'entretien a donné un
caractère âpre et sauvage à ces pentes où les randonneurs sont presque les
seuls à suivre les sentiers d'antan.
Avec
l'arrivée de la route, un repeuplement néo-rural a pu cependant se réaliser au
village. Un jour, peut-être, le tourisme réussira-t-il à prendre le relais
d'une économie jusque-là essentiellement pastorale.
MENTET,
"dernier village de France",
est désormais doté des équipements essentiels en matière de voirie, eau,
égouts, électricité...télévision. Ainsi pourrait mourir la légende
qu'entretenaient jadis les gens de
C'est
à la recherche des ancêtres de ces temps-là que nous vous convions.
INTRODUCTION
C'était
il y a plus d'un million d'années. A l'occident, majestueux, trônait le
Canigou, tranchant l'azur profond du ciel de la blancheur étincelante de ses
neiges éternelles.
Au
pied de la falaise d'argile bleue qu'elle avait profondément entaillée, la
rivière grondait. Dans ses flots boueux roulaient les innombrables débris
arrachés, là-haut, aux contreforts de
Au
delà, sautant par dessus les flaques de ses étangs, la steppe fuyait vers
l'Albère proche, frémissant au vent froid et sec soufflant en bourrasques
violentes venues du nord des Corbières. Çà et là, en troupeaux épars,
pâturaient aurochs, bisons et chevaux.
Un
vieux mâle, inquiet, cessa la quête lente de sa nourriture et leva son mufle
puissant. A travers la poussière courant au ras du sol, l'ancêtre de la
tramontane apportait à son naseau humide des effluves étrangères. Bientôt, la
bête put déceler, au bord de la rivière, l'origine de cette odeur inconnue.
Précédant
à courte distance un petit groupe de congénères, un étrange bipède tressautait
sur les galets de la rive.
Ainsi
apparût, à l'aube des temps, le premier homme sur cette terre de Roussillon.
Bien plus tard, on l'affublerait du curieux
nom d' Homo erectus :
"l'homme qui se tient debout". Il succédait, dans l'évolution de
l'espèce, à son aïeul, l' Homo habilis, qu'il
avait laissé dans son Afrique natale, il y avait 500.000 ans de ça, pour venir
peupler l'Asie et l'Europe, au cours d'une longue errance ralentie par les
rigueurs climatiques des débuts de la période de glaciation du Günz.
Il
nous faudra faire un bond de plus de 700.000 ans après cette première apparition
pour faire la connaissance de son descendant de la Cauna de l'Aragó, l' Homme de Tautavel.
Quittant
les berges de nos rivières et sa fragile hutte de branchages pour le confort
relatif et la plus grande sécurité des grottes et cavernes, ce chasseur du
Paléolithique ancien s'établit dans ce vaste abri naturel creusé dans le
calcaire des Corbières. Ignorant encore le feu, parlant une langue
rudimentaire, il vivait en petits groupes capables de s'organiser pour la
chasse en battues où, à l'aide d'épieux de bois et de pièges primitifs, il
traquait daims, cerfs, rennes, aurochs, bisons, boeufs musqués, chevaux,
panthères, lions, ours, rhinocéros et même éléphants antiques. Ce gros gibier ne
lui faisait pas mépriser, pour autant, la petite faune, tout aussi abondante,
des chats et chèvres sauvages, renards, loups, mouflons, chamois, lièvres,
lapins et autres petits rongeurs, sans oublier toutes les espèces d'oiseaux :
pigeons, perdrix, grives, canards, gypaètes et aigles royaux.
Notre
amateur de chair crue d'il y a 350.000 ans ne manquait donc pas de quoi
satisfaire son appétit de robuste sportif, aiguisé par les longues courses à
travers les herbes de la plaine.
Une
nette amélioration allait être bientôt apportée à son alimentation, à son
confort et à sa sécurité par la découverte du feu domestique permettant la
cuisson de ses aliments, le chauffage de son logis et l'éloignement des fauves
prédateurs.
Ce
mode de vie ne va guère changer lorsque l'Homme de Neandertal va succéder à
l'Homme de Tautavel. Cent mille ans avant notre ère, en effet, le dernier Homo erectus cède la place au premier Homo sapiens.
Le
climat reste très froid. Mammouths et rhinocéros laineux recherchent leur
pâture dans la steppe qui recouvre la plaine tandis que nos chasseurs
néandertaliens se déplacent en petits groupes nomades. Ils parviennent en
Conflent où leur présence est attestée à la Cova
del Mig de Corneilla, il y a plus de 50.000 ans.
Au
cours des grands froids de la glaciation du Würm, cet abri
servait de simple halte de chasse saisonnière à nos ancêtres venus traquer en
ces parages bouquetin, cerf, cheval, ours et boeuf sauvage ainsi que le plus
modeste lapin, comme nous le révèlent les restes retrouvés dans de petits
foyers aménagés.
Un
radoucissement relatif du climat de ces temps glaciaires permet à l'homme de
s'aventurer jusqu'au pied même du Canigou. On retrouve sa présence, il y a
16.000 ans environ, dans la grotte d'Embulla,
toujours à Corneilla-de-Conflent. Il s'agit maintenant de l'Homme de
Cro-Magnon, parvenu là, à la limite des neiges éternelles, à
Le
climat continue de s'améliorer avec la fin des grandes glaciations. Mais il
faudra attendre la fin de la dernière période glaciaire, le Würm IV, il
y a environ dix mille ans, pour que ce réchauffement climatique permette à
l’homme d’accéder aux vallées enfin découvertes de leurs anciens glaciers. Il
va profiter de cette période tempérée, plus humide, qui a favorisé le
développement de la forêt, pour aller y chasser le bouquetin, le cerf, le
cheval et le renne.
Nous ne saurons probablement jamais qui fut le premier
être humain à franchir le Col de Mentet.
Un
chasseur de la fin du paléolithique, lancé à la poursuite de quelque bouquetin
venu se réfugier aux confins des derniers glaciers du pléistocène ?
Ou
un berger du chalcolithique suivant sagement un troupeau de premiers
transhumants attirés par la promesse de nouveaux pâturages ?
Car les premiers chasseurs
vont être suivis, à l’époque du bronze ancien (1800-1500
av. J.C.), par les premiers bergers, les pasteurs transhumants, que
certains appellent aussi pasteurs nomades et d’autres pasteurs
guerriers. Loin de s’établir de manière durable sur ce territoire, ceux-ci
pratiquaient, avec leurs troupeaux de brebis et de chèvres, une transhumance
hivernale rendue nécessaire par les rigueurs du climat de ces temps et qui les
faisait descendre vers des terres plus clémentes à l’issue de la belle saison.
Ce n’est que plus tard, au bronze moyen
(1500-1200 av. J.C.), qu’ils troquent leurs abris temporaires d’été contre des
habitats sédentaires et qu’ils se fixent de manière plus définitive sur cette
haute terre. Ils vont y pratiquer l’élevage mais aussi cultiver les premiers
champs de blé, de seigle et d’avoine. Ils parlent une langue bien articulée,
commune à toute la culture pyrénéenne, langage primitif que les
spécialistes baptiseront plus tard "proto-basque"
ou "basque archaïque".
Cette langue antique, loin de se cantonner dans les seules Pyrénées, est,
alors, la langue la plus usitée au sud de notre continent. On en a même
retrouvé des traces jusqu'au nord de l'Ecosse. Avec le finnois, parlé dans tous
les pays du nord, ils constituent les deux plus vieux langages connus en
Europe. Ce sont, toutes deux, des langues agglutinantes,
c'est-à-dire constituées de bases
composées d'une ou deux syllabes pouvant se juxtaposer pour former un mot
nouveau, d'où leur très grande richesse d'expression.
C’est donc dans ce basque antique que
nos aborigènes s’expriment pour les échanges de la vie quotidienne. Mais ils
ont également une vie spirituelle et une religion païenne qui les portent au
culte des idoles, essentiellement issues de la nature : la montagne, la
rivière, la source, l’arbre - le pin notamment -, l’éclair, la foudre, le
tonnerre, l’inondation, etc. Ils enterrent leurs morts sous des dolmens,
maintenant disparus mais dont des toponymes fossiles tels que le Puig de la Llosa (
C’est bien estompé par les
brumes de la préhistoire que nous apparaît ce premier établissement sédentaire
sur notre sol.
Quelques
indices matériels ou toponymiques, que seule la science archéologique
permettrait de hisser au rang de vestiges si elle avait le bonheur de s'y
intéresser, tendent à révéler un peuplement antique de cette région du Callau. Le terme même de "Callau" [1], en toponymie catalane, est en relation avec
des ruines provenant d'anciens édifices ou d'anciens villages fortifiés dont le
souvenir a parfois subsisté jusqu'à nous, comme dans les formes Callús ou Catllús, par exemple.
La
photographie aérienne fait apparaître, d'autre part, d'étranges structures
circulaires en pierres, en alignement nord-sud, sur la rive gauche du ruisseau
du Callau, en amont et en aval de la Jassa del Callau. S'agit-il de
ces harrespils
(petits cromlechs) qui abondent sur les sommets pyrénéens ?
Site habité, ensemble
funéraire, sanctuaire ou lieu de culte ?
Qui nous dira la
signification, profane ou sacrée, d'un tel agencement ?
Cette présence humaine à l'époque préhistorique pourrait être confirmée par la découverte de matériel lithique, mais il n'a pas été possible, jusqu'à présent, de retrouver trace des haches et des pointes de flèche qui ont été signalées et qui auraient fait l'objet de trouvailles sur cette aire géographique.
Ce terme de Callau pourrait donc
indiquer les ruines de l’ancien village fortifié, à environ
Cette
antique culture va ensuite subir l’influence des premiers indo-européens, pré-celtes arrivés vers 1000 ou 900 avant
Jésus-Christ en provenance de l’Europe centro-orientale.
Il s’agit du "peuple
des champs d’urnes", "Urnenfelder" en allemand, pratiquant l’incinération puis le dépôt des cendres dans
des urnes, enterrées ensuite dans des cimetières. Mais, mises à part ces
nécropoles, on dépose aussi ces urnes soit dans des cavernes, soit dans les
monuments mégalithiques construits durant les époques précédentes et ainsi
réutilisés en perpétuant la tradition antérieure d’inhumation tumulaire. Ainsi
utilise-t-on les mêmes endroits comme cimetières depuis le Néolithique, en
confirmant le caractère sacré de ces coutumes funéraires persistantes.
Cette
culture des champs d’urnes va imprégner la culture basque précédente durant le Bronze final et le Premier
Age du Fer ("Hallstatt") de 1000 à 500 avant Jésus-Christ
environ.
Elle va à son tour subir l’influence de la première vague
des véritables celtes venus d’Allemagne méridionale et dont les
multiples tribus vont se propager vers le sud durant les deux âges du
fer : "Hallstatt"
et "La Tène",
jusqu’à l’arrivée des Romains.
Pendant
ce temps, de l'autre côté de la Méditerranée, un peuple de légende s'est mis en
marche. Composé de Chamites et de Sémites, il s'installe successivement en
Egypte, en Lybie, au Sahara et dans le Maghreb. Aux environs de 1500 avant
Jésus-Christ, Chamites et Sémites se séparent. Les Sémites rejoignent le
Moyen-Orient tandis que les Chamites se fixent en Afrique du Nord. Ces Chamites
comprennent eux-mêmes deux peuples, les Berbères et les Ibères, qui vont, à leur
tour, se séparer, les Ibères franchissant le détroit de Gibraltar pour
progresser à travers l'Espagne et bien au-delà des Pyrénées. Leur civilisation
va s’étendre, dés le VI° siècle avant Jésus-Christ, à la quasi-totalité de la
péninsule ibérique.
Confrontés
à l'invasion de la seconde vague celte dont une des plus importantes tribus,
les Volques, les
refoule jusqu'aux Corbières au III° siècle avant Jésus-Christ, les Ibères
s'établissent derrière ce rempart défensif dont ils feront une frontière. Ils
construisent les oppida puissamment
fortifiés d'Illiberis à Elne et de Kere à Llívia. Entre ces deux cités, de
l'Albera à la Cerdanya, ils se trouvent en contact, dans le haut pays, avec les
tribus héritières des précédentes civilisations pyrénéennes.
Les
Ibères appelleront ces populations les Kerretes [2] : les habitants
des montagnes, du radical -Kar -Ker,
signifiant rocher, montagne, suivi du suffixe ethnique -ete, dans cette langue non indo-européenne, non encore déchiffrée
à l’heure actuelle.
Au
contact de la civilisation nouvelle, les autochtones vont enrichir leur
vocabulaire des mots ibères les plus employés dans les échanges du commerce, de
la politique et de
Pour caractériser cette
langue issue du basque et ayant subi les influences ibériques , le Docteur Coromines (Estudis de Toponímia Catalana - page 98) propose de parler d’ibéro-basque.
Constatant
de son côté que le basque primitif a évolué à la faveur d’apports ligures,
sorothaptiques, celtiques et ibériques, Manuel Anglada i Ferran (Arrels d’Andorra - Prehistòria d’Andorra a través dels noms de lloc
- pages 72 et 74) propose d’utiliser le terme de bascoïde.
C'est celui-ci que nous adopterons puisque c’est dans ces
racines qu'il nous faut retrouver, bien souvent, l'origine de nos plus anciens
noms de lieu, après les avoir débarrassés des altérations dues aux rhabillages
successifs par les langues de
Le
nom de Mentet [3] appartient à une série de toponymes
dérivés de "ment", terme archaïque associé aux cols et passages
pyrénéens, comme le sont aussi d'autres dénominations telles "ancise", "ansa", "jou"...
On retrouve ce terme dans :
- le Ras de la Menta, à Sureda, dans les Albères, sommet dénudé,
ras, secteur de pâturage entre le Coll de
l'Estaca et le Coll de les Mosqueres,
voies de passage entre l'Albera et l'Alt Empordá, sur la chaîne frontalière
- le Coll et le Serrat de la Menta, à Pi, sur le sentier du Coll de
Mentet au Puig de Tres Astelles,
au voisinage immédiat de Mentet
- le Coll de Manter, en Garrotxa, au sud-ouest d'Olot, sur la crête et à proximité de Puigsacalm
- le Coll
de Mantell (diminutif, avec suffixe -ellum), sur la crête frontière
entre Las Illas et La Junquera, ancien passage fréquenté à peu de distance du Perthus
- la Costa et le Puig de Mantinell (diminutif, avec double
suffixe -inu -ellum), dans la haute vallée du Freser, sur la voie d'accès de Camprodon, Vilallonga de Ter et Setcases à Núria par le Coll de Tres
Pics
- le Bac et le Rec de Puig Menti, en Cerdanya, entre Santa Llocaia
et Nahujà
- Montmantell et Mentirosa, secteurs de
montagne, en Andorra, faisant
communiquer, le premier, la haute vallée d'Arinsal
avec le Vic de Sos ariégeois par le Port d'Arinsal, le second, Sant Julià de Lòria et la Cerdanya, par Bescaran
- le Tossal de les Mentides,
en Alta Ribagorça, près du Port de Erta, entre les vallées de Boí et de Bellera
- le ruisseau et les
prairies de la Menthe, en Ariège, à
l'abord immédiat du col de Port
- le Col du Mente, en Haute-Garonne,
entre Bagnères-de-Luchon et le col du Portillon
- le Col de Menté, en Haute-Garonne, à hauteur de Le Mourtis,
entre Saint Béat et le col de Portet d'Aspet.
Pour Jean MANTOVANI, chercheur amoureux des "Monts et Mots" des Pyrénées, il semble ainsi bien établi
:
« ...1°) que derrière le radical "ment-",
"mant-"
se cache un ancien nom commun, celui-ci d'origine très probablement non latine
(rien à voir notamment avec "menta" : menthe). Il s'est fixé dans la
toponymie, dans une vaste région qui s'étend, pour le moins, de l'Aragon
oriental et des pyrénées garonnaises jusqu'à la mer, avec une particulière
concentration en Catalogne.
2°) que ce terme, au vu de ses formes de suffixation,
était encore en usage bien après la colonisation romaine. Ce que semblent
démontrer les dérivés "Manter", "Mantell",
"Mantet"...parallèles à "Portere", "Portell",
"Portet"...
3°) que son usage était très probablement lié aux voies
de communication, et, plus précisément, aux voies traversantes. La concordance
ou la proximité entre les noms relevés et certains cols de grande fréquentation
semble même parfois faire de "ment-" un vieux synonyme de
"port"... ».
Le Docteur Paul LEMOINE est des
rares à s'être penché sur l'origine du nom
de Mantet (dans sa "Toponymie du Languedoc et de la Gascogne" - Picard - Paris - 1975). Il
le classe parmi les noms d'étymologie celtique, hypothèse qui semblait, jusqu’à ce jour, la plus
crédible. Jean MANTOVANI, le cite : « MANTALO,
chemin, peut être péage, paraît représenté dans MANTET, Pyrénées Orientales, qui est effectivement placé sur un
antique chemin du Conflent vers l'Espagne... ».
Le Docteur
Paul LEMOINE s’était auparavant intéressé au "cas" de Mant.
Il y avait fait référence une première fois dans sa "Toponymie du Pays Basque français et des Pays de
l’Adour" (Picard - Paris - 1971) à propos de Mant, petit
village de Chalosse, dans les Landes. Dans la partie qu’il consacrait aux
"noms gaulois", il mentionnait : "Mantello,
chemin. Ce mot, souligné par Déchelette, mais rarement employé, paraît
expliquer MANT, canton de Hagetmau (de Menta, 1289, Rôles Gascons tome
II, page 509, recueil des textes médiévaux publiés par Charles Brémont en
1885-1905- Imprimerie Nationale ) " Le site du Moulin de Mant est
exceptionnel, on y jouit d’une vue très étendue sur le Tursan et la Chalosse ;
l’antique chemin de Saint-Sever à Bénéharnum (aujourd’hui Lescar) est
parfaitement visible sur cette crête ".
Au sujet de "Mantalo" Jean MANTOVANI poursuit : « Il fait là
référence à un terme que les écritures des premiers siècles de l'empire romain attestent elles mêmes comme propre à l'onomastique
"gauloise". Ce mot apparaît alors déjà en tant que
nom propre associé à des fondations pré ou proto-romaines, comme Petromantalum (composé latino-gaulois dont le village de
Pierremande dans l'Aisne, comme le Pierre Menta savoyard, conserve une
traduction moderne), Mantalomagos (composé
purement gaulois avec "magos" : marché, lieu d'échange, souvent aux
confins du "pagus"). Le nom est resté dans Manthelan (lndre et
Loire), Manthelon (Eure, Loiret), etc. Le même
"mantalo", ou "mantula", fortement accentué sur la première
syllabe lorsqu'il n'apparaît pas en composition,
semble être à l'origine du nom des villages de Manthes dans
la Drôme (Mantula en 1408), de Mansle en Charente (Mantulae au XIème siècle) ... Il est
également considéré comme ayant donné lieu, avec un suffixe différent, au nom de la ville italienne de Mantoue (Mantova), auquel je
dois mon nom paternel. Partant de différents indices, dont les noms que je
viens de citer de "Petromentalum", de "Mantalomagos", les spécialistes des études anciennes, dès le
début du siècle, ont établi que le terme devait avoir le sens de "route", et plus
précisément de "lieu où la route rencontre
une limite territoriale". De là le sens hypothétique de "péage",
qui semble confirmé par certaines
survivances du terme dans les langues celtiques modernes (ainsi le gallois "mantawl": balance, pesée).
Notre "mante" ou
"mente" n'aurait qu'un rapport assez lointain avec sa forme et son
sens étymologiques, mais aurait gardé la signification de "route",
"voie d'accès". Conservé ou adopté
par les communautés montagnardes, il aurait pris le sens de "col
frontière", de "lieu
donnant accès à un passage frontalier", et plus tard un sens plus simple
de "col", "passage en montagne". Avant d'être supplanté par
"port", "portell", "portet", probablement avant les IXème-Xème siècles, période
pendant laquelle les Pyrénées
semblent s'être vidées d'une grande partie de leurs habitants. »
Dépassant ce sens proprement pyrénéen de "col", "ment-" ou "mant-" va, plus au nord, désigner tout passage où
la route franchit un obstacle, où elle rencontre une limite territoriale.
Dans le cas de Mantes-la-Jolie, par exemple, il
s’agira du pont sur
-
Mansle, en Charente (Mantulae
au XI° siècle)
- Mant, dans les Landes (Mantelum
dans la revue "Manuel d’archéologie - routes romaines" où Albert
Grenier donne à Mant le sens de "route")
- Manthes, dans la Drôme (Mantula en 1408)
- Mantallot, dans les Côtes d’Armor (Menthalloet
à la fin du XIVème siècle)
-
Manthelan, en Indre-et-Loire
(Mantalomagus
au V° siècle) et
- Manthelon, dans l'Eure et le Loiret, qui sont des composés purement
gaulois avec "magos" marché,
lieu d'échange
-
Pierremande, dans l'Aisne, et
- Pierre Menta, dans le Beaufortin, en Savoie (Petromantalum : composé latino-gaulois avec le sens de carrefour : les quatre chemins, également présent à Saint-Clair-sur-Epte, dans l’Eure, en Normandie);
ainsi que, plus directement :
- Mantoche, en Haute-Saône (Mentusca en 1119), simplement
associé au suffixe
-osca ,-usca, (gué, puis pont sur la Saône)
et
- Mentue, rivière du Jorat, dans le canton de Vaud, en Suisse (Mentuye...wadum ementuje en 1230) avec, par conséquent, un sens
dérivé de "gué" là aussi.
Toutes ces attestations semblaient bien
accréditer l’origine celtique des radicaux ment-, mant-, dans l’état où se trouvait la recherche en
1995.
Mais leur présence en Corse allait tout
remettre en question.
En effet, la Corse a été épargnée par l’invasion
celtique (La toponymie corse in Les noms de lieux de Charles
ROSTAING - Que sais-je ? - P.U.F. - Paris - 1997 - page 120)
et une étude plus attentive fait apparaître que ces termes, qu’on a voulu
considérer comme celtiques, sont en réalité antérieurs.
Ont donc de fortes chances d'être d'origine ligure les
toponymes de la montagne de l’arrière-pays d’Ajaccio :
- Menta, zone de réserve de chasse de la commune de Quenza,
à l’ouest des Aiguilles de Bavella, avec
- ruisseau de Menta,
- fontaine de Menta, et
- Punta di Menta Morta
(1595m.), qui semble signaler l’abandon d’un ancien lieu de passage au profit
d’un plus récent : le col de Bavella ?
- Menta, lieu-dit de la commune d' Aullène,
avec,
là aussi, un
- ruisseau de Menta
- a Menta, zone de montagne à l’est d’Olivese,
avec
- Punta
di a Menta (
- Punta di Mantelluccio (
- Col de Menta (
avec,
là encore, un
- ruisseau de Menta
auxquels
il convient d'ajouter, beaucoup plus au nord, dans l’arrière-pays de Bastia :
- Menta, lieu-dit de la commune de Borgo, au sud de Bastia, avec
- ravin de Menta
-
Col de la Croix de Menta, à Poggio-d'Oletta,
- Ruisseau de la Menta, à Pieve, et
- Funtana di Menta, à Sorio, tous trois au sud-ouest de Bastia
et, plus au centre, à l'ouest de Corte :
- Bergerie de Menta, à Casamaccioli, et
- Bergerie
de la Menta, à Corscia.
Aussi nous paraît-il plus plausible
d’attribuer au radical "ment-" de Mentet une origine sorothaptique
importée par les Bébryces plutôt qu’une supposée origine
celtique.
La tribu des Bébryces s'est installée au
bronze final III (vers 800-700 av.J.C.) en
Conflent, dans les Albères, le Vallespir et la vallée de l'Ebre où elle
est également connue sous le nom de peuple
des castors.
Le langage importé par ces peuples non-celtes, mais
prédécesseurs des véritables celtes, comporte des éléments ligures,
pré-indo-européens, de culture
méditerranéenne, qu’ils ont incorporé à leur langage primitif
dans leur lente progression depuis le sud du Danube, tout au long du golfe de
Gênes et du golfe du Lion, et qu’ils ont apporté jusqu’aux Pyrénées. Dans ses Estudis
le savant Docteur Coromines lui a donné le nom de sorothaptique.
Cette influence sorothaptique a atteint
le sud de l'Aquitaine où les Celtes, en transit, n'ont laissé que peu de traces
de leur passage. La base "ment-" ou "mant-" importée par ces premiers locuteurs
indo-européens se retrouve, en dehors de toute origine celtique, dans :
- Mant,
déjà cité plus haut , petit village de Chalosse, dans les Landes,
mais aussi dans :
- Mant, à nouveau dans les Landes, hameau de la commune de Cazalis, et
- Mantet, toujours dans les Landes,
pour trois lieux-dits situés à Castelnau-Tursan, Duhort-Bachen
et Saint-Martin-de-Hinx, parfaits
homonymes de notre Mantet du Conflent
!
Au Pays Basque on rencontre également :
- Menta : dix hameaux à Aldudes, Ayherre, Banca,
Espelete, Irissary, Irouleguy, Louhossoa, Mendionde,
Mouguerre, Saint-Pee-sur-Nivelle
avec une
foule de composés et de dérivés :
- Mantette à Orthez, Mentana à Mont, Mentaberria
à Ainhoa, Ayherre, Briscous, Itxassou, Saint-Pee-sur-Nivelle,Urrugne, le
ruisseau de Mentaberry à Hendaye,
Mentaberrikoborda, à Briscous
et à Ustaritz, Mentakoborda
à Briscous, Mentachiloa
à Ayherre, Mentachoury à
Mouguerre, Mentachuria à
Hasparren et à Mendionde,
qui
sont les témoins de cette forte influence sorothaptique qu'a connue la langue
basque antique à l'âge des métaux, alors qu'elle ne présente, par ailleurs,
aucun indice pouvant indiquer une quelconque domination gauloise.
Dans nos Pyrénées, le "ment-" ou
"mant-"
de nos communautés montagnardes avait le sens de "col",
"passage en montagne", avant d'être supplanté, probablement avant
les IX°-X° siècles, par "port", "portell",
"portella", "portet". A Mentet
même, un passage aussi essentiel et notoire que la Portella n'est pas encore signalé en 1102, dans l'acte de
consécration de l'église, alors qu'on cite un terme similaire, mais d'un emploi
sans doute plus ancien, "Finestrellas",
pour désigner d'autres confins, vers Nyer.
L'adjonction à ce radical "ment-" du
suffixe ancien "-d" peut expliquer la première transcription de
cette finale dentale forte "-t -d", aboutissant à la
forme écrite "ted" du "Mented" de l'époque
romane et de ses dérivés "Mentedo" et "Mentedi".
On retrouve cette ancienne suffixation "-d" avec un autre radical
bien connu "kar-" dans des exemples tels que "Cardit"
(kar-d-ittum) de Carlit (Pic Carlit) ou "Cardós" (kar-d-osu)
de Cardós (Camp cardós). Elle pourrait indiquer une forme du pluriel, ce qui
expliquerait la différence entre le Menta du Coll de la Menta à Pi (singulier
pour un seul col) et notre Mentet (pluriel
pour plusieurs cols du territoire : le Coll de Mentet et la Portella de Mentet).
Une fois oublié le sens primitif de "passage de montagne","Mented"
a subi l'attraction paronymique du nom de la plante "mentha" ou "menta".
Au Moyen Age, les scribes des
chartes se contentent, comme pratiquement partout, de latiniser le Mented
des autochtones, en joignant à Menta le suffixe collectif -etum
pour former Mentetum, faux phytonyme qui connaîtra les évolutions que l'on
sait de Menteto en Mantet puis en Mentet, pour finir par le Mantet de la francisation.
Protégée par son isolement et par les difficultés
d'accès à son nid d'aigle, la culture montagnarde bascoïde va résister, tout
comme sa langue, aux influences des diverses invasions qui vont déferler sur le
pays.
Annibal ne fera que passer.
En 218 avant J.C., le
Roussillon entre dans l'Histoire.
Soucieux de leur publicité,
les mandataires en douane ont longtemps accrédité la légende du transit de
l'armée carthaginoise par le Col du Perthus. Il est à craindre que leur manque
de culture historique leur ai fait confondre les éléphants du grand chef
punique avec ceux, plus contemporains, du cirque Amar.
Plus sérieusement, Annibal et ses troupes, craignant l'hostilité de la colonie grecque d'Empuries, alliée aux Romains, préfèrent faire le détour et traverser les Pyrénées par la vallée du Sègre et la Cerdagne.
Ils franchissent le Col de la Perche et, en longeant la Tet, cheminent tout au long du Conflent pour parvenir à Illibéris.
De là, Annibal va négocier à Ruscino, où sont assemblés les chefs des tribus locales, un passage sans hostilités vers les Alpes et les victoires de la Trébie, de Trasimène et de Cannes.
Mais, en définitive, ce sont les Romains qui l'emportent, étendant leur empire sur tout le littoral méditerranéen, entre 154 et 121 avant J.C.
Ruscino,
préféré à Illibéris, devint la capitale administrative de la "civitas" (cité) rattachée à
la Gaule narbonnaise et divisée en deux "pagi " (pays) :
- le Pagus Ruscinonensis
(Roussillon), et
- le Pagus Confluentis
(Conflent)
tandis que
- le Pagus Redensis (Razès,
Capcir, Fenouillèdes) dépendait de la "civitas" de Narbonne, et que
- le Pagus Liviensis (capitale
Llívia), divisé en Cerretania Julíana, à l'est, et en Cerretania Augustana, à l'ouest,
comprenait l'actuelle Cerdagne et l'actuel Vallespir et était rattaché à la Gaule
tarragonaise.
Ces pagi étaient
reliés entre eux par les routes construites à l'initiative de l'administration
romaine :
- la Via domitia (voie
domitienne) succédait à la vieille voie héracléenne conduisant en Hispanie,
préfigurant l'actuelle autoroute;
- la Via vallespiriana (voie
du Vallespir) , après avoir longé les Albères, remontait la vallée du Tech
jusqu'à Arles et Coustouges;
- la Via confluentana (voie du
Conflent) partait d'Illibéris, passait par Thuir et remontait ensuite la vallée
de la Tet qu'elle quittait pour atteindre le Col de la Perche;
- la Strata cerdana (chaussée
de Cerdagne) lui faisait suite au Col de la Perche pour franchir le Col Rigat
et arriver à Llívia.
D'autres voies permettaient de communiquer, depuis Collioure,
avec Figueres par le Col de Banyuls ou avec Roses par le Col des Bêlitres à
Cerbère, et, en Fenouillèdes, de remonter la vallée de l'Agly et de rejoindre
Carcassonne et le grand axe Narbonne-Toulouse.
Ces routes sont d'abord celles de l'essor économique :
salaisons et jambons de Cerdagne, réputés jusque sur les marchés de la ville
éternelle, fer du Canigou, armes, outils forgés, huile, vins, céréales sont
acheminés vers Collioure et Port-Vendres, pour être chargés à bord des navires
romains.
Favorisant les échanges, ce réseau fut aussi un excellent
instrument de colonisation pour la nouvelle civilisation. Mais il faut aussi en
relativiser l'influence en rapport avec la faiblesse numérique des troupes
d'occupation : un légionnaire pour 200 habitants environ.
Si cette influence fut réelle autour des garnisons militaires,
des points stratégiques, des domaines concédés aux vétérans de l'armée et parmi
la classe dirigeante, les clercs, les lettrés, les fonctionnaires et les
commerçants des cités, elle le fut bien moins dans les campagnes et, surtout,
dans les montagnes, où le latin était la langue officielle des actes de la vie
publique mais où l'on continuait à parler le dialecte local dans la vie
courante. On retrouve là une situation linguistique comparable à celle qui
verra se confronter le français et le catalan longtemps après l'annexion
jusqu'au XIX°, voire XX° siècle.
Si l'on doit la mise en valeur des richesses du terroir à
l'organisation politique et sociale imposée par la puissance romaine, celle-ci,
par contre, se montre beaucoup plus tolérante en matière religieuse. Dieux et
déesses de l'Olympe font bon ménage avec les divinités du panthéon des
Kerretes.
Plus que tout autre, le peuple de la montagne est sensible aux
forces de
Il faut donc se concilier les mauvais génies qui résident au sommet
des montagnes ou au passage des cols, gagner les faveurs des fées qui habitent
les grottes ou le creux des vallons.
Mais il faut aussi rendre grâce aux bonnes sources, à l'eau de
la rivière, aux fontaines thermales, à l'arbre de la forêt, objets de culte et
de vénération. Avec le temps, les rites religieux se modernisent, se mettent au
goût du jour, se rhabillent à la mode romaine.
C'est le cas, par exemple, de l'hommage antique rendu au pin
et renouvelé avec le culte de Cybèle,
Les prêtres de Cybèle s'appelaient les galles. Ces eunuques, costumés en femmes, couronnaient le pin sacré
et recouvraient son tronc d'une toison de laine en mémoire du tendre
pastoureau. Puis ils se livraient à des danses frénétiques et chantaient, de
leur voix de castrat, des chants au rythme particulier, le galliambe.
La cérémonie s'achevait parfois par le taurobole, sacrifice d'un taureau dont le sang était sensé
revigorer celui qui offrait la victime à immoler et qui se tenait sous la
pierre d'autel pour recevoir cette douche régénératrice. Les pratiquants
étaient regroupés en un collège de dendrophores
qui portaient des branches de pin, symbole d'Attis.
Ce culte païen du pin persistera, épuré de ses offrandes
sanglantes, et son souvenir parviendra jusqu'à nous avec le nom des lieux qui
lui étaient dédiés. Si les endroits boisés de pins ont reçu un nom collectif ou
à la forme du pluriel : Pineda, Pinosa,
Pinyer, Pins; le singulier Pi
pourrait bien rappeler ce pin unique, voué à Cybèle et à Attis, dans deux
villages de Cerdagne et, en Conflent, à Pi, village voisin de Mentet.
L'homonyme de Pi de
Conflent est, en Cerdagne, Pi, hameau
de Bellver, tandis que Sant Vicenç de Pinsent,
ancien Pino Sancto, à Aristot,
constitue, selon Pere Ponsich,[4]
un exemple de christianisation d'un lieu de culte païen comparable à celui des "eaux saintes", ces "aquae sanctae" d' Eixalada, à
Canavelles.
Rien d'étonnant, dés lors, que Pi de Conflent ait fait ensuite
l'objet d'un important pèlerinage à son patron Saint-Paul, guérisseur des
épileptiques, dont les convulsions rappelaient, sans doute, les transes des
anciens galles!
A Mentet, l'emplacement choisi pour la construction de
l'église aurait pu, lui aussi, être la conséquence d'une semblable
appropriation. L'indice matériel sur lequel se fonde cette hypothèse réside en
la présence d'un vestige qui a été longtemps réemployé comme pierre de seuil de
cet édifice. Tout récemment, à la faveur des travaux de pavement du parvis,
durant l'été 1994, on a eu l'heureuse idée de rehausser ce témoin du passé sur
un socle et de l'adosser à la façade, à gauche de la porte d'entrée.
Il s'agit d'un bloc de granit d'une surface rectangulaire de
Cette description ressemble donc beaucoup à celle d'une pierre d'autel d'une antique religion dont le rite
comportait des offrandes sous forme de libations de miel, de lait, de vin ou
d'eau pure, ou sous forme de sacrifices de poulets, de porcelets, d'agneaux ou
de chevreaux dont le sang recueilli allait symboliquement fertiliser la terre
nourricière.
Mais le triomphe du christianisme est en marche. Après l'ère
des persécutions, l'empereur Constantin, par l'édit de Milan, en 313, reconnaît
la nouvelle religion. L'Evangile s'est répandu alors jusqu'aux confins des
provinces, apporté en Narbonnaise par Saint-Paul-Serge dés le milieu du III°
siècle.
En même temps que ses vieilles idoles, l'Empire romain
s'effondre. Les Barbares se ruent sur ses ruines et déferlent jusqu'à nos
contrées. En 408, Vandales, Alains et Suèves mettent à sac le Roussillon,
suivis, en 414, par les Wisigoths qui, à partir de 419, installent leur domination
pour trois siècles.
En 719, les Arabes franchissent les Pyrénées, traînant
derrière eux un cortège de destruction et de désolation. Charles Martel arrête
leur progression à Poitiers, en 732, mais ne peut les chasser de Septimanie,
nom gothique de la Gaule narbonnaise des romains. C'est son fils, Pépin le Bref
qui réussit à les repousser au delà des Albères, en 759, et c'est son
petit-fils, Charlemagne, qui entre dans la légende en les refoulant au sud de
l'Ebre après 801.
L'empereur à la barbe fleurie ne participait pas à
l'expédition. En réalité, les troupes franques obéissait au duc de Toulouse, le
futur Saint-Guillem, chef de guerre du prince Louis, que son père avait fait
roi d'Aquitaine et qui deviendra Louis-le-Pieux. Après la conquête, Guillem est
placé, avec le titre de duc ou marquis, à la tête de la Marche
d'Espagne ou Marche de Gothie, glacis défensif des Pyrénées contre un retour
des armées mauresques.
L'administration carolingienne est assurée par des comtes qui gouvernent un ou plusieurs
anciens pagi romains avec l'aide de vicomtes. Ces aristocrates très
puissants, détenteurs de la quasi-totalité des pouvoirs, sont, pour la plupart,
des seigneurs d'origine wisigothique dotés d'importants domaines fonciers. Ils partagent
cette propriété du sol avec les établissements religieux qui ont prospéré
depuis la création de l'évêché d'Elne, détaché du diocèse de Narbonne en 571,
du temps des Wisigoths.
Roussillon, Conflent et Vallespir dépendent du nouvel évêché,
tandis que la Cerdagne voisine est du ressort du diocèse d'Urgel et que
Fenouillèdes et Capcir continuent d'appartenir au siège archiépiscopal de
Narbonne.
Un puissant courant évangélisateur est imprimé par
l'épiscopat. Il se traduit par de multiples créations d'églises et de
monastères au cours du IX° siècle. Il remonte jusqu'au fin fond des vallées les
plus reculées. Grâce à lui, à son tour, Mentet va entrer dans l'histoire.
LE
MOYEN AGE
On
avait remonté le village à mi-pente sur le chemin du col, après
Cette
fois-là, la Fée de la Montagne [6]
n'avait pu contenir la fureur du Géant.
D'ordinaire,
ses accès de colère ne parvenaient aux habitants de la vallée qu'atténués par
la masse imposante qu'elle intercalait avec bienveillance entre eux et lui. Sa
croupe lointaine leur apparaissait alors, nimbée dans la gloire fulgurante des
éclairs de l'orage estival, tandis que s'amortissait, au creux de sa combe, le
grondement rageur de mille tonnerres tonitruants.
Mais
on était déjà à l'automne et le jour s'était levé sans clarté. Les ténèbres
avaient envahi toute l'étendue des cieux, portées par de lourds nuages d'une
noirceur d'Apocalypse. Un calme oppressant avait fait taire bêtes et gens. Même
la crécelle inlassable des sauterelles avait été réduite à ce silence trompeur.
Soudain, deux ou trois bourrasques violentes vinrent fouetter la cime des pins,
puis les premières gouttes de pluie éclatèrent en étoiles sur les gros rochers
ronds qui bordaient le grand pré.
Il
plut tout le jour et toute la nuit, à torrents, sans discontinuer, une pluie
lourde qui noyait non seulement le sol mais même l'air que l'on avait peine à
respirer. Le lendemain n'arrêta pas le déluge et, quand vint le second soir, Ted, la vieille divinité de la rivière,
entra à son tour en furie.
Dans
un vacarme assourdissant, d'énormes blocs roulaient et broyaient le lit élargi
du torrent. Le fracas faisait trembler jusqu'aux flancs de la montagne tandis
qu'un flot de boue liquide s'écoulait en gros tourbillons d'un bord à l'autre
de la vallée.
Pendant
la nuit, là-haut, au pied de la Malesa,
un barrage de rocs et de pins entremêlés céda. Une vague démente dévala sur le
vieux village des Kerretes qu'elle éparpilla très loin jusque par delà les
gorges de Nyer.
Enneg, le vieux berger-sorcier, avait
attribué la colère des divinités ancestrales à l'apparition sur leurs terres de
ce Dieu unique venu d'Orient que les seigneurs et leurs clercs essayaient de
leur imposer.
Car,
depuis longtemps, les puissants ne sacrifiaient plus au culte des idoles. Dés
587, le roi Récarède s'était converti au christianisme, entraînant derrière lui
toute la noblesse wisigothique de la Narbonnaise.
En
Conflent, l'influence des Goths s'était accrue avec la lutte contre les
Sarrasins. Chassée de la plaine par les Arabes, la population avait trouvé
refuge dans
Les
guerriers maures verrouillaient le bas des vallées alentour, à Vernet, Fuilla,
Nyer, et occupaient tout le cours de
D'une
part, armes et émissaires s'échangeaient entre Canigou et Razès en sautant par
dessus la vallée de la Tet, au débouché de la rivière de Mentet. En rive droite
de la Tet, le passage était défendu par le château de la Roca de Nyer ,
construit en amont d'une plus ancienne fortification tombée aux mains de
l'ennemi. En rive gauche , les points d'appui de Canavelles et de Llar
permettaient d'accéder, par les Garrotxes et le Col de Sansà, à la haute vallée
de l'Aude menant, à travers le Pays de Sault, jusqu'à la capitale gothique
d'outre-Carcanet. Rennes, forte de plusieurs milliers d'habitants, était une
des villes les plus peuplées d'alors et son comté avait accédé au rang de duché
en reconnaissance de son rôle éminent dans la révolte contre le pouvoir
sarrasin en Narbonnaise.
D'autre part, Mentet
permettait aux Goths du Canigou de communiquer avec leurs frères du royaume des
Asturies par l'intermédiaire du chemin de Saint-Jacques qui longeait la crête
des Pyrénées jusqu'aux monts Cantabriques.
De
cette communauté de combat contre les Maures, scellée entre anciens ibères et
guerriers goths, est peut-être issu le plus beau souvenir que les lois de la
génétique aient su faire parvenir jusqu'à nous.
Les
Wisigoths sont des scandinaves établis en Germanie d'où ils ont été chassés par
les Huns. Comme ils ont eu la bonne idée d'abandonner la vieille loi
interdisant les mariages mixtes, devinez d'où nous viennent ces trop rares
spécimens de splendides brunes aux yeux bleus descendus parfois de nos hautes
vallées ?
Mais
le temps n'est plus à conter fleurette à nos belles bergères. L'heure de la
reconquête a sonné.
Bera
quitte son alleu de Canavelles, Bellon son domaine de Campllong à
Vernet. A la tête de leurs gens de guerre, ils pourchassent le sarrasin jusqu'à
Barcelone. Le pouvoir carolingien, en récompense de l'aide apportée aux armées
franques, fera Bera comte de Barcelone et Bellon comte de Carcassonne. Ces
grands dignitaires d'ascendance wisigothique vont être à l'origine des lignages
qui régneront sur nos comtés pendant plus de trois siècles.
Bera, premier comte de Barcelone, est
également comte de Razès et comte de Conflent. C'est probablement le fils
naturel que le duc de Toulouse a eu d'une wisigothe...bien avant de devenir
moine, puis, dans la foulée, bienheureux, et d'être canonisé sous le nom de
Saint-Guillem. Heureux temps que ces temps-là où un soudard un peu paillard,
après avoir égorgé et éventré quelques hordes de mercenaires préalablement
passés au fil de l'épée, pouvait engrosser les belles rencontrées par le chemin
avant que de se retirer au couvent pour accéder aux béatitudes éternelles !
En
846, le petit-fils de Bera, le comte Bera II, fait don de l'alleu familial de
Canavelles, avec son église de Saint-André, aux moines d'Eixalada qui, peu de
temps auparavant, étaient venus y fonder un monastère, établissement précurseur
de la future et prestigieuse abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà.
Ces sept prêtres du diocèse
d'Urgel, dépendant de l'évêque Wissad, avaient créé cette communauté en ce lieu
vers 840. Ils avaient sans doute pour mission première l'éradication de toute
trace de culte païen pouvant encore subsister autour des sources thermales de
l'actuel Thuès-les-Bains. C'est pourquoi ils les sanctifièrent du nom d'"Aquae sanctae" : les Eaux
saintes, selon le procédé de christianisation que nous avons déjà évoqué tout à
l'heure à propos de Pi et du culte de Cybèle.
Mais
les vieilles idoles s'étaient vengées et, en octobre 878, une crue subite de la
Tet avait emporté le monastère et quelques moines. Les survivants trouvèrent
refuge auprès d'une autre communauté dépendant de l'abbé d'Eixalada, à
Saint-Germain, dans le vilar de Cuixà. Ils la choisirent pour siège de la
nouvelle abbaye qui deviendra Saint-Michel-de-Cuixà.
Pendant
ce temps, les Bera ont perdu le Conflent. Ayant choisi la mauvaise carte dans
la partie belliqueuse qui se joue alors aux confins de la Marche de Gothie, ils
sont disgraciés et dépossédés au profit des descendants de Bellon.
La
puissante famille des comtes de Carcassonne étend son hégémonie des rives de
l'Aude à celles du Llobregat. Le petit-fils de Bellon, le fameux Joffre-le-Poilu, attribue le Conflent à
son frère Miron, en
Son
fils, Seniofred, lui succède. C'est lui qui fait rebâtir l'église Saint-Germain
du monastère de Cuixà en 953. Son frère, Oliba-Cabreta, prend sa suite en 967.
Il est donc en charge du comté lorsqu'est reconstruite l'église abbatiale de
Saint-Michel-de-Cuixà, consacrée solennellement par sept évêques en 974. Oliba-Cabreta
se retire moine au Mont-Cassin où il meurt en 990, léguant à son fils, Guifred,
Cerdagne, Conflent, Capcir, Donazan et Pays de Sault.
C'est
très certainement ce comte Guifred de
Cerdagne qui fera don d'un alleu situé à Mentet, "in villa Mentedo" , à l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà,
donation confirmée en 1011 par une bulle du pape Serge IV.[7]
Cuixà ne conserve pas très
longtemps sa propriété de Mentet, jugée, peut-être, trop éloignée de l'abbaye
pour être convenablement gérée. Elle passe, au début du XI° siècle, dans le
patrimoine d'un très riche clerc, Pons,
archidiacre de la cathédrale d'Urgel qui, dans ces dernières volontés, en 1031,
en fait donation, avec son église, à son fils Bernard.[8]
De
cette église subsisterait encore, d'après l'abbé Albert Cazes, le dosseret, c'est-à-dire le pilier carré, engagé dans le
mur nord, qui devait soutenir le grand arc de l'abside d'alors.[9]
Rachat
ou reprise, ces biens reviennent bientôt dans l'escarcelle des comtes de
Cerdagne.
Le
comte Guifred avait fondé l'abbaye de Saint-Martin-du-Canigou en 1001. Il s'y
retire en 1035, laissant à son fils, Ramon, le soin d'administrer le comté à
partir du château de Corneilla "lo
palau".
Le fils aîné de Ramon,
Guillem-Ramon, après avoir fondé Villefranche en 1090, laisse la place à son
fils, Guillem-Jorda, en 1095. Ce dernier, conformément aux dispositions
testamentaires de son père, crée, en 1097, un prieuré de chanoines augustins en
l'église Sainte-Marie de Corneilla-de-Conflent, voisine du château comtal.
Parmi les legs attribués par le comte de Cerdagne et Conflent à l'occasion de
la fondation de ce nouveau monastère figure l'église Saint-Vincent de Mentet.
C'est
de cette époque que date l'abside en pierre de taille qui est parvenue jusqu'à
nous et qui a dû remplacer, toujours selon l'abbé Albert Cazes, celle, plus petite, de l'église d'origine, datée du XI°
siècle. L'importance de ce remaniement et le transfert de propriété justifient
l'acte solennel de consécration de la nouvelle église, en 1102.
Il fait l'objet d'une charte [10]
dont nous donnons, ci-après, la traduction très approximative :
Consécration de l'église de Mentet
En l'année 1102 après la naissance
de Notre-Seigneur, le 13ème
jour avant les calendes d'octobre,1
le très noble Ermengaud, évêque
d'Elne, avec Bernard, archidiacre, et
Pierre, prieur de Sainte-Marie de
Corneilla, accompagnés d'une nombreuse foule de fidèles, clercs et laïques, est
venu assister à la dédicace de l'église de Mentet,2
en
Conflent, à Saint-Vincent martyr.
En conséquence, nous, évêque et
clercs ci-dessus désignés, confirmons les limites territoriales de la paroisse
dépendant de la dite église, délimitées :
-
à l'orient, par le col de Campeilles,3
-
au midi, par Rocs
Blancs,4
-
en direction du cers,5 par Finestrelles,6
-
à l'occident, par Fontfreda,7
descendant jusqu'au Pla del Forn.8
Après avoir défini ses limites, nous
confirmons ses droits de dîmes sur les récoltes, ses droits sur les offrandes
des fidèles, sur son cimetière, d'une étendue de 30 pas,9 sur le dixième loyalement calculé des
revenus de ses molines 10 et de chacun des manses 11 établis au village ou sur le territoire
précédemment délimité, ainsi que sur l'ensemble des revenus qui concerne le
culte divin.
Ensuite il fut ajouté que la dite
église serait placée sous l'autorité apostolique de l'église d'Elne et de
Sainte-Marie de Corneilla.
Si cependant quelqu'un, qui serait
hors de notre protection, s'opposait de façon présomptueuse et téméraire à ces
dispositions, il serait interdit de toute cérémonie religieuse aussi longtemps
qu'il ne les reconnaîtrait pas pour valables et jusqu'à ce qu'il ne revienne
pleinement à la raison : de même pour quiconque se délierait de ces liens pour
un temps.
Rédigé en quatre exemplaires.
Certifié véritable le titre de dotation de la dite église, la 42ème année 12 du règne du roi Philippe, année au
cours de laquelle le curé de la dite église s'est rendu deux fois au synode 13 et a fait le recensement de huit foyers.14
Ont signé :
Arnaud Izern
Stéphane Izern
Pierre Miron
Pierre [ ]
Ermen
[ ]
Raymond, clerc et chancelier, a
transcrit le présent acte à la date indiquée ci-dessus.
Extrait d'un
acte authentique
( Copie
moderne et informe, communiquée par M. Denaclara de Palàu )
Note de B.Alart ( 1880 ) : Ce document présente tous les caractères désirables d'authenticité, mais la copie en a été faite d'une manière
très fautive; nous y avons fait quelques
corrections, et nous ne donnons ce
texte
qu'avec toutes réserves.
Notes :
[1] 19
septembre 1102.
2 "villa
Mentedi" : Une précédente mention "in
collo de Mented" existe à propos de la délimitation
occidentale de la paroisse de Pi, dans l'acte
de consécration de son église daté de 1022 (charte
XXV - op. cité page 41).
3 "in
colle Campelles" : Col de Mentet actuel, entre Mentet et Campelles
(vers Pi).
4 "in
Rochis albis" : Rocs blancs
actuels, entre Callau et Coma Armada.
5 "a
parte uero circi venit" : Cette mention est habituelle pour désigner
la direction du nord, d'où
souffle le cers, vent
dominant en Narbonnaise.
6 "in
Finestrellas" : Le diminutif de Fenestra
: fenêtre, désigne, ici, par métaphore, l'ouverture
permettant l'accès de
la rivière de Mentet vers les gorges de Nyer, entre les falaises rocheuses
resserrées en aval de
7 "in
Fonte frigida" : Fontfreda, Font del Coll del Pal actuelle, entre
Caret et Carançà.
8 "in
Plane de Fourno" : Farga Vella actuelle, ancienne forge sur la rivière
de Mentet.
9
10 "molinas"
: ce terme désigne les moulins à farine mais peut également s'appliquer aux
moulins de
forges mus par la
force hydraulique dans les régions de production métallurgique entourant le
Canigou.
11 manse : exploitation rurale, dotée d'une ou
de plusieurs habitations, devant permettre la
subsistance d'une famille.
12 1102 - Philippe Ier : 1060-1108.
13 Assemblée du clergé du diocèse.
14 foyer : dans les dénombrements du
Moyen Age, on compte 5 habitants en moyenne par foyer (ou
feu), ce qui nous donnerait une population
totale d'environ 40 à 50 personnes.
Contrairement
à la coutume, la signature du comte ne figure pas sur l'acte. C'est que
Guillem-Jorda est parti guerroyer en Terre Sainte. Au printemps de l'an de
grâce 1102, le jeune comte a rejoint les croisés qui, répondant à l'appel du
pape Urbain II, lancé lors du concile de Clermont, en novembre 1095, sont en
Orient depuis déjà plus de cinq années.
A
l'époque, malgré la fougue de ses 18 ans, il avait dû rester au pays pour
régler les problèmes nés de la succession de son père et pour répondre aux
devoirs de sa nouvelle charge. Maintenant que ses affaires étaient en ordre, il
était allé mesurer sa valeur à l'aune des Ramon de Sant Gil, comte de Toulouse,
Roger II, comte de Foix, Gaston, vicomte de Béarn, Guillem, comte de Clermont,
et, surtout, Girard de Roussillon, fils du comte Guilabert II, son voisin
immédiat, vis-à-vis duquel il ne pouvait déchoir.
Les
signatures qui précèdent celles de l'évêque d'Elne et du prieur de Corneilla
sont, très certainement, celles des représentants du comte de Cerdagne, leurs
noms évoquant de nobles lignées apparentées aux comtes et vicomtes de Cerdagne
et de Conflent.
Guillem-Jorda
meurt en 1109 du côté de Tripoli. Une flèche mystérieuse vient mettre un terme
à son existence, favorisant ainsi l'accession de son cousin, Bertrand, comte de
Toulouse, à l'héritage des terres conquises par son père en Orient.
Conformément
aux dispositions du testament que Guillem-Jorda avait fait le 13 avril 1102,
avant son départ pour
A
son tour, le comté de Roussillon rejoint, en
Ramon-Bérenguer
IV se marie avec l'héritière du trône d'Aragon et lègue un royaume à son fils,
Pierre, qui prend le nom d'Alphonse II, roi d'Aragon. Les catalans préfèrent
l'appeler Alphonse Ier, car il est le premier de leurs comtes-rois.
En
1182, il signe une charte confirmant à l'abbaye de Fontfroide la possession des
pacages de Mentet, donnés par Bernard de Cortsaví et Pons de Guàrdia.[11]
Bernard
de Cortsaví a vraisemblablement succédé au prieur de Corneilla comme seigneur
de Mentet. En effet, ses héritiers, Raymond de Cortsaví et sa soeur, Marie,
détiennent ces droits féodaux dans le premier quart du XIII° siècle.
Le
23 janvier 1225, Marie, veuve de Bertrand d'Ille, fait don de deux terres
qu'elle possède à Mentet à l'hôpital d'Ille.[12]
Cette donation est confirmée par Pons
Guillem de Villefranche, commissaire royal pour la recherche des fiefs en
Conflent, dans un acte de
Marie d'Ille s'est donnée à l'hôpital "avec tous ses biens",
notamment "ses manses et honneurs à
Mentet", tandis que son frère, Raymond
de Cortsaví, faisait don, de son côté, à ce même hôpital "des hommes et des femmes des quatre
feux qui habitaient ces manses".
Nous
pouvons déjà déduire de ce document qu'il existait un château féodal à Mentet,
les honneurs désignant, dans le
patrimoine de l'aristocratie, les domaines possédant un ou plusieurs châteaux. "Point d'honores sans forteresses" comme l'écrit Bonnassié.[14]
De
plus, nous voyons là avec quelle facilité le seigneur disposait, non seulement
du logis et des champs du pauvre paysan, mais de sa personne même. Avec la
généralisation des "mals usos",
les mauvais usages pratiqués par la
noblesse enrichie au détriment de la classe paysanne, une nouvelle servitude
aliène l'homme et la femme et les attache à la terre qu'ils cultivent pour le
seul profit des puissants.
Ce
véritable bétail humain, en état de totale dépendance, est traité comme tout
bien meuble pouvant faire l'objet de transaction. Si Marie d'Ille a reçu, dans
sa part d'héritage, les exploitations rurales, son frère en possède les hommes
et les femmes, comme il pourrait être propriétaire des vaches, des cochons et
des chèvres du domaine.
Même
les hommes libres n'échappent pas à ce processus d’asservissement. La vie est
d'une telle âpreté que c'est de leur propre volonté que les plus démunis, les
plus désespérés, se donnent avec leur famille et leur postérité, en échange
d'un peu de pain et de sécurité.
Comme
nous le rapporte ce passage édifiant des Cahiers des Amis
du Vieil Ille [15]:
" - à Mentet, en 1241, PierreTexidor et sa femme se donnent à l'hôpital
avec tous leurs biens (cette démarche est beaucoup plus contraignante que celle
consistant à donner ses biens à l'hospice, à charge pour lui d'assurer
l'entretien des donateurs : ce ne sont pas ici un homme et une femme âgés qui
assurent la sécurité de leurs dernières années, mais un couple capable de
travail qui, incapable de vivre de son maigre bien, s'asservit auprès de
l'hôpital, et échange sa subsistance contre son travail) [16].
-...la condition servile est héréditaire, et il
va de soi que le serment engage, non seulement celui qui le prononce, mais
aussi tous ses descendants. C'est ainsi que, en 1367, Pierre Carbonell, de Mentet, explique que,
n'ayant pas d'enfants mâles, "il ne peut prêter serment", mais
s'engage à le faire dès que sa fille sera mariée et aura des fils "qui
seront hommes propres de l'hôpital"
[17]
"
Indépendamment
des renseignements qu'ils nous apportent sur les piètres conditions d'existence
de ces serfs volontaires, ces actes d'auto-dédition nous permettent d'entrevoir
la réalité d'une activité artisanale, à côté des activités agricoles et pastorales
traditionnelles.
En
effet, les noms de famille viennent à peine de se fixer et de devenir
héréditaires. Le second nom distinctif est venu compléter le prénom pour
identifier l'individu et être transmis à sa descendance. On n'est plus
simplement Pierre fils de Jean ou Paul fils de Louis, mais, à son nom de
baptême, s'est adjoint un patronyme, issu d'un ancêtre que l'on a caractérisé
par un détail de son apparence physique, par son lieu d'origine ou par son
métier. C'est ainsi que l'on est devenu Pierre
Roig, Jean Planella ou Paul Sabater.
Etant
donnée la fixation sur place des familles les plus humbles, à travers les
générations qui se sont succédées à Mentet au XIII° et au XIV° siècles, la
présence d'un Texidor et celle d'un Carbonell attestent que tisserands
et charbonniers y tissaient la toile et y confectionnaient le charbon de bois
des forges.
De
leur côté, les familles nobles continuent de s'appeler du nom de leur fief : Hug de Canavelles, Guillem d'En, Arnald de Fullà, Guillem de Pi, Pierre de Mentet.
Ce sont là les châtelains qui tiennent garnison sur place pour le compte de
leur suzerain, dans le cadre complexe des institutions féodo-vassaliques liant
la classe aristocratique. Cette hiérarchie s'étend du simple chevalier aux
ordres d'un châtelain pour la défense d'une forteresse jusqu'au comte, entouré
de ses vicomtes et de ses comtors, en passant par les seigneurs, laïques ou
ecclésiastiques, détenteurs des grands domaines fonciers et en tirant
ressources et profits.
L'hôpital d'Ille ne paraît pas posséder l'intégralité des
droits sur Mentet au temps de Jacques le Conquérant, puisque le commissaire
royal pour la recherche et le jugement des questions concernant l'allodialité
ou la féodalité des terres et droits possédés en Conflent cite un certain Jean Ponça
dans une sentence rendue en 1263.[18]
Il est vrai que l'hôpital avait déjà commencé à se séparer de ces biens : en
1248, il avait inféodé un pasquier et un bois à Mentet.[19]
Il est donc probable que le pauvre village était mis en
coupe réglée, non seulement par les institutions religieuses , seigneurs des
lieux, comme le prieuré de Corneilla, l'abbaye de Fontfroide, le monastère de
Ripoll ou l'hôpital d'Ille, mais également par ses châtelains, de la famille
des Pierre et des Arnald de Mentet, et même par des
bourgeois nouvellement enrichis et acquéreurs d'alleux, tels, peut-être, ce Jean Ponça.
Le commissaire royal pour la recherche des fiefs est,
comme nous l'avons vu, Pons Guillem de
Villefranche.
A la mort de Nunyo Sanche, Jacques Ier d'Aragon, le
Conquérant, reprend le gouvernement de ces comtés et investit Pons Guillem de
sa confiance en le commettant à la recherche des fiefs royaux dans le Conflent,
la Cerdagne, la vallée de Prats, le Ripollès et dans toute la viguerie de
Camprodon.
En 1262, Jacques le Conquérant lègue Aragon, Catalogne et
Valence à son fils aîné, Pierre, mais taille un royaume sur mesures à son fils
cadet, Jacques, en rassemblant Roussillon, Cerdagne, Conflent, Vallespir,
seigneurie de Montpellier et îles de Majorque et d'Ibiza, récemment conquises
sur les Barbaresques. Ainsi naît le royaume de Majorque, en 1276, à la mort du Conquérant.
Jacques Ier de Majorque, en accordant les justices de
Toren à Pierre Guillem, en fait un seigneur et , par cette inféodation, les
Guillem de Villefranche deviennent Guillem
de Toren.
Le premier souverain de la nouvelle dynastie meurt en 1311.
Son fils, Sanche, lui succède.
L'hôpital d'Ille est toujours présent entre Col et
Porteille puisque son commandeur prête foi et hommage au roi Sanche de Majorque
pour ses possessions de Mentet. [20]
Cependant, en février 1318, ce même monarque récompense
les services de son viguier du Roussillon, le chevalier Bernard Guillem de Toren,
dont la famille a encore grimpé dans les honneurs, en lui donnant la seigneurie
et le château de Mentet, puis en lui en concédant les droits de justice,[21]
dont il semble que Bernard de So était
détenteur lors de son investiture en tant que seigneur de Sahorre en 1312. Les
Guillem sont désormais seigneurs de Toren et de Mentet.
A la mort du roi Sanche, les rapports s'enveniment entre
Aragon et Majorque. Dans son testament de 1262, Jacques le Conquérant avait
prévu le retour du royaume de Majorque à la couronne d'Aragon dans le cas où la
dynastie majorquine viendrait à s'éteindre faute d'héritier légitime. Or, dans
les dispositions prises pour régler sa succession, le roi Sanche a désigné son
neveu, Jacques, pour remplacer le fils qu'il n'avait pas.
La querelle dégénère en véritable conflit entre Pierre IV
d'Aragon et Jacques II de Majorque. Ce dernier y perd d'abord son royaume, en
1344, puis sa vie, en 1349, dans un dernier combat pour une tentative de
reconquête.
Roussillon, Conflent et Cerdagne sont annexés au
Principat de Catalogne au sein des Etats de la Couronne d'Aragon.
Les combats entre souverains rivaux ont cruellement
éprouvé l'ensemble du pays et apporté leur déchirement au sein même des
familles. C'est ainsi que nous trouvons trace, vers 1345, d'une supplique
adressée par Pierre Salvet, de
Mentet, âgé de 80 ans, ruiné par la dernière guerre, demandant à Pierre IV
d'Aragon le mobilier abandonné à Perpignan par son fils qui a pris parti pour
Jacques II, dernier roi de Majorque.[22]
Les Guillem de Toren payent, de leur côté, -comme la
plupart des seigneurs de Conflent- leur fidélité au royaume de Majorque. Le roi
d'Aragon récompense de leurs dépouilles ceux qui l'ont bien servi. François de Perellos, capitaine de
Salses, amiral des flottes aragonaises et françaises, devient ainsi seigneur de
Toren et de Mentet.
Après la guerre, la famine et la peste ravagent à leur
tour le Conflent. Ce sont donc des terres de bien faible rapport qui peuvent
être acquises à bon compte par ceux qui ont du bel argent à placer.
En 1359, c'est un riche bourgeois de Perpignan, Xanxo, qui possède Mentet, avec ses
quatre feux, et Toren, avec ses sept feux.[23]
Ce sont là des seigneuries appartenant à des bourgeois (fochs de ciutadans) dans le classement
qui apparaît dans le tableau général des seigneuries existantes dans l'évêché
d'Elne en 1359, dressé pour le recensement général des feux de Catalogne décidé
par les Corts de Cervera.
Nouvelle calamité, comme si le pays n'avait pas assez
souffert, à partir de 1361, les pillards des Companyies blanques dévastent tous les villages peu ou mal
protégés. Il est grand temps de restaurer les fortifications et de renforcer
les garnisons, en les plaçant sous l'autorité de puissants seigneurs.
L'un de ceux-ci,
Berenger d'Oms, s'intéresse aux hautes terres de la vallée de la Rojà et de
Mentet. Il rachète successivement le patrimoine détenu par les héritiers de
Bernard Guillem de Toren et de François de Perellos. Le 16 novembre 1378, c'est
dona Sancha, veuve de Bernard Guillem de Toren, qui lui cède ses droits,
suivie, le 25 du même mois, par dona Sibila, femme de Raymons de Perellos, pour
ce qui concerne les siens. Mentet est alors qualifié de castrum (village fortifié) confrontant les
territoires d'Escaró, de Pi, de Setcases, de Gausà et de La Roca.[24]
Au nom du roi d'Aragon, autorisation est donnée à
Berenger d'Oms de prendre possession du
château de Toren, du lieu de Mentet et du baillage de Pi, quoiqu'il n'en ait
pas encore reçu l'investiture.[25]
Cette confirmation arrive le 18 septembre 1381 avec la
vente faite par l'infant Jean, gouverneur général des Etats d'Aragon. L'infant
Jean, d'accord avec les commissaires chargés par le roi Pierre IV, son père, de
vendre et aliéner divers domaines de la
couronne afin de payer les intérêts des sommes empruntées pour
"restaurer" le royaume de
Sardaigne, vend en franc-alleu à Berenger d'Oms, chevalier, le mère et mixte
empire avec toute juridiction, host et chevauchée, des châteaux et lieux de
Toren et de Mentet, qui appartiennent déjà audit chevalier.[26]
Berenger III d'Oms
i de Mora obtenait ainsi l'intégralité de la juridiction civile et
militaire sur les lieux et châteaux de
Thorent et Mantet qui lui appartenaient déjà, de Cauders et de Py, appartenant
à l'abbé de Campredon, d'Huytesa, appartenant à Grimau d'Avellanet, de la
Clusa, de Sahorra, de Fulha, de Creu et de Vilanova en Capcir, au prix de 1500
florins d'or d'Aragon.[27]
Cette juridiction comprenait la haute et basse justice,
le mère empire étant le pouvoir de condamner à la peine de mort, à la mutilation
ou au bannissement, le mixte empire concernant les affaires de moindre
importance pouvant faire l'objet de simples amendes pénales. A ces pouvoirs de
justice civile et criminelle, s'ajoutait, dans le domaine militaire, le service
dû au seigneur pour l'host, en cas de guerre, ou la chevauchée, en cas
d'incursion armée sur les terres de quelque voisin. Comme tout était source de
profits, ce service était souvent remplacé par une redevance versée dans la
caisse seigneuriale, à l'exemple même du roi qui vendait à ses vassaux les
droits de justice en franc-alleu, c'est-à-dire en toute propriété, moyennant
bons et loyaux florins d'or d'Aragon.
Pressé, pressuré par la fiscalité du clergé, de
l'aristocratie ou de la couronne, le menu peuple tente d'esquiver les ponctions
jugées excessives. Il essaye, notamment, d'échapper à la leude de Conflent, sorte de péage-octroi dont le roi et le prieur
de Corneilla se partagent le produit.
Mais le procureur royal veille et, faute de
pouvoir obtenir le paiement du "tall"
(imposition-amende destinée
à compenser le préjudice) prononce la
saisie de bois appartenant à des habitants de Vernet, Pi et Mentet, pour
n'avoir pas acquitté la leude de Conflent. [28]
Avec la mort de Martin l'Humain, en 1410, la dynastie
catalane issue de Joffre-le-Poilu prend fin pour faire place à la dynastie
castillane, représentée par Ferdinand d'Antequera porté au pouvoir à l'issue du
Compromis de Caspe. Le mécontentement,
puis l'exaspération des Catalans devant la nouvelle politique, qui portait
atteinte à leurs privilèges, déboucha sur une véritable crise.
Le 8 février 1461, le
somatent, insurrection légale, est proclamé contre le roi. Jean II, sentant
la situation lui échapper, demande l'aide du roi de France, Louis XI. Le 9 mai
1462, est signé, à Bayonne, un traité fixant à 300.000 écus d'or le prix du
secours des troupes françaises à la couronne d'Aragon. En garantie, Jean II
hypothèque le Roussillon et la Cerdagne qui, en cas de non-paiement, seront
annexés à la France.
Une première armée française, sous le commandement du
comte de Foix, traverse le Roussillon, va libérer, à Gérone, la reine d'Aragon
et son fils, Ferdinand, assiégés par les Catalans, mais reflue après avoir
vainement tenté d'investir Barcelone.
En 1463, Louis XI envoie une deuxième armée, sous les
ordres du duc de Nemours, prendre Perpignan et Puigcerda, annexant de fait les
comtés de Roussillon et de Cerdagne. Un vice-roi, Jean de Foix, est nommé à la
tête de la nouvelle province. Pour l'appuyer, il est fait appel à une des plus
puissantes familles de la noblesse roussillonnaise, fidèle à Jean II d'Aragon,
la famille d'Oms
Bernard d'Oms, sénéchal de Beaucaire, fut adjoint au
vice-roi, avec le titre de gouverneur. Son père, Charles d'Oms, seigneur de
Corbère, conserva la charge de procureur royal et de capitaine du château de
Perpignan tandis que son cousin, Bérenger d'Oms, demeurait capitaine du château
de Collioure.
Ce dernier, Berenger
V d'Oms, était, à sa mort, en 1468, baron de Montesquiu, gouverneur de Cotlliure,
vice-roi de Majorca, seigneur d'Oms,
Tallet, Caudiers, Creu et Vilanova en Capcir, Les
Cluses, Aytuà, Toren, Sahorra, Pi et Mentet.
Louis XI, ne doutant pas un instant de la loyauté de ce noble lignage, laissa
la place forte de Collioure à la garde de son fils, Guillaume d'Oms.
La confiance du roi de France était bien mal placée, la
famille d'Oms demeurant, avant tout, attachée à la cause du roi d'Aragon. Sa collaboration
à l'administration française dura le temps de la Révolution catalane, mais
lorsque Jean II reprit le contrôle des villes du Principat, en 1472, elle se
retrouva à la tête du mouvement patriotique et libérateur contre l'occupant
français.
Le 13 avril 1472, Guillaume d'Oms se révolte à Collioure.
Le 1er février 1473, à trois heures du matin, Bernard d'Oms est aux côtés du
roi d'Aragon, lors de son entrée triomphale dans Perpignan en liesse.
Hélas!, le règlement de la succession de Castille devait
bientôt accaparer toute l'attention de Jean II, soucieux de réaliser l'unité du
futur royaume d'Espagne au profit de son héritier, Ferdinand d'Aragon, marié à
l'infante Isabelle de Castille. Il sacrifie à ce grand dessein son peuple du
Roussillon. Les troupes de Louis XI envahissent à nouveau le pays et soumettent
Perpignan à un troisième siège particulièrement rigoureux.
Bernard d'Oms, qui défendait la cité d'Elne, est fait
prisonnier. Amené au château de Perpignan, il y sera exécuté. Jean II d'Aragon,
après avoir décerné à Perpignan le titre de Fidelissima,
la laisse à sa lutte solitaire contre ses assiégeants. La ville capitulera le
10 mars 1475. La deuxième occupation française des comtés de Roussillon et de
Cerdagne peut commencer.
Elle durera jusqu'au traité de Barcelone. Le 13 septembre
1493, Ferdinand et Isabelle, les "Rois
Catholiques", sont reçus à Perpignan par une foule dont l'enthousiasme
résiste à la pluie qui tombe à seaux.
Plus qu'à la Catalogne, nos contrées reviennent au
nouveau royaume d'Espagne. Au lieu de retrouver les anciens "Usatges" de Barcelone,
garants de leurs libertés, elles vont subir l'autoritarisme castillan en
passant sous le joug du centralisme madrilène.
Avec l'ère des grandes monarchies, puissantes et
unifiées, s'ouvrait, pour nos petits pays une nouvelle période qui clôturait le
Moyen Age. Elle débutait par la domination espagnole.
L'ANCIEN REGIME
Arrivé en haut du Serrat
dels Abeuradors, Jaume s'arrêta un instant. Devant lui,
de l'autre côté de la vallée, le village sortait à peine de l'ombre portée de
la Pinosa de Moscalló. Le soleil atteignait maintenant le ravin du col et sa
nouvelle lumière révélait les toitures effondrées qui béaient sur les pans de
murs noircis par l'incendie.
Après avoir tout saccagé, les pillards étaient partis
pour d'autres lieux et d'autres méfaits. Cependant, par une sorte de crainte
superstitieuse, le berger préféra éviter la traversée du village fantôme. Il
franchit la rivière peu avant son confluent avec l'Alemany et grimpa droit à travers los Peironets et lo Gelat
pour ne rejoindre le chemin du col qu'en haut des Casots.
De toutes façons, il échappait ainsi au risque d'une
mauvaise rencontre avec quelque bandoler
caché dans les ruines. Mieux valait se montrer méfiant pour préserver les bons
florins enfouis au fond de
A l'aller, le voyage avait été semé d'inquiétudes. Ce
n'était pas une mince affaire que de conduire la vingtaine de borrecs à travers la Carançà pour atteindre Nùria puis Ribes, en espérant que les bandits aient rejoint leur repaire du Puig dels Lladres après leurs rapines
traditionnelles de la Sainte-Marie.
Au retour, Jaume avait choisi de passer par la Portella de Mentet, ce qu'il avait fait
juste avant que le jour ne se lève, par précaution supplémentaire. A Camprodon, on lui avait assuré que la
bande de gascons du Fezensac s'était dirigée vers les Garrotxes, laissant le champ libre vers Mentet et
Il avait l'intention de rejoindre Villefranche pour y
mettre son or en sécurité puis de remonter de là vers les pasquiers du Capcir
où l'attendait son frère, cabaner du
troupeau de Francesc Pallarès de
Rigardà. Ensemble, ils redescendraient sur Ropidera
pour la Saint-Michel, quittant la Coma de
Pontells avant que le temps ne se gâte vraiment.
A quelques pas du col, Jaume se retourna une
dernière fois avant que le village abandonné ne soit hors de vue. Du fond du
ravin il crut entendre monter une plainte, exhalaison douloureuse qui le fit
frémir d'un long frisson. Il songea aux âmes sans repos de ceux qu'il avait
connu jadis, peinant sur cette montagne ingrate, et qui étaient morts de mort
violente, leur fragile existence tranchée net sous le coutelas des brigands.
Il s'empressa de franchir le passage, accueilli par une
froide bouffée de tramontane tandis que se dressait soudain devant lui la masse
imposante du Canigou. Rabattant d'un geste brusque sa vaste cape, le berger
plongea vers Campelles dans une fuite
mêlée d'effroi et de terreur.
La ruine de Mentet, désolé et dépeuplé, tarit la source
de tous les revenus que les Bérenger d'Oms tiraient de cette haute vallée.
Nouveau seigneur de la famille d’Oms, don Antoine de Sammanat et de la
Nussa, pour tenter de redonner vie au village et de la valeur à ses terres,
décide alors de l'inféoder à douze particuliers, à charge pour eux d'y fonder
une communauté afin de repeupler l'endroit et d'y attirer de nouveaux
habitants. C'est de l'installation de ces douze "cammasats" ("capmasats" en català normatiu) que découle
l'institution originale de l'indivision des terres qui constitue la
caractéristique principale du droit foncier
local.[29]
Institution originale, certes, mais loin d'être une
exception en cette époque troublée où l'indivision s'installe également à Oleta, à Èvol, à Aiguatèbia, à Ralleu et à Sansà, dans ces Garrotxes toutes
proches.
A Mentet, le seigneur n'a pas indiqué à chacun sa portion
individuelle. Les bois, montagnes et pacages sont indivis entre tous. Seuls le
champ, la maison ("camp-masat")
avec son jardin, sont propriétés particulières.
L'acte d'inféodation, dont la minute est déposée en
l'étude du sieur Queya-Anglès, est
daté du 17 août 1613. Il précise,
entre autres, les conditions du droit d'usage du bois des forêts par ses
bénéficiaires "... il leur sera
permis de couper du bois pour construire les douze maisons qu'ils s'engageaient
à bâtir, pour réparer les dites maisons, ainsi que pour leur usage pour faire
du feu dans les dites maisons...".
Le 11 août 1633, une nouvelle concession est
signée par le seigneur d' Oms et de Santa Pau, fils de don Antoine de
Sammanat et de la Nussa, confirmant, vingt ans après, l'inféodation faite
aux douze cammasats par son père. C'est plutôt cet acte de 1633 qui sera
retenu et dont des extraits seront collationnés par Antoni Crosa, notaire à Villefranche-de-Conflent, notamment dans la
requête en date du 31 janvier 1765 de Louis
Escaro, pagès de Sahorre, à l'intendant du Roussillon, au sujet de la ferme
du surplus des pacages de Mentet.
Car confirmation du véritable contenu de cette
inféodation sera bientôt donnée par la justice quand les premiers différends
seront portés devant elle.
Dans une ordonnance [30]
rendue le 30 janvier 1766, le viguier du
Conflent précise, suite à la requête du 31 janvier 1765, que "...l'inféodation des dits pacages a
été faite aux dits douze particuliers comme communauté dans la vue de peupler
le dit lieu et d'y attirer des habitants, car autrement le seigneur aurait
indiqué et divisé à chacun sa portion particulière, et il appert d'autant plus
que c'est là le vrai sens de l'inféodation que tous les habitants
indistinctement compris ou non compris dans icelle ont joui jusqu'ici du même
droit de pacage dont ils auraient dû être autrement exclus, ce qui achève de
confirmer ce qui vient d'être dit que c'est comme communauté que les dits
pacages ont été cédés par le dit seigneur, objet corroboré encore, tant par la
délibération du 8 juillet 1744 duement homologuée et par les requêtes y
annexées, le tout joint aux pièces du même suppliant, que par la manière d'agir
des baile et consuls de Mantet, qui non seulement afferment les dits pacages et
en retirent le montant, mais encore interviennent dans tous les actes qui y
sont relatifs, chose qui serait inutile si les dits pacages n'appartenaient
qu'à douze particuliers."
Dans un nouveau
procès dont la sentence sera rendue le 1er frimaire de l'an VII (21
novembre 1798) l'administration du Directoire considère que "par la concession du 11 août 1633
tous les herbages pouvant venir au territoire de Mantet furent cédés aux
habitants de cette commune,
que la montagne de Capmagre se trouvant située au territoire de la
commune de Mantet, les herbages qui y viennent ne peuvent être enlevés aux
habitants de cette commune,
qu'elle a constamment joui des droits dans lesquels elle demande à être
maintenue,
maintient cette commune dans la jouissance de ses droits sur les
herbages de la montagne dite de Capmagre, à
la charge par elle d'acquitter les droits de pasquiés auxquels sont
tenus les bestiaux qu'elle introduira dans son territoire venant d'Espagne...
...que la concession a été faite par le ci-devant Seigneur d'Oms et de Santapau, ce qui
semble prouver que la commune de Mantet doit avoir d'autres titres que ceux qui
sont maintenant joints à des pièces, puisqu'il est certain que la concession
est de 1613 et qu'elle a été faite par Don Antoine de Sammanat et de
LaNousse."
Voici donc clairement fondé le droit communautaire sur
les pacages et, mutatis mutandis, sur
les bois et montagnes de Mentet, comme des actes ultérieurs
[31]
viendront encore le préciser au cours du XIX° siècle, confirmant le caractère
perpétuel de ces droits.
Bien que le résultat de cette recherche soit
particulièrement aléatoire, il n'est pas inintéressant de tenter de retrouver
les noms de nos douze "cammasats"
dans la succession des actes d’état civil et de ceux réglant les conditions
de l'indivision. Par ordre décroissant de certitude, nous pourrions citer :
1 .- RESPAUT
2 .- FILLOLS
3 .- OLIVA
4 .- CALVET
5 .- CLASTRES
6 .- ARNAUD
7 .- VIDAL
8 .- DRAPER
9 .- ALABERT
10 .- BELLAIRE
11 .- MONÉ
12 .- LAFORGA
Comme ces noms sont plutôt de langue d'oc que catalane,
il est probable que ces colons soient, pour la plupart, d'origine occitane. Le
Roussillon et le Conflent ont connu alors une très forte immigration venue de
France pour combler les vides creusés dans la population autochtone décimée par
la guerre, la famine et
L'isolement et sa conséquence, une certaine endogamie,
ont contribué à forger un type de montagnard dont les reliques vivantes étaient
encore visibles trois cents ans après à Mentet. Relativement sveltes, minces et
élancés, les Fillols et les Vidal rencontrés en 1960 se
distinguaient de leurs voisins de Pi, grands, larges et massifs, autant que de
ceux de Setcases, plutôt courts, trapus et pansus.
Il ne faudrait pas croire pour autant que l'indivision
ait transformé la communauté de Mentet en une sorte de ville franche ou de
commune libre. S'ils se trouvent bien "co-propriétaires
des bois, montagnes, terres et
pacages situés dans le territoire de
Mantet", les indivisaires prennent cependant grand soin de laisser en
dehors des règles établies "les
propriétés qui appartiennent à eux et à d'autres par titres particuliers".
De plus, le
seigneur garde toutes ses prérogatives en matière d'administration civile et
militaire, de justice et de fiscalité. Il est représenté sur place par le batlle qu'il choisit parmi les notables
du village et à qui il confère des pouvoirs de police très étendus.
Les hostilités
reprennent entre l'Espagne et la France, après la déclaration de guerre de
1635. Les armées françaises pénètrent en Roussillon au début du mois de juin
1639. La révolte des Segadors catalans
contre l'impérialisme castillan, incarné par Olivarès, va favoriser la
politique de Richelieu. Le 15 août 1640, un traité d'alliance est signé entre
le Principat et Louis XIII. Le roi de France devient comte de Barcelone. Après
le siège le plus terrible que la capitale du Roussillon ait subi, la garnison espagnole
de Perpignan capitule le 29 août 1642. Cet événement connut un grand
retentissement dans toute l'Europe. Il est entré dans l'histoire avec ces
phrases célèbres de premiers ministres s'adressant à leur monarque :
Olivarès, au comble du
désespoir, se jette aux genoux de Philippe IV :
- "Sire, Perpignan est perdu!"
- "Il se faut soumettre à la volonté de Dieu" lui répond
un roi d'Espagne quelque peu fataliste.
Quant à Richelieu, alors
bien près du trépas, c'est avec "une
indicible joye" qu'il écrivit
à Louis XIII :
- "Sire, vos armes sont dans Perpignan et vos ennemis sont
morts",
les ennemis du roi de France
étant, en l'occurrence, non pas les soldats du roi d'Espagne, mais Cinq-Mars et
de Thou, représentants de la plus haute noblesse française qui venaient d'être
exécutés après la découverte de leur vaste conspiration contre la politique du
cardinal.
En Roussillon, la noblesse a aussi ses problèmes.
Débitrice de ses privilèges envers le roi d'Espagne, il a fallu qu'elle réponde
à son appel pour aller combattre l'envahisseur français. La fortune des armes
lui ayant été contraire, c'est maintenant le temps de l'exil et des
confiscations.
A Mentet, le dernier seigneur appartenant à la famille
d'Oms est don Ramon d'Oms de Santa Pau i
d'Oms. Fidèle à Philippe IV, il a participé aux batailles du Principat, à
Puigcerdà, à Santa Pau, en Besalù.
Le traité des Pyrénées, signé dans l'île des Faisans
le 7 novembre 1659, rattache définitivement à la France le Roussillon, le
Vallespir, le Conflent, le Capcir et le "Pays
adjacent" de Cerdagne.
Dans son article 55, il
accorde une pleine et entière amnistie à tous les catalans qui ont pris le
parti de l'Espagne. L'article 58 précise qu'ils rentreront en possession de
leurs biens :
"Toutes donations de biens confisqués sur des Catalans ou des
Roussillonnais doivent cesser d'avoir leur effet le jour de la publication du
Traité de paix. Les anciens propriétaires en reprendront possession, mais sans
pouvoir exiger de ceux à qui ces biens avaient été cédés aucune restitution des
fruits perçus en vertu de ces donations."
L'application de ces dispositions provoque des
différends, récupérations et compensations ne se faisant pas toujours à
l'amiable. Le seigneur de Mentet fut l'une des victimes de ces nombreux procès
en restitution. Le 20 août 1682, une sentence est rendue contre lui, déclarant
nulle la vente et l'aliénation de la baronnie de Montesquieu.
Don Ramon d'Oms est ainsi
condamné "aux dépens et à la
restitution des fruits depuis l'injuste possession, pour le paiement et à la
liquidation desquels il perdit et fut dépouillé des autres terres et
seigneuries qu'il possédait en Roussillon, savoir : Claira, Saint Laurent de la
Salanca, fours de Collioure, Sahorre, Fulla, Pi, Thorent, Mantet et Ralleu." [33]
Dépossédé de ses biens, il
reçut, en compensation, une pension mensuelle de 150 écus, puis mourut sans postérité. [34]
Ainsi se termine la longue liste des membres de la famille
d'Oms ayant exercé leurs droits seigneuriaux sur Mentet depuis la fin du
Royaume de Majorque.
Les biens confisqués à Don Ramon d'Oms sont donnés par le
Roi à Joseph de Caramany, maréchal de camp,
[35]
avant de se trouver aussitôt répartis, en 1684, entre Sylvestre du Bruelh, qui devient baron de Montesquieu et seigneur
de Mentet et de Toren, [36]
tandis que Clément Dubois de Boisambert reçoit,
pour sa part, Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, les fours royaux de
Collioure, Ralleu, Sahorre, Fuilla, Pi, avec les montagnes de Rojà et de Caret.
[37]
La haute position stratégique du nouveau seigneur de
Mentet explique les faveurs dont il bénéficie de la part du nouveau régime. Sylvestre du Bruelh est gouverneur du
fort de Bellegarde, verrou du passage du Perthus et gardien de
Mais, pendant ce temps, loin de Bellegarde et de ses
rumeurs guerrières, Mentet vit d'autres préoccupations. La nouvelle
administration française pèse de tout son poids sur le petit peuple de nos
montagnes. Les forges catalanes ferment une à une à cause des droits très
lourds qui frappent désormais le fer, et, surtout, l'ancienne franchise sur le
sel est supprimée avec l'institution de
Ici comme ailleurs, par conséquent, les gabelous sont
voués aux gémonies et les
"angelets de la terra" trouvent un ferme soutien dans leur lutte ouverte
contre les forces régulières de Francesc Sagarra. Pourtant, le village,
peut-être excellent diplomate, n'est pas inquiété dans les retentissants procès
de 1670 sur les "émeutes, incendies,
sacrilèges, homicides, attroupements avec port d'armes et autres violences
commises dans les lieux et montagnes du Vallespir et en quelques lieux du
Conflent par les séditieux «appelés vulgairement Angelets»...qui avaient empêché le
commerce et le repos public pendant plus de trois mois, en occupant les villes
et lieux desdites montagnes, prenant les armes contre les troupes et officiers
de justice, empêchant le recouvrement et administration des droits du Roi et
particulièrement de la gabelle..." [38]
"...par
sentences données...du 30 mai au 20 août 1670, soixante-onze individus de
divers lieux desdites montagnes ont été déclarés contumaces et défaillants,
rebelles, infidèles et traîtres, coupables du crime de lèse-majesté au premier
chef, et ont été condamnés à être livrés à l'exécuteur de la haute justice,
«lequel traisnant par terre ledit Hereu
Just, Joseph Trinxeria de
Prats-de-Mollo, et Damien Noell, de
Serrallonga, chefs desdites séditions, les conduira en la place publique
d'Arles et en un eschafaut qui y sera dressé pour cet effect, les degollera et
estranglera,... mettra à quatre quartiers chacun desdits cadavres et posera la
teste de chacun d'iceux dans une cage de fer, et ensuite les pendra, celle
dudit Trinxeria à la porte de la
ville de Prats-de-Mollo, celle dudit Noell
à l'endroit le plus eslevé de la place de Serrallonga, et celle dudit Hereu Just en une des portes de ladite
ville d'Arles, et les quartiers desdits cadavres par les chemins royaux
desdites villes;» pareille peine a été prononcée contre Pierre-Paul Ventos, de Sahorra,
un des chefs de ladite sédition, lequel sera mis à mort à
Villefranche-de-Conflent,..."
Les commissaires du Conseil
souverain ne se contentent pas de châtier les fortes têtes. Ils condamnent
aussi les villes et les villages qui ont trempé dans
Il n'en ira pas de même, trois ans plus tard, avec les
confiscations de 1673 au profit du roi de France : mines d'Escaro, dîmes, rentes, forges de Nyer, Thués, Real, La
Cassanya, Burdull, Mentet, Py et Sahorra. [39]
Le gouverneur de Bellegarde, qui a d'autres chats à
fouetter, laisse à son procureur le soin de gérer son lointain domaine. C'est
donc celui-ci qui nomme un certain Joseph Lafalla, de Pi, aux fonctions de
sous-bailli de Mentet, le 18 juillet
1684. [40]
Mais, en matière de protection, mieux vaut ne pas trop
compter sur le seigneur des lieux, qui ne saurait s'opposer efficacement, en
cette zone frontalière incertaine, aux incursions des Miquelets, fusiliers de montagne, membres des milices sud-catalanes
recrutées à partir de 1689 pour lutter contre les Français.
En 1694, le bailli et les habitants de Mentet écrivent à
l'Intendant pour se plaindre d'avoir été ruinés par les miquelets d'Espagne : "la moitié des femmes qui furent
dépouillées par les dits miquelets, sont mortes cet hiver, on ne sait si c'est
de la frayeur qu'elles eurent ou du froid, n'ayant pas eu le moyen de
s'habiller du depuis, car la famine y est presque, n'ayant recueilli aucuns
grains à cause que la grêle s'en emporta tout".
Ils demandent d'être
dispensés de fournir "ni foin ni
paille de toute cette année et de les défrayer de tail jusques au mois de mai à
cause de leur grande infortune tant de la grêle que du vol, et les suppliants
prieront Dieu pour la santé et prospérité de Votre Grandeur".
[41]
L'Intendant, compatissant, leur accordera un secours pris
sur le produit de la taxe des charrettes.
Sylvestre du
Bruelh, seigneur de Ferrières, était, en 1662, lieutenant pour le Roi à la
citadelle de Perpignan. Nous le retrouvons gouverneur du château des Bains (d'Arles)
en 1675, puis gouverneur de Bellegarde, pour le moins de 1681 à 1715, ce qui
fait une belle carrière de plus de cinquante ans de garnison en Roussillon.[42]
Clément Dubois de
Boisambert de Caramany était lieutenant du Roi du Roussillon et possédait,
outre les seigneuries précédemment énumérées, des droits d'albergue pour le
four banal et les boucheries de Foix, des droits pour les justices de Salses et
une censive sur le ruisseau de Corbère.[43]
En vertu d'une transaction qu'il a passée avec les
habitants de Mentet, la montagne de Caret,
qu'il avait reçue parmi les biens confisqués à don Ramon d'Oms, redevient
dépendance de la terre de Mentet. Après sa mort, Sylvestre du Bruelh, seigneur
du lieu, ne manque pas de réclamer cette possession à sa veuve, la dame de Boisambert.[44]
Lors de sa prise de possession de Railleu, le 20 mai
1687, Monsieur de Boisambert était accompagné de Jean Satgé. Natif de Molitg, Jean Satgé devait déjà être un riche
pagès, soucieux de faire prospérer son patrimoine. Il est probable que des intérêts
communs liaient les deux hommes, Jean Satgé escomptant trouver bénéfice dans la
gestion des droits possédés par le riche seigneur. Il avait affermé les octrois
de Corbère, terre d'où Monsieur de Boisambert, bien qu'il n'en soit pas
seigneur titulaire, tirait d'importants revenus, tels la censive sur le
ruisseau.
Jean Satgé a pour fils Jean-Jacques Satgé. C'est lui qui va
fonder la nouvelle dynastie des barons Satgé
de Toren, seigneurs d'Huyteza et de Mentet
jusqu'à la Révolution.
Jean-Jacques Satgé
a hérité de son père son âpreté au gain. Il développe une intense activité pour
s'enrichir dans le négoce à Prades et à Perpignan. Renouvelant la formule qui
avait réussi à son père à Corbère, il afferme les octrois de Prades puis, en
1732, coup de maître, les très importants revenus du Prieuré de
Corneilla.[45]
Détenteur, dès lors, de la moitié du produit des pasquiers royaux, il pratique
l'élevage et possède un troupeau de cent cinquante moutons, ce qui est beaucoup
à cette époque où la laine se vend fort cher.
Sa fortune est telle qu'il peut désormais réaliser son
rêve, accéder à
Son ambition s'étend également au domaine de la vie
publique. La charge de bailli de la ville de Prades étant devenue vacante à la
suite du décès de son titulaire, Onuphre
Bordes, Jean-Jacques Satgé se trouve en concurrence avec Jacques Circan, notaire de son état,
qui a déjà exercé, tout comme lui, des fonctions municipales.
Les renseignements fournis sur les deux hommes à cette
occasion permettent d'avoir une idée de l'appréciation portée par leurs
concitoyens sur la personnalité respective de Jacques Circan et de Jean-Jacques
Satgé : "le premier exerce depuis
longtemps différents emplois à l'hôtel de ville à la satisfaction du public; le
second est un homme vif et emporté qui est fort dérangé dans ses affaires, et
qui ne s'est pas si bien acquitté que le sieur Circan des charges qu'il a
exercées pour la communauté."
[46]
Malgré le "dérangement"
de ses affaires, Jean-Jacques Satgé établit ses deux fils comme avocats à
Prades. Après sa mort, Dominique devient seigneur haut-justicier d'Huyteza, en
1768, tandis que Jean-Cyr lui
succède comme baron de Toren, seigneur haut-justicier de Mentet.
Jean-Cyr Satgé,
qui signe "Satgé de Toren", gère la seigneurie de Pi, par procuration de l'abbé de
Camprodon, qui en est toujours le seigneur titulaire. Il y achète deux moulins
à farine et un arrêt du Conseil d'Etat du 6 août 1776 lui permettra d'y
construire un moulin à scie.
Mais il ne gère pas directement et totalement sa terre de
Mentet, puisque c'est le syndic du
chapitre de l'abbaye de Saint-Martin-du-Canigou qui y représente le seigneur.
Le produit des dîmes de Mentet rapporte
A Toren, le
château est estimé à
Déjà, les Satgé faisaient
partie des "nobles ou jouissant du
privilège de noblesse", signataires du mémoire contre les
insaculations faites en 1752 à Prades, pour le motif qu' "il serait fâcheux pour eux de se voir toujours pêle-mêle et en
concours avec des personnes qui, quoique honnêtes gens, ont pourtant un état
inférieur au leur. La nécessité l'a pu exiger autrefois, mais elle n'y est plus
aujourd'hui. Il serait également honteux pour les jeunes nobles ou jouissants,
de se voir préférer des roturiers qui, bien qu'âgés de 45 ans, n'en sont pas
moins roturiers."
[48]
Le seigneur de Toren ne craint pas le ridicule d'un
procès en justice contre la communauté de Sahorre pour la reconnaissance de
certains droits honorifiques dans l'église.[49]
Quant à Madame Satgé
de Toren, née Louise de Bordes, épouse de Jean-Cyr, elle connaissait si bien le
péché d'orgueil de son mari qu'elle écrivait, le 9 mai 1780, à l'intendant de
la province, à propos d'une taxe de
Le bailli de Mentet, qui administre la communauté sur
place pour le compte des seigneurs, a surtout à connaître de la transmission
des suppliques demandant exonération ou réduction d'impôt au titre de la
capitation de la part des 15 contribuables dénombrés en 1777, de l'instruction
des procès relatifs aux pacages et de l'estimation des dommages causés par les
inondations des rivières de la Portella
et de Camp Magre. [51]
Celles des 16 et 17 octobre 1763 furent particulièrement
dévastatrices. Les indemnités attribuées à titre de secours par la viguerie de
Conflent et de Capcir à la suite de ces calamités naturelles faisaient trop
souvent l'objet d'une répartition par trop inéquitable provoquant
récriminations et recours à l'autorité publique.
C'est ainsi qu'à propos du dédommagement des dégâts dus à
de nouvelles inondations, en novembre et décembre 1777, "les habitants de Mentet ont distribué ladite somme non comme il
leur a été prescrit, mais ils ont suivi exactement le rôle, ils n'ont pris que
la peine d'en exclure les étrangers bien-tenants et se sont approprié et
partagé le tout entre eux... Ils n'ont pas même appelé ni seigneur ni curé et
ce, parce qu'ils n'auraient été ni pu être de leur avis; sans doute les
habitants de ce village confrontants avec l'Espagne sont accoutumés à vivre à
leur guise, éloignés comme ils sont de leurs supérieurs."
[52]
Il y a là un jugement sur
les habitudes locales que l'avenir ne démentira pas en maintes circonstances,
même en des temps tout à fait présents!
De son côté, le curé sollicite des secours pour les
pauvres. Après avoir été une simple annexe de la cure de Pi, puisque l'évêque
interdisait, en 1741, à tout prêtre de célébrer la messe dans l'église de
Mentet sans la permission du curé de Pi, la paroisse fut rétablie et
administrée par ses curés propres : Joseph Cases en 1758, Sudre en 1776, Labrua
en 1782, Joseph Maquel en 1787.
Ce dernier fournissait alors à l'intendant de Roussillon,
Raymond de Saint-Sauveur, des renseignements jugés intéressants sur l'effet des
eaux minérales de Vernet-les-Bains. L'intendant, remerciant le curé, lui disait
ne pouvoir s'occuper pour la province de mettre ces bains en bon état tant
qu'ils appartiendraient à un propriétaire particulier qui retirerait tout le
bénéfice d'un établissement aménagé comme il devrait l'être. [53]
Néanmoins, à la veille de la Révolution, des brevets du
Roi nomment les sieurs Barrère, intendant, et Jonquet, chirurgien-major, des
eaux minérales de Vernet-en-Conflent.
L'EPOQUE CONTEMPORAINE
Suspendu au zénith, en dessus du Cap del Bac, un soleil de plomb écrasait montagne et vallée.
Chauffé à blanc, l'azur du ciel avait viré en une transparence laiteuse. Sur
l'amoncellement des rochers des tarters,
l'air en feu vrillait en volutes qui semblaient vibrer au rythme du chant des
insectes. Dans l'incandescence de juillet, Jan de Llorenç faisait son foin au
pré du Ressec.
En escadrons serrés, les mouches tournoyaient autour du
méchant carré de tissu dont l'homme tentait de protéger sa nuque moite. La
sueur ruisselait de son front et, longeant l'arête du nez, tombait à terre en
gouttes épaisses, lui piquant les yeux au passage. Sous la faixa qui enserrait ses reins, le drap borrell trempé collait à
Entre les dents du râteau, manié en vives et régulières
allées et venues, l'herbe sèche crissait en dégageant une odeur âcre de
poussière surchauffée. Le souffle court, le faneur s'arrêta pour un instant de
répit et se dirigea, la gorge rêche, vers la cruche cachée au creux du buisson.
A l'ombre de l'églantier, couché de tout son long, langue pendante, Pardo haletait sous son trop lourd
manteau de poils blonds. Le chien leva de petits yeux ronds vers son maître qui
étanchait sa soif en longues rasades bues goulûment, à la régalade.
Jan de Llorenç reposa le cruchon
dans son nid d'épines et s'essuya les lèvres d'un revers de main. Son regard
contourna le paller dressé au milieu
du pré. Au-dessous de la meule, la frêle silhouette noire de la Marie continuait à s'agiter, retournant
l'herbe en alignements parallèles.
La Marie, sa Marie, qu'il avait connue si vive, si
alerte au travail, abattant la tâche à l'égal d'un homme, ne ressentait-elle
pas plus facilement la fatigue maintenant ? Les années avaient courbé son
échine, les disettes creusé son ventre et les maladies affaibli son jarret. Et
la mauvaise vipère qui l'avait piquée à la cheville en début d'été, la clouant
au lit pour deux jours de transe, n'avait fait qu'accentuer une certaine
raideur dans sa démarche.
Il l'appela de sa voix rugueuse, autant pour la
soustraire un moment à son labeur que pour l'aider à rassembler la charge de
foin qu'il comptait porter jusqu'au village. Le lourd ballot, une fois sanglé
des cordes qui l'assujettissaient à la saca,
fut élevé d'un coup de reins puissant sur le dos cassé en deux sous le poids.
Puis il descendit, à pas mesurés, jusqu'au chemin et, de là, entreprit
l'ascension de la rude montée du Roc de
Matacans.
Ahanant sous l'effort, les deux mains rivées au fardeau
brinqueballant à chaque irrégularité de la marche, le paysan maintenait à grand
peine son équilibre. Les pierres qui roulaient sous ses pas réveillaient la
vieille douleur enfouie à l'extrémité de sa jambe, là où l'ancienne fracture,
mal consolidée, lui avait laissé un pied tors, au balancement ridicule et qui
le faisait boiter bas.
Pied des souffrances de toute une vie, depuis les
quolibets de l'enfance, accompagnés des jets de caillou des gamins de son âge,
jusqu'aux moqueries avinées d'aujourd'hui, franchissant le seuil des estaminets
à son passage, sans oublier l'affront des plaisanteries des filles, au temps
des bals interdits de sa jeunesse.
Au-dessus du Bosigot,
la montée avait fait place à un faux plat ressenti comme une délivrance. Passé
le tournant du Serradet, la descente
s'amorçait franchement, quasi libératrice.
Le chien sur ses talons, Jan de Llorenç était
parvenu au dernier coude du chemin quand, soudain, il tomba nez à mufle avec Sauma, la mule de Jep Respaut, suivie de
son propriétaire.
L'affrontement était total, inéluctable. L'étroitesse du
sentier ne permettait aucun croisement aux deux équipages. En amont, se
dressait le mur en pierre sèche qui soutenait le haut talus du Serrat de Lareu. En aval, le Ribàs dévalait en falaise jusqu'aux
profondeurs du ravin du Col.
Jep Respaut n'était pas un homme accommodant. Il était
illusoire de croire qu'il pût reculer pour céder
Déjà son père avait réussi une belle escroquerie, en
1738, en vendant à Jean-Jacques Satgé -qui allait devenir le nouveau baron de Toren, seigneur haut-justicier de Mentet- le bois de la Pinosa, qui appartenait bel et bien à
la communauté des habitants de Mentet,
en vertu de l'indivision héritée des douze cammasats.
Le fils de cet industrieux Joseph s'était vite révélé à la hauteur de la succession en la
faisant fructifier dans le commerce de contrebande. De plus, comme c'était à
lui que l'on devait avoir recours pour l'emprunt des quelques mesures de seigle
ou d'orge nécessaires à la survie après les mauvaises récoltes, les profits
d'une usure éhontée n'avaient fait qu'accroître le pactole jusqu'à ce jour. En
cette époque de troubles, s'y ajoutait le produit de la véritable mise à rançon
des aristocrates sur le chemin de l'exil, que ce passeur professionnel
conduisait vers les mirages de la Cour d'Espagne, entrevus du haut de la Portella.
Rouge de colère devant l'obstacle imprévu sur le chemin
qui le conduisait à son cortal des Planells,
Jep
Respaut éructa :
- Via fora, Peu tort, o te
fotré la tripa al sòl amb la forca de ferro !
[54]
Jan de Llorenç, courbé sous son
faix, reçut l'injure habituelle avec une sensation nouvelle, comme s'il
s'agissait d'une fois de trop, dans un excès de lassitude à l'égard de la
méchanceté humaine. Toutes les humiliations subies refluèrent en lui tandis
qu'un élan de sang neuf venait battre à ses tempes. Il en eut tout à coup assez
de tant de bottes de foin perdues, éparpillées au flanc de la ravine, de tous
ces sauts de côté maladroits imposés par l'autorité souveraine de ces petits
potentats locaux.
Un ordre bref anima Pardo.
Le chien sauta au garrot de la mule qui, surprise par la soudaineté de
l'assaut, broncha hors de
Le ballot de foin parut subitement plus léger aux épaules
de l'infirme. Sa mémoire lui rappela l'écho des dernières nouvelles parvenues
de la lointaine capitale.
Ici, modestement, repoussait le regain de la Révolution.
Précédant le cabaretier dans la hiérarchie des notables, il y avait le meunier et, surtout, le maître-forgeron.
L'activité
métallurgique de Mentet remonte haut dans le temps. La présence de scories,
dispersées dans toute la montagne, révèle la multiplicité des emplacements des
anciennes forges "à bras",ou forges "volantes" à
une époque qui pourrait être antérieure au XII° siècle.
Cette dispersion s'explique,
d'après François Roigt, [55]
par le fait que les forgerons
"construisaient un fourneau dans la forêt, abattaient les arbres
autour, fabriquaient du charbon et déplaçaient le fourneau à mesure que la
forêt était épuisée. Au lieu de transporter le charbon, ils transportaient le
minerai." Toujours d'après François Roigt,
ces forges mobiles seraient contemporaines des premières forges hydrauliques. A
Mentet, l'utilisation de la force motrice de la rivière serait attestée par
l'acte de consécration de l'église, en 1102, qui, peu après avoir cité le
lieu-dit "Plane de Fourno" (Pla del Forn : plateau du four ou du fourneau à minerai de fer),
vraisemblablement situé à
L'extraction
minière, pour sa part, aurait laissé pour témoignage, dans la toponymie [56] de la zone du Coll de Mentet, le "Roc de la Mena", rocher
signalant l'affleurement du filon de minerai de fer exploité, sans doute, à
ciel ouvert, et "La Descarga", lieu où était déchargé le minerai
provenant de la mine.
Les efforts d'un Berenger d'Oms pour fonder un
véritable complexe minier et métallurgique comprenant mines et forges d'Aytuà, Toren, Sahorra, Pi et Mentet, s'expliquent par la puissance que devait conférer cette
position de maître des forges les plus réputées du Conflent, traitant un
minerai d'une richesse et d'une pureté exceptionnelles. Les Satgé
avaient succédé à la famille d'Oms dans l'application de cette
politique menée par les senyors ferraters
de l'aristocratie du fer dont faisaient partie les d'Oms et les de la
Nussa, mais aussi les Alemany, Cabrenç, Descatllar
et autres Banyuls, seigneurs bandolers
se livrant une lutte sans merci, à la tête de leurs Nyerros ou de leurs Cadells,
dans cette véritable guerre du fer.
Quant aux Satgé, seule la seigneurie de
Sahorre leur avait échappé. Elle était toujours entre les mains des Boisambert.
Dans une moindre mesure, c'était également le cas de Pi, qui appartenait à
l'abbé de Camprodon, mais dont ils avaient cependant procuration.
Le marteau de la forge, encore visible sur place à La Farga, étant daté de 1774, on peut
valablement situer à cette époque le nouvel emplacement de la forge au
confluent des rivières du Ressec et
de l'Alemany. C'est peu après, par un
arrêt du Conseil d'Etat du 4 mars 1777, que Jean-Cyr
Satgé obtient la permission de démolir la forge de Mentet et de la
reconstruite à Pi "pour faciliter
son approvisionnement et pour l'éloigner d'un lieu toujours exposé aux
incursions des brigands."
Néanmoins, la forge dut continuer de fonctionner sur
place, puisque survenaient, 17 ans plus tard, le 18 frimaire an III, le pillage
et l'incendie tant redoutés du baron et causés par "une incursion de brigands venus d'Espagne qui mirent la forge
sens dessus dessous, dispersèrent les ouvriers, brisèrent les meubles, pillèrent tout."
[57]
Jean-Cyr Satgé n'était pas là pour constater les dégâts.
Biens confisqués, tête mise à prix par le tribunal révolutionnaire, il avait
réussi à s'échapper vers l'Espagne en 1793. Il devait retourner en France, puis
y mourir, cinq ans plus tard, en l'an VI.
Maintenant, MENTET est devenu MANTET.
Mais la Révolution n'a rien changé à l'indivision des terres; la copropriété
des bois, montagnes et pacages est clairement confirmée dans plusieurs actes
notariés, tels celui du 16 juillet 1817, reçu par Maître Lavall, notaire à Prades, celui du 11 juillet 1834, dressé par Maître
Vincent Paris, notaire à Prades, et
celui du 9 juin 1854 par lequel Maître André Gay, notaire à Olette, fixe dans le détail le mode de jouissance
communautaire :
Trente-deux copropriétaires, héritiers des douze "cammasats" originaires, se
constituent en société ayant pour objet :
1° La conservation des parties boisées de ces
forêts et montagnes,
2° Le reboisement de celles qui ne le sont pas,
3° Une répartition équitable et proportionnelle des produits de
toute nature de ces bois, montagnes et pacages entre les ayants droit.
L'acte signale, au passage, que le partage, que la loi
autorise, serait très difficile et entraînerait des frais énormes, vu le grand
nombre de copropriétaires qui existe du fait des divisions et subdivisions qui
se sont opérées dans les droits. Loin de donner des résultats, ce partage
consacrerait la ruine inévitable des intéressés, parce que, le morcellement
consommé, le parcours du bétail se trouverait restreint et entravé et rendrait
l'élevage impossible, alors que c'est dans cette activité que les habitants de Mantet
doivent chercher leurs principales, et pour ainsi dire, uniques
ressources.
Désormais, un douzième de droit originaire permettra l'introduction
aux pacages de 300 bêtes à laine, plus 16 vaches, 4 juments ou chevaux et 16
chèvres, ce qui constitue un troupeau total de plus de 4000 têtes ou, comme
l'on dit, de
Jean Ricard,
Les terres sont maintenant cadastrées, à la suite des
opérations menées par Monsieur Caubet,
Géomètre du Cadastre, et terminées sur le terrain le 19 juillet 1824, Pierre Calvet étant maire.
Du début à la moitié du siècle, la population est passée
de 85 à 120 habitants. Après les guerres napoléoniennes, l'amélioration des
conditions de vie a favorisé cette progression démographique. La Restauration a
ramené
Mais la mortalité reste cependant très forte, les
épidémies demeurant fréquentes. La typhoïde, la variole - la "picota"
-, frappent; on redoute le choléra et, surtout, la peste dont l'éradication
n'est pas encore totalement assurée.
Sous le règne de Louis-Philippe, l'état sanitaire de la
population est toujours aussi précaire. Jean-François de Saunhac-Belcastel
est évêque de Perpignan et tempère la témérité de ses troupes par quelques
conseils de prudence dans l'assistance des malades en temps de contagion [58]
:
"Un curé doit
se souvenir alors qu'étant pasteur, il ne lui est pas permis d'abandonner son
troupeau dans un temps où sa présence lui est plus nécessaire que jamais, et
que, si, par une lâche crainte, il fuyait le danger, il se rendrait coupable de
la perte des âmes qui périraient faute des secours de son ministère. Il ne doit
pas néanmoins s'exposer témérairement au danger; la prudence et la charité
l'obligent d'user de toutes les précautions possibles pour éviter la contagion,
afin de se rendre utile à son peuple...
Un curé ou un prêtre
employé au service des paroisses affligées de la peste ou d'une autre maladie
contagieuse, doit prendre les précautions suivantes :
Il doit se munir des
remèdes que les médecins jugent propres à éloigner le mal, tels que celui de
respirer du vinaigre quand on est avec les malades.
Il pourra prendre une
soutanelle de toile cirée noire, si ce préservatif est jugé utile contre les
miasmes contagieux...
Voici les précautions
qu'il devra prendre dans l'administration des sacrements : ...
Quant au sacrement de
pénitence, le confesseur ne doit pas s'approcher du malade atteint de la
contagion, à moins d'une extrême nécessité, ni même entrer dans la chambre,
s'il peut faire autrement; mais il lui parlera à la distance de huit à dix pas,
en se tenant, autant que possible, au-dessus du vent...
Comme il n'est pas
nécessaire que le prêtre voie le malade pour le confesser et l'absoudre, il
sera bon que la porte de la chambre du malade reste fermée et que le prêtre
entende sa confession de dehors, s'il peut l'entendre assez distinctement, et
si le mal est extrêmement contagieux...
Le prêtre recommandera
qu'on rapproche les malades de la porte de leur chambre, et il leur
administrera l'Extrême-Onction et le viatique, s'il y a lieu, le plus
promptement possible, se tenant toujours au-dessus du vent, et ne s'approchant
du malade qu'autant qu'il sera nécessaire pour lui administrer
l'Extrême-Onction ou l'Eucharistie. Il ne fera qu'une seule onction sur les
yeux ou sur la bouche des malades, se servant même d'une spatule un peu longue,
afin de ne pas les toucher avec la main;...après celà, il passera la spatule
par le feu. On pourra donner la communion aux pestiférés dans une cuiller à
long manche, et ladite cuiller ou vase sera purifié avec du vin ou de l'eau que
le malade prendra pour ablution."
Comme on le voit, le progrès est en marche. Rien ne
saurait l'arrêter. En 1858, la voie ferrée atteint Perpignan. Mais les villages
du Haut Conflent sont encore bien éloignés de la capitale roussillonnaise. A
Mantet, il n'est question que des travaux de réfection de l'église dont il faut
élargir la nef et surélever le toit.
L'agent-voyer Hourdiaux
dresse un projet, le 8 octobre 1858. Il veut garder le mur nord, vraisemblablement
reconstruit en 1732 après le passage d'une avalanche, ainsi que l'abside
romane. De la sorte, la nef conservera sa longueur initiale de
Mais l'élargissement prévu à
Malgré tout, c'est une église considérée comme neuve que
visite Monseigneur l'Evêque de Perpignan, le 6 juillet 1866, accueilli par Jean Ricard, maire, et Charles Bosom, prêtre desservant. La
sacristie est encore en construction alors que l'on signale que le cimetière a
une étendue suffisante et qu'il est régulièrement clos, avec une croix au
milieu et une autre, en bois, à la porte d'entrée. Par contre, l'inventaire
dressé à cette occasion se termine par les mots laconiques "point d'archives" qui
tendraient à prouver que déjà les autorités locales consacraient leur stock de
vieux papiers à l'allumage du feu et au nettoiement de la poêle.
Il y a fort à parier qu'il s'agissait, surtout, de
formules de supplique tendant à obtenir, moyennant finances, dispense
épiscopale à l'empêchement au mariage pour consanguinité au 3ème degré entre
cousins Fillols et cousines Vidal ou inversement.
C'est à cette époque, en 1872 exactement, que la
population atteint son niveau maximum avec 201 habitants. En 1880, ce chiffre
est retombé à 145, puis à 133 en 1885. Jean
Ricard est toujours maire. Emmanuel
Fillols lui succède en 1886. La commune compte alors 157 habitants.
En 1888, Emmanuel
Oromi, peintre-doreur domicilié à Pia, effectue un travail de peinture et
de dorure dans l'église, vraisemblablement le retable et le maître-autel, pour
la somme de 700 francs.
Joseph Fillols
est maire en 1891, suivi de Pierre
Ricard, en 1895, lorsque le chemin de fer arrive à Villefranche. Pierre Ricard est toujours maire en
1898, date à laquelle le chiffre de la population atteint 160 habitants.
Les mantetaires sont
donc nombreux dans leur village aux derniers jours du XIX° siècle. La vie
quotidienne y est toujours très dure, mais la joie règne le soir, à la veillée,
autour de l'âtre familial, et dans les trois cafés où, parfois, les musiciens
viennent faire danser la jeunesse.
On continue toujours à commercer et à se marier, par delà
la frontière espagnole, avec les gens de Setcases,
plutôt qu'avec les frères ennemis de Pi,
du côté français, ces "pinachos"
auxquels on voue une inimitié tenace et séculaire autant qu'artificielle.
Pierre Vidal
est à la forge, Pierre Ricard au
moulin. Ils ont pour clients François
Calvet dit Commandant, Jean Calvet dit Magnou, Joseph Calvet dit Chet, Michel Calvet, Pierre Calvet dit Grinot, Calvet dit Toune, Jacques Clastres, Jean
Clastres dit Pachet, Joseph Clastres,
Pierre Clastres dit Lindou,
Clastres dit Michou, Pierre Corones,
La guerre de 1914 survenant, tous les hommes ne partent
pas pour le front. Suivant une tradition bien établie, certains passent la
frontière et vont trouver refuge en Catalogne du Principat. Plus tard, on
parlera, sans une nuance de mépris, du "déserteur"
fixé à Vilallonga ou à Camprodon.
Mais la saignée est cependant terrible et le dépeuplement
est en cours. La guerre de 1939 ne fera que l'accentuer. [59]
Les troupes allemandes d'occupation construisent, en
1943, un bucolique poste frontière, bâti en rondins, pour surveiller le passage
vers la Portella et l'Espagne, trop
perméable à leur gré. Située à
Le 7 avril 1944, les 95 habitants de Mantet sont chassés
de leur village par l'occupant qui les accuse de ravitailler les maquis du
Canigou. Au départ des Allemands, plusieurs maisons et cortals sont incendiés.
A la Libération, seuls les éleveurs reviennent.
C'est la fin d'une époque.
Plus de rires d'enfants, plus de fileuse de laine, plus
de moulin, plus de menuisier, plus de forgeron.
Le pain ne sera plus cuit dans les fours qui pendent au
ventre des maisons.
Plus de sabots, plus de beurre, plus de fromage fabriqués
sur place.
Plus de Saint-Jean, plus de Saint-Vincent.
Quand le sang neuf de la route atteint le village, en
1964, ils ne sont plus que huit foyers, et encore parce que c'est l'été;
l'hiver, seuls Fillols dit Mingras
et Fillols dit Lindou tiennent compagnie
au maire, Raphaël Vidal.
[60]
Cette route, à elle seule, a toute une histoire.
Le projet de désenclavement est bien vieux d'au moins
quarante ans.
Lorsque l'on se rend dans la commune de Nyer, on trouve un embryon de route, "la
route fantôme de Mantet", qui devait remonter le cours de la
rivière et relier les deux villages, offrant un débouché direct sur Olette, en ignorant délibérément Py et Sahorre. Apparus en 1914, les "planqués" du tronçon de
Nyer disparurent avant la fin des hostilités, laissant la route et ses tunnels
à l'abandon.
On revint à l'idée du tracé Py-Mantet en 1953, le Conseil Général
des Pyrénées-Orientales ayant décidé d'affecter à la construction de la
nouvelle route les chômeurs des mines de fer, alors particulièrement nombreux.
La route arriva jusqu'à Campelles, à cette "baraque", connue des seuls
vieux mantetaires, où la mule et
l'âne relayaient la voiture du ravitaillement apportant le pain, le vin et
l'épicerie.
Il
advint alors, certains hivers rigoureux, que l'hélicoptère apportât les vivres
essentiels, après les chutes de neige les plus abondantes.
En 1962, de nouveaux crédits furent débloqués et le bulldozer
se fraya un chemin dans la montagne pour atteindre le col de Mantet, à
Deux ans plus tard, la route parvenait enfin au village.
La découverte de la beauté du site, miraculeusement
préservé jusque là par son isolement, suscite bien des convoitises.
C'est l'époque de la ruée vers l'or blanc, des projets
grandioses de construction de stations de sports d'hiver de grand standing,
avec résidences de luxes, hôtels quatre étoiles, télécabines ultra-rapides,
pistes de ski vertigineuses et patinoires olympiques. Certaines industries
traditionnelles battant de l'aile, d' importants groupes financiers, attirés
par les perspectives alléchantes du tourisme hivernal, vont replacer leurs
intérêts dans des placements immobiliers en haute montagne.
En Belgique, c'est le cas d'un géant de l'industrie
papetière, qui tente d'acquérir, par l'intermédiaire d'une de ses sociétés
satellites, les droits indivis détenus par une foule d'originaires sur les
parcelles de terrain qu'il convoite en Haut Conflent. Un emprunt de 2.450.000
francs, souscrit auprès de sa propre banque d'affaires, émanation directe du
groupe, doit garantir le financement de l'opération.
Entre 1967 et 1971, les terrains sont acquis pour une
bouchée de pain auprès d'une multitude de petits propriétaires des communes de
Pi, Nyer et Mentet. Les actes de vente sont passés en l'étude de notaires plus
ou moins complices qui se gardent bien d'évoquer les conditions de l'indivision
d'origine des bois, montagnes et pacages. Au moins deux d'entre eux devront
répondre de leurs agissements en justice, dans les années 1970, et auront des
comptes à rendre à leur Ordre.
Mais les projets du groupe financier tournent court. Sa
banque, en état d'insolvabilité dès octobre 1974, fait l'objet de tentatives de
saisies judiciaires, ordonnées à son préjudice de 1974 à 1977. Elle tente alors
d'échapper à ses créanciers en essayant de vendre son domaine, par
sociétés-écrans interposées.
Ses intérêts sont camouflés par dispersion entre huit
sociétés civiles forestières et agricoles (S.C.F.A.).
C'est d'elles qu'il s'agira chaque fois que l'on évoquera les "sociétés" dans la presse ou
les réunions publiques :
S.C.F.A. de 1- l'Alemany; 2- Bassibes; 3-
Cambon; 4- Mantet; 5- Pomarole;
6- Py; 7- Rotja; 8- Tres estelles.
Les participations dans ces huit sociétés sont revendues,
fin 1976, à une autre société du groupe pour la modique somme de 350.000
francs. La mise en vente des
La revente se réalise par la suite, au profit des Caisses d'Epargne des Bouches-du-Rhône,
avec un très joli bénéfice pour les promoteurs initiaux de l'opération, que
l'on peut estimer à environ 28 millions de francs.
Gros bénéfices pour les grosses sociétés, mais coquets
bénéfices, également, pour des entreprises de moindre envergure mais néanmoins
de haute volée.
Telle celle que nous rapporte l'Indépendant du 9 octobre 1978 :
"Dans ce climat
d'optimisme -l'atmosphère était alors à la "touristification" tous azimuts- et dans le sillage des hommes d'affaires,...sont arrivés
quelques individus ayant flairé les combines possibles.
Ainsi, un certain Van Zille, qui fut l'un des premiers
promoteurs à acheter les droits indivis pour les "Sociétés", réussit-il à piéger huit
gogos de nationalité belge.
Ayant acquis
quelques dizaines d'hectares autour de la Coma
de la Dona à Mantet, un secteur
à la fois inhospitalier et inaccessible, Van
Zille réussit à vendre huit parcelles à des compatriotes persuadés de
réaliser un bon placement en attendant de construire leur résidence secondaire.
Les naïfs avaient
acheté sur la base d'une maquette montrant "Mantet,
paradis des Pyrénées" qui fut exposée dans toute l'Europe et d'un "plan" sur lequel la "station de ski de Mantet" et
la Coma de la Dona étaient desservis
directement par la voie ferrée (arrêt en gare d'Olette) et la R.N. 116.
Un beau matin, Van Zille est parti avec un petit sac
à dos, comme pour une randonnée en montagne. Un berger l'a vu passer la
frontière espagnole et depuis on ne l'a jamais revu....Ne lui jetons pas la
pierre, les humoristes sont rares de nos jours."
Ainsi finirent bien des
espérances, ainsi s'envolèrent bien des illusions.
Ce que des Belges ne purent réaliser du côté nord de la Portella, des Catalans le réalisèrent
du côté sud, et la station de ski promise à Mentet fut pour Setcases, avec la
création de Vallter 2000.
Cependant, Mentet tente de rattraper le XX° siècle. Des
mains opiniâtres relèvent les ruines, redressant les murs et recouvrant les
toits. Il ne s'agit, en ce début de résurrection, que de résidences secondaires
pour des vacances d'été familiales.
En 1972, elles ont la possibilité de se raccorder au
tout nouveau réseau public d'eau potable.
A la suite du décès de Raphaël Vidal, une période de transition s'ouvre, en 1975, avec
l'accession aux fonctions de premier magistrat de la commune de Noël Haon, gendre d'Emmanuel Vidal, dit "Chiche".
Les premiers pionniers se lancent alors dans l'aventure de l'installation à
l'année et affrontent leur premier hiver. Ce ne sont pas des enfants du pays,
mais des transfuges des cités, portés par la vague du retour à la nature
d'après mai-68. Ils vont réussir la percée, malgré les difficultés de tous
ordres qu'ils devront surmonter.
En
L'électricité est placée en 1983, suivie bientôt par
les égouts et
Une Association Foncière Pastorale est créée entre les
copropriétaires des pacages pour favoriser l'élevage. Gîte d'étape,
Café-Auberge, Hôtel-Restaurant-Epicerie, Centre équestre, Bergerie-Fromagerie,
Maison de la Nature, sont fondés, permettant à 28 habitants permanents de vivre
sur place. Symbole du renouveau, le ramassage scolaire emmène les enfants du
village vers l'école de Sahorre, le collège et le lycée de Prades, en
empruntant une route désormais déneigée régulièrement.
L'activité économique dépend donc davantage d'un
tourisme léger que des produits traditionnels de l'agriculture et de l'élevage.
La fonction d'accueil est dominante, liée au développement de la randonnée
pédestre et équestre. La découverte de la nature par la foule échappée des
villes a été favorisée par l'institution de
Couvrant une superficie de
Néanmoins, cette mise en réserve a pu faire échec aux
projets démentiels de promoteurs d'aménagements lourds et a permis de contenir
la spéculation foncière qu'ils déclenchaient. Pour protéger Mentet contre le
danger de l'achat de la quasi totalité de ses terres par les Caisses d'Epargne des Bouches-du-Rhône,
il a fallu même en appeler au Conseil d'Etat, pour faire reconnaître la
validité du droit de préemption du Conseil Général. Il s'agissait, par cette
intervention de la dernière chance, de contrecarrer les visées d'un "Ecureuil" trop vorace, en
s'opposant à une acquisition constituant un véritable détournement des
orientations prévues et voulues par la commune pour l'espace naturel sensible
représenté par la réserve naturelle dont elle assurait la gestion.
Ainsi peut-on espérer que soient désormais garantis les
droits des éleveurs, des randonneurs, des chasseurs, des pêcheurs et de tous
les amoureux de la montagne en général. La vigilance est cependant de rigueur
pour déjouer toute nouvelle manoeuvre d'accaparement du bien de tous pour le
profit de quelques-uns.
Faisons confiance aux habitants de Mentet pour rester
maîtres de leur cadre de vie, en défendant cette nature à laquelle ils se
sentent intimement mêlés, et que le calme, la paix et la sérénité règnent à
nouveau sur ce petit coin de montagne, si longtemps oublié dans le temps
et dans l'espace.
ANNEXES
AVALANCHES
1560 - Une partie de l'église
de Mantet est emportée.
1703 - A Mantet, l'église est
détruite une nouvelle fois. Il ne reste que l'autel et l'abside.
1830 - A Mantet, au lieu dit
"la Soulanette", une plaque de neige déferle sur la rivière de Mantet
et tue deux espagnols.
1900-1906 - Des coulées ont
lieu à Mantet entre 1900 et
Février 1917 - Après cinq jours
et
1976 - A Mantet, à la Serre de
Carret, trois randonneurs sont emportés par une avalanche déclenchée par la
rupture d'une corniche. Un seul est blessé sérieusement.
1991 - Des dégâts matériels
sont occasionnés par une avalanche à Mantet.
25 février 1996 - Des
avalanches se produisent en Haut-Alemany, à Mantet.
Source : H. Péjouan
Les Risques Majeurs dans les
Pyrénées-Orientales
http://www.risques-majeurs66.com/spip.php?article145
Elle fait trois victimes et engendre 400 millions de
francs de dégâts. Les pluies, comprises entre 100 et
….
Sur le bassin de la Têt, les crues les plus violentes sont celles de la rivière
de Mantet (qui tue deux canyonistes) et de la Rotja (qui déracine des arbres
cinquantenaires et les utilise pour ravager sa vallée)….
Source : M. Benech (DDAF)
http://www.risques-majeurs66.com/spip.php?article133
L’EGLISE
Historique
Cette église a été consacrée en 1101 et 1102.
C’est une dépendance de Sainte-Marie de Corneila.
Les murailles nord et ouest qui sont d’origine
peuvent être datées du XII° siècle.
L’abside est une construction des XII° et XIII° siècles.
Le clocher est postérieur
à l’édifice, mais construit en matériaux identiques.
Description
Il s’agit d’un édifice à nef unique,
avec abside semi-circulaire de la même hauteur que la nef.
L’abside semble avoir été surélevée.
L’entrée actuelle en plein cintre est située au sud.
Au-dessus du mur semi-circulaire de l’abside, et dans son alignement, se dresse un clocher arcade en arc de cercle, percé d’une ouverture en plein cintre et surmontée d’une croix girouettée.
L’édifice est appareillé en schiste et granite liés au mortier. Seul le premier niveau de l’abside est appareillé en blocs de granite taillés assez importants.
L’édifice est couvert d’un toit à deux pentes en
llauses de schiste.
Les cloches
Deux cloches en fonte sont placées dans le
clocher-mur. Elles sont datées du XIX° siècle.
La première provient de
La deuxième cloche porte l’inscription : " Sit nomem domini benedictum
Mantet Jean Baptiste 1818, Decharme fondeur ".
Source :
http://www.cg66.fr/culture/expositions/clochers/communes/mantet.html
Source :
Archives
Départementales des PO
B.P. 948, Avenue de Villeneuve - 66020 Perpignan Cedex
Tél : 04.68.54.60.39
http://www.cg66.fr/culture/archives/genealogie/communes_66/resultat.php?commune=Mantet&patronyme=&B1=Rechercher
Généalogie : recherche
par communes
Commune : MANTET
Les
patronymes suivants ont été retrouvés sur les registres communaux de mariage,
naissance et décès de la commune :
|
* Nombre patronymes
trouvés |
Source :
Archives Départementales des PO
B.P. 948, Avenue de Villeneuve - 66020 Perpignan Cedex
Tél : 04.68.54.60.39
http://www.cg66.fr/culture/archives/genealogie/registres/resultat.php?commune=MANTET&patronyme
Généalogie :
registres et références microfilms
Commune : MANTET
Les
registres de la commune de Mantet sont consultables aux archives
départementales des PO :
Commune |
Cote* |
Types d'actes et Périodes |
Mantet |
|
N.M.D 1893-1902 (2E 4481) |
Mantet |
|
B.M.S 1746-1792 (2E1713 et 2E1714) |
Mantet |
|
T.D 1802-1883 (2E1727) |
Mantet |
|
N.M.D 1793-1892 (2E1715 à 2E1726) |
*Reférence
des microfilms
Quelques liens utiles :
http://gw.geneanet.org/raspaud
http://gw.geneanet.org/granyote
TABLEAU
CHRONOLOGIQUE ET CULTUREL
TABLEAU
CHRONOLOGIQUE ET CULTUREL 2
Comtes de Cerdagne : Guifred II, comte de
Cerdagne (988-1035), fils d’Oliba Cabreta, fait don, au début du XI° siècle,
d’un alleu situé à Mentet, " in villa Mentedo ",
à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà.
Abbaye de Saint-Michel-de-Cuixà : La précédente donation est
confirmée en 1011 par une bulle du pape Serge IV (Marca Hispanica – n° 164)
Pons, archidiacre de la cathédrale d’Urgell, très
riche clerc, fait à son tour donation, dans ces dernières volontés, en 1031, de
Mentet et de son église à son fils Bernard (Martí Sanjaume –
Dietari de Puigcerdà – I-477)
Comtes de Cerdagne : Guillem II - Jordà, comte
de Cerdagne (1095-1109), fils de Guillem I - Ramon (1068-1095), conformément
aux dispositions du testament de son père en date du 7 octobre 1094, crée, le 4
mars 1097, un prieuré de chanoines augustins en l’église Sainte-Marie de
Corneilla-de-Conflent, voisine du château comtal. Parmi les legs attribués par
le comte de Cerdagne et Conflent à l’occasion de la fondation de ce nouveau
monastère figure l’église Saint-Vincent de Mentet.
Abbaye de Fontfroide : Alphonse II le Chaste, roi
d’Aragon, signe en 1182 une charte confirmant à l’abbaye de Fontfroide la
possession des pacages de Mentet donnés par Bernard de Corsavy et Pons
de Guardia (A.D.P.O. – Archives des Pyrénées-Orientales – 1 B 219 – Registre
XXII de
Hôpital d’Ille : Le 23 janvier 1225, Marie,
fille de Bernard de Corsavy et veuve de Bertrand d'Ille, fait don de deux
terres qu'elle possède à Mentet à l'hôpital d'Ille :
Marie d'Ille s'est donnée à l'hôpital "avec tous ses biens", notamment "ses manses et honneurs à Mentet", tandis que son frère, Raymond de Cortsaví, faisait don, de son côté, à ce même hôpital "des hommes et des femmes des quatre feux qui habitaient ces manses".
(A.H.I. ( Archives de l'Hôpital d'Ille ) -
documents 3 B 364 et 364 bis - cités in C.A.V.I.
( Cahiers des Amis du Vieil
Ille ) - N° 117 - page 20)
(A.D.P.O.
- 1 B 15 - Liber feudorum A - folio LXXXII)
En
Cependant,
son commandeur prêtera foi et hommage
pour ses possessions de Mentet au roi Sanche de Majorque qui accède au
pouvoir en 1311 .(A.D.P.O. - 1 B 16 - Liber feudorum C)
(A.D.P.O. - 1 B 15 - Liber feudorum A –
déjà cité)
Bernard de So : ce seigneur semble avoir été
détenteur des droits de justice sur Mentet lors de son investiture en
tant que seigneur de Sahorre en 1312.
Bernard Guillem de Toren : En février 1318, le roi Sanche de Majorque récompense les services de son viguier du
Roussillon, le chevalier Bernard Guillem
de Toren en lui donnant la
seigneurie et le château de Mentet, puis en lui en concédant les droits
de justice. Les Guillem sont désormais seigneurs de Toren et de Mentet.
(A.D.P.O. - 1 B 190)
François de Perellos : Les Guillem de Toren payent
-comme la plupart des seigneurs de Conflent- leur fidélité au royaume de
Majorque. Le roi Pierre IV d'Aragon récompense ceux qui l'ont bien servi de
leurs dépouilles. François de Perellos,
capitaine de Salses, amiral des flottes aragonaises et françaises, devient
ainsi seigneur de Toren et de Mentet.
Xanxo : En 1359, ce riche bourgeois de Perpignan possède Mentet, avec ses quatre feux, et Toren, avec ses sept feux.
(Documents de A. Salas -
Revue d'Histoire et d'Archéologie - 1901 - rapportés par Jean Villanove - Histoire Populaire des Catalans -
tome I - page 341)
Il s’agit là d’une
des seigneuries appartenant à des bourgeois (fochs
de ciutadans) dans le classement qui apparaît dans le tableau général des
seigneuries existantes dans l'évêché d'Elne en 1359, dressé pour le recensement
général des feux de Catalogne décidé par les Corts de Cervera.
Seigneurs d’Oms :
Bérenger III : Seigneur d'Oms et de Taillet, il rachète successivement le patrimoine détenu par les héritiers de Bernard Guillem de Toren et de François de Perellos. Le 16 novembre 1378, c'est dona Sancha, veuve de Bernard Guillem de Toren, qui lui cède ses droits, suivie, le 25 du même mois, par dona Sibila, femme de Raymons de Perellos, pour ce qui concerne les siens.
Au nom du roi d'Aragon,
autorisation est donnée à Berenger d'Oms de prendre
possession du château de Toren, du lieu de Mentet et du baillage de Pi,
quoiqu'il n'en ait pas encore reçu l'investiture. (A.D.P.O. - 1 B 136 -
Registre XVI de
Cette confirmation arrive le 18 septembre 1381 avec la vente faite par
l'infant Jean, gouverneur général des Etats d'Aragon. L'infant Jean, d'accord
avec les commissaires chargés par le roi Pierre IV, son père, de vendre et aliéner divers domaines de la
couronne afin de payer les intérêts des sommes empruntées pour
"restaurer" le royaume de
Sardaigne, vend en franc-alleu à Berenger d'Oms, chevalier, le mère et mixte
empire avec toute juridiction, host et chevauchée, des châteaux et lieux de Toren et de Mentet,
qui appartiennent déjà audit chevalier. (A.D.P.O.
- 1 B 142 - 1 B 190 - 1 B 401 - Registre XLI de
Berenger III d'Oms
obtenait ainsi l'intégralité de la juridiction civile et militaire sur les lieux et châteaux de Thorent et Mantet
qui lui appartenaient déjà, de Cauders et de Py, appartenant à l'abbé de
Campredon, d'Huytesa, appartenant à Grimau d'Avellanet, de la Clusa, de
Sahorra, de Fulha, de Creu et de Vilanova en Capcir, au prix de 1500 florins
d'or d'Aragon. (Philippe
Lazerme - Noblesa Catalana - tome
II - pages 375 et suivantes).
Bérenger IV : Fils de Bérenger III , seigneur d'Oms, de Fuilla, de Sahorre, de Taillet, des Cluses, de Montesquieu, de Py et de Mantet, il épouse Jeanne de Santa-Pau, fille de Hugues de Santa-Pau et de Béatrix, le 6 novembre 1393.
Bérenger V : Fils de Bérenger IV, il succède à son père en 1424. Bérenger V représente l'apogée de la famille, il est le premier à obtenir les charges les plus importantes jamais confiées à un membre de la famille d'Oms. Héritier des seigneuries d'Oms, de Fuilla, de Sahorre, de Taillet, des Cluses, de Montesquieu, de Py et de Mantet, il obtient dès 1424 la charge de gouverneur du château de Collioure.
Placé à la cour du roi
Alphonse IV, il devient vice-roi d'Aragon durant l'année 1425 lors des absences
de Marie, reine d'Aragon, qui avait la charge du royaume pendant les conquêtes
de son mari. De 1426 à 1456 il est gouverneur de Majorque. En 1426 il reçoit de
la reine la châtellenie et le bailliage de Collioure. Ces descendants les
conserveront jusqu'en
Guillaume d’Oms : Fils de Bérenger V, il fut seigneur des Cluses, baron de Montesquieu et de Santa-Pau, commandant du château de Collioure. En 1517, le roi d'Espagne Charles Quint le nomme vice-roi de Majorque.
Bérenger VI : Fils et successeur de Guillaume d'Oms, il fut vavasseur de Montescot, seigneur d'Oms, de Montesquieu, de Santa-Pau, de Sahorre, de Claira, de Saint-Laurent-de-la-Salanque, de Taillet et Alcayde de Collioure. Le 8 juillet 1512 il devient capitaine général des côtes du royaume de Grenade.
Bérenger VII : Fils et successeur de Bérenger VI, il a commandé une galère de combat pendant un demi-siècle. S'étant illustré aux côtés du roi d'Aragon, il obtient par la suite la charge d'Alcayde du château d'Elne, puis plus tard directeur de la fabrique de galères de Barcelone et enfin Général des galères de Catalogne.
Antoine d’Oms : Fils de Bérenger VI et frère cadet de Bérenger VII, il prends la succession de son père à la mort de son frère aîné, celui-ci n'ayant pas laissé d'héritier mâle. Héritier de tous les titres de son père, il était également châtelain de Collioure et du fort St Elme.
Antoine d’Oms : Fils et successeur d'Antoine. Il cède l'alcayde de Collioure à son neveu Henri de Sentmanat. Il épouse Jeanne d'Oms dont il n'aura pas d'enfants. Sa succession passe à son frère Bérenger VIII.
Bérenger VIII : Fils d'Antoine d'Oms, il succède à son père à la mort de son frère Antoine. Il épouse Marie-Anne de Sentmanat dont il aura deux enfants : Bérenger IX et Antoine. Bérenger VIII était Président du Conseil Royal de la Batlli générale de Catalogne.
Bérenger IX : Fils et successeur de Bérenger VIII, il épouse sa cousine Marie Magdeleine dont il aura une fille Thérèse, qui épousera son oncle Antoine. Sa succession est assurée par ce frère, Antoine :
Antoine d’Oms : Second fils de Bérenger VIII, il succède à son père à la mort de son frère, Bérenger IX, décédé sans héritier mâle. Il s’agit sans nul doute du seigneur don Antoine de Sammanat et de la Nussa qui signe le fameux acte d’inféodation des terres de Mentet aux douze "cammasats", en l’étude du sieur Queya-Anglès le 17 août 1613.
Il s'illustre dans les campagnes militaires du roi d'Aragon contre les français durant la guerre de 30 ans et obtient le titre de maître-de-champ lors de la campagne de Salses. En raison de cet engagement du côté du roi d'Aragon, ses terres sont saisies en 1652, au moment des insurrections.
Raymond d’Oms et de Santa Pau : Fils d’Antoine, il sera un valeureux combattant. Il prendra une part active à la défense de Puigcerda. Sa fidèlité à Phillippe IV lui vaudra la confiscation de ses biens, dont les forges de Mentet, par le roi de France, dés 1673..
Le 20 août 1682, une sentence
sera rendue dans le procès que les officiers du roi ont intenté à son aïeul
Bérenger IV: Raymond perdit la baronnie de Montesquieu et dû vendre ses
seigneuries de Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Sahorre, Collioure,
Fuilla, Py, Mantet, Thorent et Ralleu. (A.D.P.O.
–
Dépossédé de ses biens, il reçut en compensation une pension mensuelle de 150 écus, puis mourut sans postérité, clôturant ainsi la longue liste des membres de la famille d’Oms ayant exercé leurs droits seigneuriaux sur Mentet depuis la fin du Royaume de Majorque.
Joseph de Vilanova-Caramany i Almar : Les
biens confisqués à Don Ramon d’Oms sont attribués par le Roi à Joseph de
Vilanova-Caramany i Almar, maréchal de camp, colonel du royal Roussillon
cavalerie, seigneur de Corbère en 1668, mort en 1672. Il a épousé en 1649
Thérésa Junyent i de Marimon, décédée en 1706.(A.D.P.O. –
Clément Dubois de Boisambert : Ce
lieutenant-général du roi en Roussillon a reçu, pour sa part, sur les biens
confisqués à Don Ramon d’Oms, Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, les fours
royaux de Collioure, Ralleu, Sahorre, Fuilla, Pi et les montagnes de Rojà et de
Caret. (A.D.P.O.
Xavier-Clément Dubois de Boisambert i de Vilanova-Caramany : (1681-1739), fils des précédents, seigneur de Corbère, lieutenant-général du roi en Roussillon, épousa en 1718 Maria-Thérésa de Cagarriga i de Reart (1694-1772)
Louis Dubois de Boisambert i de Cagarriga : (1724-1779), fils des précédents, seigneur de Corbère, conseil au conseil souverain du Roussillon, mourut sans alliance, laissant tout ses biens et ses fiefs au fils de sa soeur, Maria-Thérésa Dubois de Boisambert i de Cagarriga, née en 1719 et marié en 1749 à Francesch de Vilar i Coll (1716-1798), procureur général au conseil souverain du Roussillon.
Joseph de Vilar i Dubois de Boisambert : (1759-1789), neveu du précédent, seigneur de Corbère à la mort de celui-ci en 1779, conseiller au conseil souverrain du Roussillon, épousa en 1785 Josepha d'Oms i d'Armangau (1761-1787)
Sylvestre du Bruelh : Ce seigneur de
Ferrières était, en 1662, lieutenant pour le Roi à la citadelle de Perpignan,
puis gouverneur du château des Bains (d’Arles) en 1675 et ensuite gouverneur du
fort de Bellegarde en 1681. En 1684, il devient baron de Montesquieu et
seigneur de Mentet et de Toren lors du partage des dépouilles de Don
Ramon d’Oms avec Clément Dubois de Boisambert (A.D.P.O. –
Barons Satgé de Toren :
Jean-Jacques Satgé : Lors de sa prise de possession de Railleu, le 20 mai 1687, Monsieur de Boisambert était accompagné de Jean Satgé. Natif de Molitg, Jean Satgé devait déjà être un riche pagès, soucieux de faire prospérer son patrimoine. Il avait affermé les octrois de Corbère, terre d'où Monsieur de Boisambert, bien qu'il n'en soit pas seigneur titulaire, tirait d'importants revenus, tels la censive sur le ruisseau. Jean Satgé a pour fils Jean-Jacques Satgé. C'est lui qui va fonder la nouvelle dynastie des barons Satgé de Toren, seigneurs d'Huyteza et de Mentet jusqu'à la Révolution.
Enrichi dans le négoce à
Prades et à Perpignan, il afferme les octrois de Prades puis, en 1732, coup de
maître, les très importants revenus du Prieuré de Corneilla. (A.D.P.O. –
Jean-Cyr Satgé : Après la mort de leur père Jean-Jacques, Dominique devient seigneur haut-justicier d'Huyteza, en 1768, tandis que Jean-Cyr devient baron de Toren, seigneur haut-justicier de Mentet.
Marié à Louise de Bordes, il signe "Satgé de Toren" et gère la seigneurie de Pi, par procuration de l'abbé de Camprodon, qui en est toujours le seigneur titulaire. Mais il ne gère pas directement et totalement sa terre de Mentet, puisque c'est le syndic du chapitre de l'abbaye de Saint-Martin-du-Canigou qui y représente le seigneur. A la Révolution, biens confisqués, tête mise à prix par le tribunal révolutionnaire, il réussit à s'échapper vers l'Espagne en 1793. Revenu en France, il y meurt, cinq ans plus tard, en l'an VI.
Sources :
http://home.tele2.fr/jeanrigoli/Mantet/Histoiredemantet.htm
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- PIC Alain - La
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- PORTET Renada-Laura - Toponímia rossellonesa - Toponímia del Rosselló - Imprimerie Michel
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- SAGNES Jean (direction) avec participation diverse
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- VILLANOVE Jean - Histoire populaire des catalans - Imprimerie SOFREIX - Perpignan -
Tome I - 3° édition - 1980 - 348 pages; Tome II - 1979 - 330 pages; Tome III -
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DICTIONNAIRES
ET ENCYCLOPEDIES
- GRAN ENCICLOPEDIA CATALANA - Enciclopèdia catalana S.A. - Barcelona - 1976 - 1988 : 2° edició.
- GRAN GEOGRAFIA COMARCAL DE CATALUNYA - Enciclopèdia
catalana S.A. - Barcelona - 1985.
- CATALUNYA ROMANICA - Enciclopèdia catalana S.A. - Barcelona - 1992.
- DICCIONARI DE
- DICCIONARI ETIMOLÒGIC I COMPLEMENTARI DE
- DAUZAT Albert, DUBOIS Jean et MITTERAND Henri - Dictionnaire étymologique et historique du
français - Larousse - Nouvelle édition - Mai 1993 - 822 pages.
- WALTER Gérard et WALTER Henriette - Dictionnaire des mots d'origine étrangère -
Larousse - Octobre 1991 - 413 pages.
- QUILLET Aristide - Dictionnaire encyclopédique QUILLET en six volumes - Librairie Aristide QUILLET - Paris - 1962 - 6291
pages.
CARTOGRAPHIE
- CADASTRE
- Plan cadastral parcellaire de la Commune de Mantet - Canton d' Olette -
Arrondissement de Prades - Département des Pyrénées-Orientales - Terminé sur le
terrain le 19 juillet 1824 :
-
Section A du Village, en deux feuilles :
1ère feuille A1 du N° 1 au N° 310
2ème feuille A2 du N° 311 au N° 326
- Section B de
Lalemany, en deux feuilles :
1ère feuille B1 du N° 1 au N° 9
2ème feuille B2 du N° 10 au N° 151
Mises à jour : 1973 - 1983.
- INSTITUT GEOGRAPHIQUE NATIONAL
Carte "
Bourg-Madame - Mont-Louis - Col de la Perche "
225O ET - TOP 25 - Echelle
1:25000 - I.G.N. Paris - 1991.
Carte " Massif du
Canigou " 2349 ET - TOP 25 - Echelle 1:25000 - I.G.N. Paris- 1991.
Carte "
Prats de Mollo -
- I.G.N. Paris - 1963.
Carte " Prats de
Mollo -
- I.G.N. Paris - 1963.
Carte " Prats de
Mollo " - Feuille XXIII - 50 - Série M 761
- Echelle 1:50000 - I.G.N.
Paris - 1954
Carte " Prades
" - Feuille XXIII - 49 - Type M - Echelle 1:50000 dressée d'après la
carte au 1:80000 - révision de 1936- mise à jour partielle de 1953 - I.G.N.
Paris - 1953.
- INSTITUT
CATALÀ DE RECERCA EN CIÈNCES SOCIALS
ICRECS - Universitat de Perpinyà
Referència :
Fitxer 2250 MON 3
SOURCES
ECRITES
- ACTES
NOTARIES
M° André GAY, Notaire à Oleta
:
N° 222 - 9 juin 1854 - Acte constitutif de la Société
des co-propriétaires des bois, montagnes et pacages de Mantet.
14 mars 1877 -
Société des co-propriétaires de Mantet - Modification des Statuts.
EMISSIONS TELEVISEES
- 12 octobre 1993 - 22 H 40
- France 2 - "Bas les Masques"
de Mireille DUMAS - "J'habite au
bout du monde"
- 16 septembre 1995 - 15 H
05 - France 3 - "Couleur Pays"
- Magazine "Evasion" de
Michel HUET - "Balades en pays de
Conflent"
TABLE
DES MATIERES
- Epigraphe - Dédicace Page 2
- Avertissement Page 4
- Préface Page 5
- Présentation Page 6
- Introduction Page 8
- Le Moyen Age Page 20
- L'Ancien Régime Page 31
- L'Epoque contemporaine Page 40
- Annexes Page 49
- Bibliographie et sources Page 59
- Table des matières Page 64
[1] Toponymie de Mentet - A2.08.1
[2] Toponymie de
Mentet -
B2.01.1
[3] Toponymie de Mentet - A1.15.1
[4] Limites historiques et répertoire toponymique...page 151.
[5] En raison de sa faible profondeur, cette cavité est un foculus pour sacrifices plutôt qu'un loculus pour reliques.
[6] Toponymie de Mentet - B1.02.1 - La Dona
[9] Abbé Albert Cazes - La Vallée du Rojà - page 60.
[11]
A.D.P.O.
( Archives des Pyrénées-Orientales ) - 1 B 219 - Registre XXII de
[12] A.H.I. (
Archives de l'Hôpital d'Ille ) - documents 3 B 364 et 364 bis - cités in
C.A.V.I.
( Cahiers des Amis du Vieil Ille ) - N° 117 -
page 20
[17] - id°- - document 3 B 375
[23] Documents de
A. Salas - Revue d'Histoire et
d'Archéologie - 1901 - rapportés par Jean
Villanove - Histoire Populaire des
Catalans
- tome I - page 341
[25] A.D.P.O. -
1 B 136 - Registre XVI de
[26] A.D.P.O. -
1 B 142 - 1 B 190 - 1 B 401 - Registre XLI de
[28] A.D.P.O. -
1 B 209 - Registre XXX de
[29] L'indivision des terres de Mentet - Revue Conflent N° 184 - pages 17 à 30
[30]
A.D.P.O. -
[31] - M° Lavall, Notaire à Prada - 16 juillet 1817 - Acte de subrogation de droits.
- M° Vincent Paris, Notaire à Prada - 11 juillet 1834 - Acte réglant
le mode de jouissance des bois et pacages.
- M° André Gay, Notaire à Oleta - N° 222 - 9 juin 1854 - Acte constitutif de la Société des
co-propriétaires des bois, montagnes et pacages
de
Mantet.
-
14 mars 1877 - Société des co-propriétaires de Mantet - Modification des
Statuts.
[34] René Alquier - Monographie de Sahorre - page 43
[35] A.D.P.O.
-
[36] A.D.P.O.
-
[37] A.D.P.O. -
[38] A.D.P.O.
-
[39] A.D.P.O. -
[40] A.D.P.O. -
[41] A.D.P.O. -
[42] A.D.P.O. -
[43] A.D.P.O.
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[45] A.D.P.O. -
[46] A.D.P.O.
-
[47] A.D.P.O. -
[48] A.D.P.O.
-
[49] A.D.P.O.
-
[50] A.D.P.O.
-
[51] A.D.P.O.
-
[52] A.D.P.O -
[53] A.D.P.O.
-